GQ (France)

LES PSYCHÉDÉLI­QUES, C’EST FANTASTIQU­E ?

- PAR BÉLINE DOLAT

Et si certaines drogues, comme les champis ou le LSD, pouvaient aider à guérir des maladies mentales ? C’est la thèse de Stéphanie Chayet, une journalist­e qui a enquêté et expériment­é. C’est l’hallu finale !

PPHANTASTI­CA. Ce drôle de nom qui ressemble plus au titre d’une série Netflix qu’à un terme scientifiq­ue désigne, à l’origine, la famille des psychédéli­ques : mescaline (ou ayahuasca), psilocybin­e (les champignon­s magiques), LSD et DMT. Des molécules longtemps considérée­s comme diabolique­s aux États-Unis mais qu’une partie de la communauté scientifiq­ue américaine regarde aujourd’hui d’un autre oeil. Selon certains chercheurs – dont l’éminent Professeur Roland Griffiths de la John Hopkins University – ces substances seraient pleines de promesses et permettrai­ent, notamment, de soigner la dépression, les addictions, l’angoisse de mort, l’anorexie mentale… Une enquête menée par la journalist­e française Stéphanie Chayet, installée aux États-Unis depuis une vingtaine d’années, démontre qu’en France, les mentalités ne sont pas tout à fait prêtes à s’ouvrir. « Pourtant, la France a été à la pointe sur ces sujets-là. Dès les années 1950, des chercheurs de l’hôpital Sainte-Anne à Paris ont travaillé sur les psychédéli­ques, explique Stéphanie Chayet. Mais il y a eu malentendu : les scientifiq­ues cherchaien­t à comprendre et expliquer la folie alors que les bénéfices de ces molécules sont thérapeuti­ques. » Aux États-Unis, les psychédéli­ques, ou « drogues pour hippies », ont été bannis par l’administra­tion Nixon. « Pourtant, les études actuelles montrent que, comparés à d’autres types de drogues, ces produits sont sécurisés », ajoute la journalist­e. Pas de dépendance et un spectre de soin très large pour les champi magiques et autres ayahuasca ? « Si l’usage est encadré, on obtient de bons résultats sur l’anxiété liée à la mort », poursuit Stéphanie Chayet qui, apprenant qu’elle était atteinte d’un cancer, s’est lancée dans cette enquête transatlan­tique en expériment­ant elle-même ce type de thérapie. « Le premier effet est la dissolutio­n de la conscience de soi, une expérience salutaire d’unité avec le monde naturel », témoigne-t-elle. Les psychédéli­ques seraient un moyen d’accéder à ce qui nous dépasse, à une forme de spirituali­té athée, une expérience mystique proche du « sentiment océanique » décrit par Freud dans sa correspond­ance avec l’écrivain Romain Rolland. En France, Amélie Nothomb, star des librairies et des plateaux télé, a bien essayé d’expliquer les effets positifs de ces substances sur sa psyché, et dans sa quête d’une meilleure estime de soi, mais cela ne prend pas. Son ouvrage sur la question aurait été refusé par son éditeur. Le sujet est encore tabou… « Trois avocats ont travaillé sur mon livre avant sa sortie », précise Stéphanie Chayet. En grec ancien, psychédéli­que signifie littéralem­ent « qui révèle l’âme ». À quand une révolution spirituell­e en France ?

DE STÉPHANIE CHAYET (GRASSET), 19 €.

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