GQ (France)

UN HOMME QUI COMPTE À HOLLYWOOD CINQ Le nombre de 36 séries qu’il a produites depuis 2004 : Entourage, En analyse, How To Make It in Le nombre America, Boardwalk de films dans Empire… et Ballers, lesquels il a série sur le foot tourné américain qui a dém

MARK WAHLBERG C’est ce qu’ont rapporté les cinq films qu’il a produits depuis 2007. Il en a deux autres à l’aŠche cette année : Stealing Cars et sorti le 24 juin dans les salles. MILLIARDS € MILLIONS €

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Seth Macfarlane, créateur des Griffin et réalisateu­r de Ted 1 & 2, n’hésite pas à le décrire comme « la plus grande star masculine d’aujourd’hui » : « Mark est un type très sérieux dans la vie, mais sur un plateau vous pouvez lui demander n’importe quoi. C’est pour ça que tout le monde aime bosser avec lui. Et c’est pour ça qu’il est si drôle. » À l’évidence, Wahlberg bâtit un empire. « Disons que mes affaires marchent bien, reconnaît-il. J’ai eu du succès jusqu’ici, mais il y a encore un tas de choses que je veux accomplir. J’ai toujours voulu être le meilleur. Que ce soit dans la rue d’où je viens, dans la salle de sport, sur les plateaux de cinéma, dans les réunions de production ou à la maison (il est en couple depuis quinze ans avec la mannequin Rhea Durham, nldr). To do my best : voilà ce qui me guide dans la vie. »

Le « connecteur de talents » L’affirmatio­n est lancée avec le ton conquérant d’un manager de la win animant un séminaire de motivation pour cadres. D’ailleurs, quand il évoque ses choix de carrière, l’acteur parle de « projets innovants sur le marché », de « démarche pro-active », d’« entreprene­ur », de « retour sur investisse­ment » et de « connecter les talents »… Lui qui mène sa barque avec un succès insolent au sein de la société de production Closest to the Hole qu’il a montée avec Stephen Levinson, son vieux copain et ancien agent. Si nous n’avons rien contre Wahlberg « l’homme d’affaires », ni contre Wahlberg « le bon père qui va à l’église catholique de Beverly Hills tous les jours après avoir déposé ses trois filles et son fils à l’école », celui que nous aimons le plus vit sur grand écran. Et sa conduite est loin d’y être irréprocha­ble. Ce double plus badass affleure lorsque l’acteur lâche ce°e phrase, dont on a°ribue généraleme­nt la paternité à Clint Eastwood : « Un film pour eux, un film pour moi. » Autrement dit, un projet commercial pour un plus personnel. « Je déteste me laisser enfermer, explique-t-il. Quand je viens de faire un film d’action, je n’ai qu’une envie : jouer dans une comédie. Et ensuite, dans un drame. » On l’oublierait presque à écouter le récit comptable de ses succès au box-office, mais Mark Wahlberg est un grand acteur, un aristocrat­e du jeu qui dessine de film en film une personnali­té complexe, et raconte une histoire. Celle d’un type naïf (grands yeux écarquillé­s/ brave garçon) à qui on ne la fait pas (sourcils froncés/ caïd du ghe°o). Un type avec les pieds sur terre qui regarde vers les étoiles. Pour tenter de comprendre ce°e dualité, il faut remonter à son enfance dans le quartier populaire de Dorcester à Boston. Né en 1971, Mark est le cadet d’une fratrie de neuf enfants. Ses parents, divorcés, membres de la communauté catholique irlandaise, sont de modestes employés. Les week-ends où son père a sa garde, il les passe dans les salles obscures : « Le premier film que j’ai vu avec lui était Le Bagarreur (Walter Hill, 1975) avec Charles Bronson, puis je me rappelle avoir vu Sur les quais (Elia Kazan, 1954), La Grande Évasion (John Sturges, 1963), L’enfer est à lui (Raoul Walsh, 1949), Le Petit César (Mervyn Leroy, 1931), Les 400 Coups (François Truffaut, 1959)… » Ses idoles s’appellent alors Marlon Brando, Robert Ryan, Edward G. Robinson ou James Cagney : des acteurs à grande gueule et à fort caractère, « des cols bleus qui se bagarraien­t pour rester dignes et me rappelaien­t mon père ». Fasciné par ces parrains de celluloïd, le petit gars de Boston finira lui-même par devenir le big boss d’hollywood. Lorsqu’on lui demande quelle est sa méthode, il rétorque, sûr de lui : « Beaucoup de travail, du nez, de la loyauté, un peu de chance, et un max d’intimidati­on personnell­e, une technique que j’ai gardé de mes années dans la rue. » Est-on seulement bien sûr qu’il plaisante ?

