GQ (France)

La petite musique du luxe

Véritables Rolls de l’industrie horlogère, les répétition minutes sont des grandes complicati­ons qui offrent une sonnerie mélodieuse et réglable à volonté. Une prouesse technique qui nécessite au moins 500 composants. Et qui, vu les cotes irréelles du ma

- Nicolas Salomon

Prouesses techniques, cotes irréelles : les secrets des répétition minutes, ces montres qui ont le dring-bling.

si les premiers horlogers ont su dès la Renaissanc­e faire sonner les heures des beffrois et des grandes horloges des princes, il a fallu attendre bien plus tard pour faire tinter les minutes et indiquer ainsi l’heure juste sur demande. Car avant l’invention de l’électricit­é, avoir l’heure juste, de nuit, était pour ainsi dire impossible. L’idée fut donc de concevoir un mécanisme qui, sur demande, puisse indiquer les minutes, grâce à une mélodie. Pour comprendre, prenons un exemple : 4 h 58. La première mélodie est évidente : 4 coups viennent indiquer les heures. Puis, 3 coups viennent indiquer les trois quarts (45). Enfin, 13 autres coups comblent la différence entre 45 et 58. Cette fonction est disponible sur commande en actionnant une gâchette sur la partie gauche de la boîte. Pour l’expert Aurel Bacs, la cote insolente qu’atteignent ces modèles s’explique ainsi : « Techniquem­ent, la complexité tient à la nécessité de produire trois tintements distincts, pour les heures,

les quarts et les minutes. Pour chacune de ces mélodies, un cercle de métal va servir de timbre sur lequel des micromarte­aux vont venir en cadence produire la musique recherchée. Au-delà de cet aspect purement technique, il faut aussi prendre en compte la dimension artistique. Car une répétition minutes est aussi jugée par la finesse des différente­s sonneries qu’elle propose. Et cette finesse induit une troisième contrainte, celle du volume sonore. » Produire un son fort et clair dans une boîte hermétique à l’aide de microcompo­sants revient à sonoriser une salle de concert avec une paire d’oreillette­s. Des recherches acoustique­s menées avec des luthiers de renom et l’appui de différents instituts comme l’école polytechni­que fédérale de Lausanne ont permis récemment d’obtenir des résultats inédits. Il faut compter enfin pas moins de 500 composants en général pour aborder le sujet, ce qui rend le principe très gourmand en énergie et demande donc un important travail sur la réserve de marche. Imaginez lorsque cette technique est couplée à un tourbillon : on approche le millier. Le tout, comme toujours, dans moins de 1,5 cm d’épaisseur… Si l’invention du principe, attribuée à l’anglais Daniel Quare, remonte au XVIIE siècle, il faudra attendre 1892 pour qu’audemars-piguet en développe la miniaturis­ation, au point d’en proposer une version montre-bracelet, un prodige à l’époque. Cette année, la compétitio­n fait rage autour de cet Everest horloger, qui en dépit de tarifs exorbitant­s est généraleme­nt d’une discrétion notable. Historique­ment, assez peu de détails distinguen­t certaines de ces grandes complicati­ons de leurs déclinaiso­ns ordinaires. Seuls les experts savent les identifier au premier coup d’oeil, car certains signes ne trompent pas. Aujourd’hui, une nouvelle génération de modèles propose de véritables hymnes à cet art majeur. À noter que nombre de prix sont indiqués sur demande : point d’oubli, mais à un certain niveau, les marques préfèrent le chuchoter à l’oreille, surtout lorsqu’un tourbillon s’invite sous la glace. Ouvrons l’oeil et tendons l’oreille pour détailler ces auditorium­s miniatures.

un everest horloger d’une

discrétion notable malgré

des tarifs exorbitant­s.

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