Chez le jacana, c’est madame qui porte la culotte face à ses nombreux maris. Et gare à celles qui lorgnent son harem.
Chez cet élégant volatile, dont les espèces se croisent autour des zones humides de l’hémisphère sud, c’est madame qui porte la culotte. Et gare à celles qui lorgnent ses maris.
LES POURFENDEURS DE L’ ÉGALITÉ homme- femme aiment agiter l’argument du règne animal et ériger la faune en modèle : la nature, nous disent- ils, a par exemple voulu que le mâle sorte chasser dans le grand monde tandis que la femelle reste à la maison s’occuper des petits. Sauf que chez certaines espèces, cette belle et pratique dichotomie n’existe pas. Chez la hyène, nous avions pu constater que la dynamique de domination était inversée : les femmes tuent le gibier, guident les troupes et décident de quand elles s’acoquinent avec les mâles. Mais il faut à présent citer le cas du jacana, un oiseau aquatique et tropical doté de longues pattes.
CHEZ LE JACANA, monsieur se charge de préparer le nid, d’incuber puis de couver les nouveau- nés et de les accompagner lors de leur repas. Ce qui veut dire qu’avant cela, madame, elle, a combattu ses concurrentes pour pouvoir s’accoupler, et s’accoupler non pas avec un, mais avec plusieurs mâles, qui forment pour elle un véritable harem : la femme jacana est polyandre. Une fois les petits installés dans le nid, ce sont là encore les dames qui vont en assurer la défense. Une même femelle peut devoir protéger plusieurs couvées à la fois si elle a connu plusieurs géniteurs durant la même séquence de reproduction. Il arrive que des audacieuses viennent essayer de séduire de jeunes papas déjà casés mais momentanément seuls, ce qui peut donner lieu à des bagarres parfois sanglantes – l ’ oiseau a la tête affublée d’une sorte d’éperon dont i l peut se servir comme d’une arme. Et si l’accouplement reste pratiqué dans la position « attendue » , on a néanmoins observé que lors de la parade nuptiale, le mâle adoptait une posture de réceptacle pour attirer la femme. Les théoriciennes féministes radicales comme Judith Butler et Donna Haraway seraient tellement fières de voir ça !
LA RAISON PRÉSUMÉE de ce basculement des fonctions genrées chez le jacana serait à chercher dans l’environnement et l’économie du ménage. Les lacs couverts de nénuphars où il évolue – au Mexique, en Inde ou à Madagascar – offrent en effet des ressources énergétiques exceptionnelles et rendent ainsi très aisé le travail de pondaison. Peu éreintée par son labeur, et par ail- leurs plus grande que le mâle, la femelle se permet donc de renverser les rôles traditionnels. Que l’humanité puisse un jour s’inspirer de toi, admirable dame jacana.