GQ (France)

Portrait d’Arnaud Valois.

Le paisible gaillard, qui avait quitté le cinéma pour la sophrologi­e, a été révélé dans 120 battements par minute. Cet automne, il est partout, à l’affiche sur grand écran et dans une série sur Arte.

- PAR ÉTIENNE MENU

D« DANS MON RAPPORT AUX FEMMES, j’appartiens à une génération d’acteurs qui n’est pas du tout sur la même fréquence que ses aînés. Et c’est tant mieux. » Arnaud Valois tolère mal la complaisan­ce misogyne, surtout dans le milieu du cinéma. « On parle d’employer des gens chargés de veiller à ce qu’il n’y ait pas le moindre abus, physique ou moral, sur les tournages, notamment lors des scènes de sexe. Ça peut paraître radical, mais je crois que ça fait trop longtemps qu’on laisse traîner la situation. On a besoin de ce genre de choses pour accélérer le changement, que ce soit en matière de racisme, de machisme ou d’homophobie. » L’acteur de 36 ans révélé en 2017 par 120 battements par minute n’a pas attendu #MeToo pour être woke. C’est un garçon qui respire l’attention, le respect, la douceur, et qui, lorsqu’il nous voit arriver avec notre masque, enfile spontanéme­nt le sien, puis nous propose une bouteille d’eau – il fait 35 degrés en ce jour d’été. Le Lyonnais a déjà raconté son parcours « en deux temps » dans le métier : au milieu des années 2000, il joue ici et là, notamment dans Selon Charlie (2006) de Nicole Garcia, mais les choses ne décollent pas vraiment, si bien qu’il raccroche les gants pour se reconverti­r dans la sophrologi­e et le massage thaï. Il passe un an à Hanoï en formation, revient en France et ouvre un cabinet dans le deuxième arrondisse­ment de Paris. Sept années passent, jusqu’à ce qu’un jour de 2016, une directrice de casting rencontrée dix ans plus tôt l’appelle pour lui proposer un essai dans un film en projet sur Act Up France. « Je n’avais plus d’agent, plus aucun contact avec quiconque dans le milieu, a priori tout ça me paraissait très loin de moi. Mais j’ai lu les deux scènes qu’elle me proposait d’auditionne­r et j’ai voulu tenter ma chance. La sélection a été

longue et j’ai failli renoncer, mais finalement j’ai été retenu. On a tourné et puis je suis retourné au cabinet. Ce n’est qu’après que j’ai su que le film partait à Cannes. Là j’ai compris que je n’allais probableme­nt pas reprendre les massages tout de suite ! »

Dans le film de Robin Campillo, Valois interpréta­it Nathan, l’amoureux de Sean, joué par Nahuel Pérez Biscayart. Un rôle où, inconsciem­ment ou non, sa formation en wellness lui donne certains atouts. « C’est un personnage qui doit prendre soin de celui qu’il aime et qui est en train de mourir, et j’imagine que mon background m’a influencé dans ma façon de l’incarner. Même si sur le coup, je crois avoir été très naturel. » Grand Prix à Cannes et César du meilleur film, 120 battements propulse la carrière d’Arnaud, qui depuis tourne presque en continu. Ce moisci, il sera dans Garçon Chiffon, premier film du formidable Nicolas Maury, qu’on connaît entre autres en Hervé dans la série Dix pour cent. « Nicolas y joue un homme maladiveme­nt jaloux, moi j’y suis son copain mais notre couple vit ses derniers moments, le film nous saisit comme ça, à la fin de notre relation, alors qu’il part faire le point dans le Limousin chez sa mère, qui se trouve être Nathalie Baye. » Cet automne, on le verra aussi sur Arte, dans la mini-série fantastiqu­e Moloch, aux côtés de Marine Vacth et Olivier Gourmet, puis à l’affiche de Seize Printemps de et avec Suzanne Lindon, une histoire d’amour entre une lycéenne et un comédien. S’il ne pratique plus la sophrologi­e, l’acteur reste du genre à prendre soin de son propre corps. « Pas pour avoir des pecs, hein, mais simplement pour me sentir bien. Je me réveille tôt, je fais de la méditation et du sport, j’évite les excès, je mange aussi sainement que possible, ça va ensemble tout ça ! » Et de fait, Arnaud Valois a l’air de se sentir bien, en paix. « J’essaie d’être dans le présent, attentif à l’instant, aux énergies qui circulent en moi, plutôt que de vouloir aller trop vite et de me projeter trop loin. Si demain les choses ne marchent plus pour moi dans le cinéma, je m’en remettrai. Je sais que je suis capable de faire autre chose et j’essaie de mettre le moins d’ego possible quand je joue, même si j’adore tourner. » On admire cette sagesse, même si l’on espère tout de même qu’Arnaud ne rouvrira pas trop vite son cabinet.

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