GQ (France)

SEXE Être un couple libéré, tu sais c’est pas si facile...

De plus en plus en vogue, le polyamour est-il un rempart contre l’infidélité non assumée ? Ou juste un nouveau moyen d’aller voir ailleurs ?

- Par Léontine Pampiche_ Illustrati­ons Clay Hickson

« Tout va bien, elle passe la soirée avec Riccardo. Tout va bien... »

SI ROMAIN ÉTAIT un accro d’instagram ( il ne l’est pas), sa vie d’inconnu derrière l’écran vous ferait peut- être rêver. Tout a l’air d’aller si bien. À 33 ans, Romain a un bon travail ( il est ingénieur) et a des amis stylés. C’est un très joli garçon, f in, drôle et raffiné, habillé avec goût et depuis trois ans il a une copine ( Célia), belle et intelligen­te bien sûr. Mais i l ne faut pas croire ce qu’on voit sur Instagram, ou plutôt il faut imaginer ce qu’on n’y voit pas : Romain trompe Célia, « de manière épisodique ou exceptionn­elle » , précise- t- il. Ce n’est pas juste pour s’amuser, il en ressent le besoin. En fait, c’est même pire que ça : Romain ne comprend plus le sens de la monogamie. C’est devenu une sorte de dissonance dans sa vie : « Quand tu me lâches dans une soirée, je vais parler avec tout le monde. J’adore rencontrer de nouvelles personnes. Et je ne comprends pas

pourquoi ce ne serait pas quelque chose de possible dans ma vie sexuelle. D’ailleurs, comment vivrait- on l’idée d’avoir une relation amicale exclusive ? » Romain pourrait continuer d’être infidèle, comme tout le monde ou presque ( selon une étude Ifop datant de 2016, ce sont 50 % des hommes et une femme sur trois qui ont déjà trompé leur partenaire au cours de leur vie). Mai s voilà, ça ne lui v a plus. Il r essent le besoin d’être honnête.

UN SOIR DE JUILLE T dans le quartier de Ménilmonta­nt à Paris, nous avons accompagné le jeune homme à son premier café « poly » comme disent les intéressés. Une soixantain­e de personnes se réunit pour se parler et s’interroger : comment s’organiser quand on ne croit plus ( pour soi au moins) au modèle monogame ? I l n’existe pas de réponse unique. Dans certains cas, l’ouverture du couple a commencé dans l ’ urgence, sur un mensonge et une infidélité. L’enjeu est alors de reconstrui­re une relation de confiance ( qui plus est non monogame). Parfois, certains participan­ts veulent tout savoir des nouveaux partenaire­s ( ce qu’ils f ont, ce qu’ils sont, leurs profils Facebook). Tandis que d’autres préfèrent la règle dite « DADT » (don’t ask,

don’t tell). Parfois, enfin, le nouveau contrat a été di scuté calmement, à deux, en venant à des cafés polys. Une discussion apaisée : voilà le Graal de Romain. Mais Romain s’en sent loin. Pendant la pause, il me confie : « Quand les gens ont commencé à parler, je me suis dit merde, j’en suis pas du tout là. » Il fut par exemple question de compersion ( ce sentiment de joie qu’on peut ressentir quand son p artenaire a une relation positive avec quelqu’un d’autre). En fait, voilà ce qu’il faut retenir si l’on veut « ouvrir son couple » : loin d’être un souhait réalisable d’un coup de baguette magique, cela nécessite une réflexion et une communicat­ion permanente. Vraiment per-ma-nente !

ISABELLE BROUÉ est réalisatri­ce de Lutine, une fiction mettant en scène des personnes « polys » . Très impliquée dans la communauté, elle propose aussi des consultati­ons sur ce sujet. Jointe au téléphone, elle énumère une infinité de questions possibles : « Si je vois quelqu’un d’autre, tu veux le savoir ? Et si oui, avant ou après ? Au bout d’une nuit ou de trois ? » La règle la plus importante à suivre ( si l’on ne veut pas se séparer) est de faire preuve d’at tention, de bienveilla­nce et d’écoute. Et de trouver le bon moment pour évoquer le su- jet avec son/sa partenaire. En sortant du café, Romain semble avoir le vertige. Est- ce mauvais signe ? Pas forcément. « Le but, c’est d’ouvrir les conscience­s et de poser les questions. Dans les cafés polys, on dit que si v ous partez avec plus de questions que de réponses, c’est que tout va bien » , sourit Isabelle Broué. D’ailleurs, peu après, R omain a t enté une conversati­on calme et bienveilla­nte avec sa com - pagne. Elle a pleuré sous le choc de l ’ annonce mais lui a ensuite demandé de f ormuler ses désirs et besoins par écrit. La porte est entrouvert­e.

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