Ferrari diversifie son offre et augmente sa production, c’est le moment de sortir son chéquier (ou pas).
L’avenir de la prestigieuse marque italienne ne se joue plus sur les circuits de Formule 1 : en accélérant sa productivité et en diversifiant son offre, le constructeur italien est devenu une véritable cash-machine. Décryptage.
CC’EST UNE VOLTE-FACE HISTORIQUE. En 2013, Ferrari décidait de réduire sa production au nom d’une « stratégie d’exclusivité » destinée à rendre la marque encore plus désirable par une pénurie organisée de ses modèles. Sept ans plus tard, c’est tout l’inverse qui s’est produit : en 2019, le constructeur de Maranello a vendu 10131 voitures, dépassant pour la première fois la barre des 10000 unités et a été désigné par le cabinet Brand Finance comme la marque la plus importante au monde pour la seconde année consécutive, devant Disney et WeChat. Un virage en épingle d’une redoutable efficacité : aux ventes record de 2019 s’ajoutent des bénéfices et des marges d’exploitation en hausse (+33,7% en 2019), un cours de l’action qui crève le plafond (185$ prévus cette année contre 52 lors de son introduction en 2015), un chiffre d’affaires en forte croissance (4,1 milliards d’euros estimés en 2020). Et, surtout, une flopée de nouveaux modèles asseyant définitivement Ferrari dans une nouvelle ère.
En présentant cinq nouveaux modèles en 2019 (un record, là aussi), Ferrari s’assure ainsi un avenir encore plus rose. Fer de lance de son offensive sur le marché, la Roma, en vente cet été, aura la lourde tâche de conquérir de nouveaux clients et d’affoler les chiffres de production. Ce coupé à moteur V8 placé à l’avant – une première chez Ferrari – va s’attaquer au très concurrentiel marché des petites GT où s’affrontent Porsche, Jaguar ou Aston Martin. Son arme secrète ? La puissance évocatrice de la marque Ferrari et une communication piochant allégrement dans l’imagerie insouciante de la dolce vita. Mais aussi un intérieur entièrement retravaillé avec profusion de commandes tactiles, une instrumentation entièrement digitale présentée sur un écran incurvé et une clé sans contact finement ouvragée en forme de blason au cheval cabré qui se glisse sur la console centrale tel un bijou dans son écrin. « La Roma a créé une nouvelle ligne de produits chez Ferrari, indique Enrico Galliera, directeur marketing du constructeur. Il y a ceux qui rêvent d’acheter une Ferrari mais qui trouvent nos voitures trop sportives, ou bien ceux qui conduisent déjà des voitures élégantes mais pas aussi sportives. » Comprendre : la Roma reste sportive comme toute Ferrari, mais son design élégant tourne le dos aux lignes acérées et bardées d’appendices aérodynamiques des autres modèles de la marque. C’est ce que le constructeur, conscient que ses voitures sont trop voyantes pour une certaine clientèle, appelle « l’acceptabilité sociale ».
LES SUV, C’EST POUR BIENTÔT ?
Un point dont ne se soucie guère la SF90 Stradale : cette nouvelle supercar ne fait rien pour cacher ses performances hypersoniques. Avec son moteur central, elle reprend le flambeau des grandes sportives à moteur central que Ferrari avait abandonné avec la 512M, dérivée de l’iconique Testarossa. Surtout, c’est une Ferrari plug-in hybride : en plus de son V8 turbo thermique, elle utilise la puissance de trois moteurs électriques chargeables sur une prise de courant qui lui permettent également de rouler 25 km sans émettre le moindre gramme de CO2.
Malgré sa puissance phénoménale de 1000 chevaux qui en fait la digne héritière de la lignée des hypercars Ferrari, elle reste une voiture produite en série. Contrairement aux F50 ou à une LaFerrari, ce n’est donc plus le constructeur qui choisit les acheteurs de ses bolides les plus extrêmes parmi ses clients les plus fidèles et dévoués : un « simple » chèque de 443513 euros suffit pour repartir à son volant. Soyez patients : les carnets de commandes sont archipleins. Dans son catalogue renouvelé à plus de 50% en 2019, Ferrari a également présenté les F8 Tributo et F8 Spider, évolutions des précédentes 488 GTB et 488 Spider, mais aussi la 812 GTS, inattendue version découvrable de la 812 Superfast. « Nous avons commencé à introduire le concept d’imprévisibilité, poursuit Enrico Galliera. Jusque-là, nous étions trop prévisibles, nous avons donc décidé de repenser toute notre famille de modèles. » La prochaine étape dans cette course à la production est logiquement celle du SUV – la poule aux oeufs d’or de l’automobile de luxe : Porsche, Bentley ou Lamborghini ont doublé leur production depuis qu’ils l’ont adopté. Le sujet n’est plus un tabou : le Purosangue (« pur-sang », en italien) est attendu pour 2022, mais la marque refuse d’en dire plus. Un même mystère entoure l’indispensable modèle électrique, prévu en 2025 et confirmé en janvier dernier par un premier brevet rendu public. En 2020, cette frénésie de nouveautés va-t-elle se calmer ? Oui, tempère Enrico Galliera : « Il s’agit d’une année de consolidation, qui va nous permettre de nous assurer que le réseau comprend bien la nouvelle gamme. » Sans oublier toutefois de rappeler que le plan produit de Ferrari contient dix autres nouveaux modèles à dévoiler d’ici à 2022...