GQ (France)

DÉCRYPTAGE

La toupie hypnotique et virevoltan­te n’est pas qu’un fétiche obsessionn­el pour petits et grands. Mais le symbole d’une « accélérati­on » cognitive indispensa­ble.

- Par Nicolas Santolaria

Le « hand spinner » , toupie hypnotique, objet fétiche pour petits et grands, est aussi le symbole d’une « accélérati­on » cognitive indispensa­ble.

VÉRITABLE HIT DES COURS de récréation et des espaces de bureau, le hand spinner, objet en forme de trèfle à trois feuilles, tourne autour de son axe central, produisant ainsi une quantité d’énergie infinie. L’attrait de cet objet est à ce point improbable que son potentiel commercial a totalement échappé aux grandes marques de jouets. Faute d’avoir rencontré des investisse­urs clairvoyan­ts, Catherine Hettinger, la mère de famille américaine qui a mis au point le hand spinner dans les années 1990 pour divertir sa f ille atteinte de troubles musculaire­s, a f ini par abandonner son brevet. Et c’est justement parce qu’il n’a pas gagné les rives de l’histoire industriel­le que le hand spinner a réussi à atteindre celles où se forge la mythologie des objets. Extrêmemen­t instinctif­s, les enfants se sont d’eux- mêmes emparés de ce trèfle low- cost et hypnotique. Entourés de parents stressés par l’urgence permanente, les enfants ont l’habitude d’avoir affaire à un public incapable de se focaliser, aspiré par ce que le philosophe Vilém Flusser nomme les « non- choses » . Les non- choses nous tiennent captifs et nous hystérisen­t. Par son pouvoir de réassuranc­e tactile, le hand spinner pourrait donc être vu comme le dernier objet transition­nel dans un monde où les objets n’ont plus vocation à faire transition. Retissant à sa manière le lien entre la main et le processus d’hominisati­on, cette métaphore matérielle qui ne cesse d’opérer sous nos yeux des révolution­s avec une étonnante facilité est un véritable manifeste accélérati­onniste. Regardez l’objet tourner et vous verrez ce qu’il a à nous dire : au bout d’un moment, la rotation produit un effet stroboscop­ique qui donne le sentiment de s’inverser. Alors plutôt que de vous tourner vers une illusoire utopie de la « slow culture » , embrassez sans crainte cette vitesse et vous comprendre­z alors qu’elle n’est qu’une illusion momentanée, un simple effet d’optique.

LDans une série de trois chapitres, GQ étudie comment certains des hommes les plus rapides du monde sur deux roues maintienne­nt l’équilibre dans leur vie sur et en dehors de la piste. Ce mois-ci, nous avons pris les commandes d’une Seat Leon Cupra avec Andrea Dovizioso, pilote de Motogp.

a vie d’andrea Dovizioso est loin d’être tranquille. Vous seriez cependant étonné en visitant sa maison à Forli, située sur les hauteurs des collines qui entourent la ville italienne de Bologne. « C’est vraiment bien cette rue qui monte et qui redescend vers Bertinoro », raconte-t-il, en route vers le village où il est allé à l’école. « C’est toujours agréable de voir ces endroits où ils font le vin, et ils en font beaucoup ici. L’ambiance est vraiment sympa, ça me détend de voir ça. » Andrea Dovizioso est un pilote de l’équipe Ducati en Motogp, la catégorie reine de la course moto. Il est champion du monde, il a remporté le titre en 125 cc à l’âge de 18 ans et a, depuis, passé près de dix ans à lutter contre les coureurs de l’élite mondiale en classe Motogp. Il passe la majeure partie de son temps à voyager pour disputer les dix-huit courses du championna­t sur quatre continents et flirte avec des vitesses vertigineu­ses à plus de 360 km/h. La concurrenc­e, l’adrénaline et le danger font partie de son quotidien. Dans son temps libre, Dovi (comme le surnomment ses fans) apprécie les choses les plus simples de la vie : voir sa fille, sa petite amie, sa mère et son père qui l’a initié à sa passion pour les motos dès son plus jeune âge. « J’ai fait un pari avec lui quand j’avais à peine 4 ans, parce que je voulais un vélo. » Le père de Dovizioso lui a dit que s’il pouvait apprendre à faire du vélo sans roulettes en un jour, il lui achèterait sa première moto. Inutile de dire que le jeune Dovizioso a gagné le pari. « J’ai encore ce vélo chez moi », confie-t-il. À l’occasion, Andrea Dovizioso s’entraîne avec son père, qui l’a introduit au monde du motocross, sa première passion sur deux-roues. Et quand il n’est pas sur un circuit de Motogp ou sur une

« Cette voiture est vraiment proche de la moto : compacte, très réactive, mais avec beaucoup de puissance, donc le mélange est vraiment idéal. »

piste de motocross, il se promène à travers les vignobles et les villages de sa région au volant de sa Seat Leon Cupra. Une pause très agréable, relaxante et nécessaire pour lui. Cette voiture a, selon lui, « de la réactivité et de la puissance. Toutes les qualités que l’on recherche sur une moto ». Obtenir le bon mélange est crucial pour Andrea Dovizioso, en particulie­r pour perfection­ner sa technique sur piste. « C’est toujours une question d’équilibre, précise-t-il. Le mélange parfait, c’est être à la fois très agressif et très doux. Les meilleurs pilotes sont capables d’intensité, tout en douceur. C’est un équilibre très difficile à atteindre, mais c’est la solution. » L’équilibre est la clé au volant et sur la piste, mais c’est aussi une nécessité entre son métier et sa vie privée. Le plus important restant celui de réussir à allier l’immense pression de son activité sportive et la sérénité de sa vie familiale. Dans ses moments libres chez lui, il s‘aère l’esprit. « C’est vraiment important pour un athlète, car lorsque nous partons en compétitio­n, le stress et l’intensité sont très élevés, et il faut être prêt. »

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