GQ (France)

Neuf ans après ses débuts,

Cover Il y a une dizaine d’années, le rappeur créait la polémique avec ses punchlines acérées. Aujourd’hui, Aurélien Cotentin, aka Orelsan, est une vraie petite entreprise à lui tout seul. Le jeune homme de 35 ans, sacré artiste masculin aux Victoires de

- MAMIE JEANNINE

le rappeur Orelsan est à la tête d’une véritable entreprise : films, clips, marque de vêtements... et toujours la musique avec une tournée française pour présenter son dernier album, Lafêteestf­inie.

’ astuce qui me simplifie le quotidien / c’est d’avoir installé le lave- linge et le sèche- linge juste à côté du dressing / Ça m’évite de traverser tout l’appartemen­t avec les paniers de linge. » Ceci n’est pas une punchline d’orelsan sur l’horizon étriqué de la classe moyenne. C’est Aurélien Cotentin dans la vraie vie, qui livre ses conseils déco au magazine Côté Maison au moment d’emménager dans un loft industriel à Paris. Carreaux du métro, verrières, cactus, meubles chinés sur Le Bon Coin et canapé à franges récupéré chez sa mamie Jeannine, ses goûts parlent aux trentenair­es et à ceux qui voudraient le rester toujours. Dans son quartier, près du canal Saint- Martin, il y a du bio, des bistrots, des T- shirts à cent euros et du pain à la coupe, la vie y est chère quand on ne sait rien cuisiner sauf les pâtes. Orelsan travaille chez lui, dans un studio intégré tout en bois. Il ne va jamais au cinéma, « c’est trop long une heure et demie, j’ai besoin de faire des pauses pour analyser » , et plutôt que lire, il télécharge des livres audios. Dans sa playlist, il y a Alexandre Dumas, auteur « de ouf » que ses parents, institutri­ce et directeur d’école, n’ont jamais réussi à lui faire lire : « C’est le roi du scénario, comment il a sorti Lestroismo­usquetaire­s en un an et demi ! » Lui a mis six ans à écrire son dernier album, La fête est finie, et s’est entouré des gros vendeurs du moment, Stromae, Maître Gims, Nekfeu, Ibeyi. « J’ai bossé. Je veux que chaque phrase ait du sens. » Le soir, il passe un bout de film de Judd Apatow, ou un technicolo­r vintage de Claude Sautet, où les canapés ressemblen­t au sien. « J’aime trop cette époque de Sautet, je la vois comme la France. Tu vas chez tes grands- parents, tu éprouves une sorte de nostalgie. » Depuis qu’il a quitté Caen pour Paris, Orelsan vit avec sa copine, qui travaille dans la mode, et assure qu’il ne pourrait « être plus heureux » . Pet i t bémol , l a nosta lg ie justement. À 35 ans, brutalemen­t tombé de l’adolescenc­e dans l’âge adulte, il regarde déjà sa Normandie a vec des y eux de Chimène. « L’endroit d’où tu viens, tu n’en vois que les défauts et quand tu t’en vas tu le regrettes. Maintenant que j’en suis parti, et que je suis loin de ma famille, je vois les défauts de Paris. » Même le crachin de Caen lui manque. Il en a fait une chanson, intitulée « La Pluie » : « Julien Clerc dans l’monospace /J’freestylai­s dans ma tête sur le bruit des essuie- glaces / Y’a la pluie en featuring dans toutes mes phrases. » Dans la vie et dans ses clips, Orelsan parle avec la même voix. On l’écoute, et on l’entend rapper.

Paru en octobre, La fête est finie, son troisième album solo, a été disque d’or en moins de trois jours, et triple platine à Noël ( 300 000 ventes). La tournée qui a débuté en février affiche complet. Le rap est la new pop et Orelsan un chanteur très populaire, qui parle du temps qu’il fait et du temps qui passe à des génération­s de Français. Dans ses concerts, les 15- 25 ans sont debout devant la scène, « et plus tu recules, plus l’âge monte, raconte- t- il, au dernier rang, les gens ont 60 ans » . Pop star le rappeur ? Nouveau yéyé comme on lit çà et là ? Sa musique raconte la banlieue sans la problémati­que des banlieues, il rappe sans les tics des rappeurs bling- bling. « Il a parfaiteme­nt mis en scène son histoire et construit un personnage, un double de lui- même, super- héros loser » , explique Renan Cros, journalist­e et prof de cinéma passionné de scénario, qui compare Orelsan à Houellebec­q. « C’est la voix des pavillons, de la France suburbaine, des villes qui n’en sont pas, où il y a un champ au bout de la rue et un centre commercial pour tout lieu de rencontre, estime le critique musical Sophian Fanen, sa singularit­é est d’être normal, il parle de tout le monde à tout le monde. » Cette France, rarement célébrée, cette « classe moyenne, moyennemen­t classe / Où tout l’monde cherche une place » comme il dit dans « La Pluie » , Orelsan en vient, et l’a quittée sans la renier. « J’ai tout fait comme il faut, bon élève, école de management, boulot de veilleur de nuit dans un hôtel. Comme j’avais atteint le but de ma vie, je me suis autorisé à faire des conneries à côté, écrire, faire de la musique. Et c’est ça qui a marché. » Ses thèmes favoris, l’ennui, la glande, les napperons sur la télé et les ciels bas sont devenus la marque du « rappeur de

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France