Le bras ballant, tout un symbole !
Remise au goût du jour, cette attitude est un symbole d’une rare puissance. Analyse iconologique. Par Gonzague Dupleix
KANYE WEST, DRAKE ou The Weeknd dominent le monde les bras ballants. Ce geste, synonyme de douleur et de chrétienté nous vient des profondeurs de l’iconographie occidentale. Le dépositaire de la pose est en premier lieu le Christ défunt, du moins comme l’ont illustré les peintres. En effet, quantité de Pietà représentent sa dépouille descendue de la croix, le corps renversé sur les genoux de la Vierge. Le bras est inerte, il pendouille. Aux XVE, XVIE, XVIIE et XVIIIE siècles, il continue de pendouiller. Il faut attendre l’année 1793 – trois siècles après la Pietà magistrale de Michel Ange — pour que le peintre néoclassique Jacques-louis David ose le sacrilège : attribuer la fameuse posture à un autre personnage. Et c’est le révolutionnaire Marat (qui avait la dent dure avec les curés), tout juste assassiné par Charlotte Corday, qui aura l’honneur posthume d’être le premier à y passer. Chacun se souviendra de La Mort de Marat (1793), le représentant mort et bien mort, le bras pendant hors de sa baignoire. Plus tard, le même Jacques-louis devient peintre officiel de Napoléon Bonaparte, celui- là qui le 18 mai 1804 se couronne lui- même face à un pape impuissant. Les portraits qui suivront sont d’épatantes compilations de symboles pris dans toute l’iconographie occidentale, parmi lesquels l’on retrouve celui du Christ mort. Dépossédé, le symbole peut alors rejoindre le petit peuple. Et c’est avec Degas et son Dans un Café, dit aussi L’absinthe ( 18751876), que l’on assiste à cette passation. La toile représente, une femme seule à la table d’un café, son verre d’absinthe posé sous son nez. Le regard perdu, les épaules tombantes et les bras ballants. C’est la fin d’un premier cycle de plusieurs siècles et mettant en scène l’immortalité des dieux et la souffrance des êtres. Une vulnérabilité qu’alberto Giacometti injectera dans sa sculpture L’homme qui marche en 1961. Le thème n’échappera pas à la culture pop où, notamment, punks ( Ramones), grungeux ( Nirvana), cinéma d’horreur ( Ring) et aujourd’hui les nouveaux pharaons du R& B manient ce symbole d’immense douleur et de célébration.