Sur la « hot » liste Avant de connaître le succès, Mark Wahlberg a fait un petit détour en cellule. À 13 ans, son frère aîné Donnie l’embarque dans les New Kids on the Block, un des premiers boys bands, mais il je°e vite l’éponge pour passer ses journées dans les rues, où il se lie d’amitié avec les petites frappes du coin. Les ennuis s’accumulent, jusqu’à l’impardonna­ble : entre ses 15 et 16 ans, il est impliqué dans quatre

violentes agressions racistes. Condamné à deux ans dans un centre pour mineurs, il n’y passera que quarante-cinq jours. À sa sortie, Wahlberg décide d’utiliser son excès de testostéro­ne à meilleur escient et devient d’abord rappeur pour midine‚es (sous le nom de Marky Mark), puis mannequin (pour les sous-vêtements Calvin Klein, notamment). Un passé avec lequel il ne semble pas à l’aise: « Je n’ai pas honte, mais je n’ai pas grand-chose à en dire », esquive-t-il. Et le hip-hop, en écoute-t-il encore ? « Quand Jay Z, Kanye ou Drake sortent un album, j’y je‚e une oreille, comme tout le monde. Mais j’écoute surtout de la musique en voiture, avec mes filles, et je n’ai pas envie qu’elles soient exposées à la violence et au sexisme. » Mark a enterré Marky… Au cinéma, l’apprenti acteur est d’abord remarqué torse nu sous la veste kaki et démarche de caillera, en meilleur ami d’un Leonardo Dicaprio accro à l’héroïne dans Basketball Diaries (1995). Mais c’est Boogie Nights, de Paul Thomas Anderson, qui lance sa carrière en 1997. En incarnant un hardeur vintage, Wahlberg dévoile la finesse de son jeu : « De là où je viens, on ne peut pas apparaître comme quelqu’un de faible. J’étais donc partagé entre la peur de me faire chambrer par les mecs de mon quartier, et l’envie de leur prouver que je valais quelque chose. Je n’allais pas pouvoir jouer les gros durs toute ma carrière, alors j’ai décidé de laisser Anderson explorer ma fragilité. Évidemment, j’ai bien fait. » Avec ce rôle, le comédien apparaît sur la liste des acteurs « hot », et plus seulement pour ses pectoraux et ses boxer-shorts. Lorsqu’on lui demande quel autre cinéaste a compté pour lui, il finit par nommer James Gray et Martin Scorsese, avec lequel il a tourné Les Infiltrés (2006). « Marty m’a laissé beaucoup de liberté. Il me disait juste : “Imagine les pires insultes, tout ce qui te passe par la tête, et balance-les de la façon la plus agressive possible à Leonardo Dicaprio.” J’ai adoré ça. À tel point que j’ai eu du mal à me départir du rôle – mes proches s’en souviennen­t. » On sent dans son regard une admiration immense. Sitôt après la sortie du film, Wahlberg va voir Scorsese sur le tournage de Shu er Island pour le convaincre de réaliser le pilote de la série HBO Boardwalk Empire. Et le vieux maître accepte d’y apposer sa signature, assurant le buzz.

Un gant de velours Ce serait, dit-on à Hollywood, la clé de son succès : un partenaire de confiance qui gère la boîte d’une main de fer, et son gant de velours à lui pour rayonner et ramener les talents. Il enchaîne en faisant l’éloge de James Gray avec lequel il a tourné The Yards (2000), un polar tragique passé inaperçu aux États-unis et qui s’est fait siffler à Cannes, mais aujourd’hui reconnu par les cinéphiles comme un classique, au même titre que le long métrage suivant du réalisateu­r – La Nuit nous appartient – que Wahlberg produit, ce‚e fois. « L’insuccès chronique de James me navre. J’essaie de le convaincre de se lancer dans un projet un peu plus commercial, mais il est têtu… Enfin si vous, les Français, le soutenez, ça veut bien dire qu’il est génial, non ? » conclut-il. Une manière de rappeler une dernière fois qu’un bon producteur est avant tout un bon vendeur.

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