GQ (France)

Rencontre avec La Femme, parfaite anomalie du rock français.

Le plus génial des groupes de rock français des années 2010 sort son troisième album, Paradigmes, précédé par une série de clips hauts en couleur. Rencontre avec ses deux leaders, Marlon et Sacha.

- PAR ÉTIENNE MENU, PHOTOGRAPH­IE HEDI SLIMANE.

«LE MOT QUI NOUS QUALIFIE le mieux n’existe pas en français : c’est entertaine­rs. On aime le spectacle, le cirque, le cabaret, les costumes. On aime divertir les gens avec nos chansons et nos shows, les sortir de leur réalité, leur élever l’esprit. C’est notre mission en tant qu’artistes. » Pas étonnant que Marlon Magnée, l’un des deux fondateurs et leaders de La Femme (dont le troisième album, Paradigmes, sortira début avril), évoque pour définir son groupe un terme difficile à traduire dans notre langue. Son ami Sacha Got et lui ont respective­ment 29 et 30 ans, et ils n’ont n’a jamais eu peur, en dix ans de carrière, de prendre à contresens les autoroutes de la musique hexagonale. À ses débuts, la formation basquo-parisienne était passée, malgré le succès immédiat de son tube « Sur la planche », pour une sorte d’anomalie, voire de gadget aux yeux du public. Paroles en français d’un premier degré troublant, références surf, yéyé, garage ou synthétiqu­es : l’esprit de La Femme détonnait clairement sur le marché de la pop francophon­e. « Les gens écoutaient Ed Banger ou de l’électro-rock, les groupes français chantaient tous en anglais. Les clips se passaient tout le temps sur des toits d’immeuble et les mecs étaient habillés hyper normalemen­t, genre T-shirt blanc, cuir noir. Un des premiers labels à qui on avait parlé nous avait dit d’écrire au moins un peu en anglais. On n’a pas voulu le suivre et on s’est débrouillé­s dans notre coin. » Et de fait, c’est essentiell­ement par ses propres moyens que La Femme est devenu en quelques années un groupe de rock français comme notre histoire en a très peu connu : jamais bêtement rétro, ni soumis à ses modèles anglo-saxons, mais pas non plus replié sur la patrimoine national. Un groupe qui, comme ses ancêtres eighties des Rita Mitsouko ou de La Mano Negra, mélange les styles et les idées sans règles ni tabous. « On écoute et on fait plein de musique, on essaye des tas de combinaiso­ns et on voit ce que ça donne », explique Marlon.

Dingues de fringues

Des entertaine­rs plutôt maniaques, d’ailleurs. Un soin obsessionn­el qui s’entend sur Paradigmes à chaque piste, conçue comme un petit spectacle millimétré : ici un groove de B.O. italienne (« Le sang de mon prochain »), là du rap nineties à la sauce psychédéli­que (« Cool Colorado », sorti cet automne en single), ou encore du spoken-word adolescent, des ambiances western ou de la lounge en espagnol. La Femme est donc une formation qui rompt avec les traditions françaises car ils envisagent autant leur travail comme une création sonore que comme un univers de mots, de couleurs, de visages, et aussi bien sûr de vêtements. « Le style et la musique sont indissocia­bles pour nous. Ados, quand on allait à des concerts de punk ou de rockabilly, on était obsédés par la coupe de nos Harrington ou la taille exacte de nos ourlets de jean. Aujourd’hui, on est devenus hyper connaisseu­rs en sapes de toutes les époques, en ce moment par exemple je me fais tailler des costumes des années 1860, des dinner jackets avec des cols énormes, à la Oscar Wilde. C’est aussi pour ça qu’on adore l’univers du cirque, les tenues de hussards, le style des affiches Belle Époque. » Grâce à La Femme, on se tient donc prêt pour le revival fin XIXe siècle, – ou juste pour une version inédite et française du glam-rock.

Paradigmes, La Femme (Disque Pointu). Sortie le 2 avril.

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