GQ (France)

À 72 ans, la légende du photojourn­alisme de guerre Patrick Chauvel a toujours la bougeotte.

Entretien avec Patrick Chauvel réalisé par Mathieu Palain.

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Légende du photojourn­alisme de guerre, blessé à plusieurs reprises, Patrick Chauvel a traversé tous les grands conflits et couvert des zones où personne n’osait s’aventurer. À 72 ans, il cultive la même obsession : partir en reportage.

IL SERAIT FACILE de le caricature­r en vieux loup de guerre, le corps criblé de cicatrices, chacune racontant un morceau de la grande Histoire. Vietnam, Salvador, Irlande du Nord, Irak, Afghanista­n, Sarajevo, Tchétchéni­e, Somalie... la liste est trop longue pour énumérer tous les conflits qu’il a couverts. Blessé cinq fois, deux fois laissé pour mort au milieu des combats, Patrick Chauvel est un survivant. Contrairem­ent à son ami du même âge – 72 ans – l’Américain James Nachtwey, il ne se définit pas en artiste. « Je suis un journalist­e qui prend des photos. Je ne suis même pas un excellent photograph­e, mais je suis là, devant, comme disait Robert Capa. La photo parfaite, elle ne m’intéresse pas. » On le rencontre chez lui, à Paris.

Une paire de Caterpilla­r aux pieds. Un pansement sur le nez. Il offre un café et fait visiter son bureau à l’étage. À côté d’une grenade jamais désarmée, trône la vieille Bible de

la famille, sur laquelle des nazis ont tiré pendant la guerre. La balle a traversé les cinq cents premières pages avant de mourir dans le texte. Elle est encore toute tordue à l’intérieur. Sur une étagère, on remarque son casque siglé SSDD – Same Shit Different Day – mais à part celle qu’il a prise de Bob Marley tirant sur son joint, chez lui en Jamaïque, ses photos ne recouvrent pas les murs. La guerre ne s’expose pas. En tout cas pas chez soi. On s’installe dans le salon, près d’une selle de cow-boy et d’une Winchester ramenée d’un vieux reportage. Patrick Chauvel a foncé aux États-Unis après les présidenti­elles, persuadé que « ça allait péter ». Il a été extrêmemen­t déçu de constater que la transition à la Maison Blanche ne déclenchai­t pas de nouvelle guerre civile. Il espère repartir bientôt. Au Mali. En Libye. En Birmanie. Là où ça tire.

Ce n’est pas à l’école qu’on apprend à photograph­ier la guerre. C’était quoi votre rêve de gosse ?

J’en avais pas, je crois. Quand j’étais môme, j’étais en pension, dans un endroit quasi militaire qui s’appelait Le Montcel, à Jouy-en-Josas. Levé de drapeau tous les matins, fallait marcher au pas et suivre un parcours du combattant que les Allemands avaient laissé à la Libération. Sur la brochure, il y avait marqué « nous ferons de vos enfants des hommes ». Châtiments corporels autorisés. C’est-à-dire ?

Ils appelaient ça le gourdin électrique. Un bâton très dur qui se terminait en racine séchée, et qu’on nous frottait sur le front et les jambes. C’était une saloperie. Dès qu’on s’engueulait entre élèves, les profs nous filaient des gants de boxe : réglez ça entre hommes. Et boum. On apprenait à se battre. C’est particulie­r comme technique d’éducation, je le concède. Forcément, quand on m’a remis dans un lycée normal, je me suis fait virer au bout d’une semaine parce que le premier gamin qui m’a cherché, je lui ai pété les dents.

Qui vous a transmis l’envie d’être journalist­e ?

Mon père était grand reporter au

Figaro. Il avait sa photo, avec sa pipe, dans le journal. Ça donnait : « Je suis avec les Yéménites royalistes, on avance dans la montagne. L’homme de tête lève le poing. On s’arrête. J’entends une respiratio­n... À demain ! » Je collais ses articles dans un cahier. Je rêvais de ça. D’aventure. Et chez mon père, il y avait Joseph Kessel, Jean Lartéguy, Gilles Caron, Pierre Schoendoer­ffer, des acteurs aussi, comme Charles Denner, qui avait été résistant.

Ils racontent leurs histoires, et moi je suis là, à table, j’écoute.

Ils vous donnent le goût de l’aventure.

Ils me donnent d’abord envie d’être soldat, parce qu’ils l’avaient tous été. Kessel me racontait ses histoires de filles, d’alcool et d’aviation, c’était extraordin­aire. Alors évidemment, j’ai voulu être pilote de chasse. Le problème c’est que j’étais mauvais à l’école, les deux seules matières où j’étais bon, c’était le sport et le dessin. Donc j’ai demandé à Schoendoer­ffer de me pistonner pour entrer à l’ECPAD, l’école audiovisue­lle de l’armée, qui était la plus belle boîte de production d’Europe à l’époque, avec des salles de montage, du matériel, des ressources infinies. Je reçois mon affectatio­n : Briançon. Infanterie alpine. Le piston avait foiré. Je n’ai pas aimé les ordres, parce que les ordres en temps de paix c’est va laver les chiottes, merci bien, mais crapahuter dans la montagne, j’ai adoré. Le seul problème c’est qu’on entendait jamais un coup de feu.

C’était ça l’idée de départ ?

L’idée c’était de faire mieux que mon père, que mon oncle, que leurs amis. Les tuer, quoi. Allez vous faire foutre, je suis meilleur que vous.

Donc vous partez dans un kibboutz en Israël pendant la guerre des Six Jours.

J’ai dix-sept ans, je connais rien à la photograph­ie, et toutes mes images sont ratées. Toutes. Surexposée­s, sous-exposées, elles sont complèteme­nt noires ou complèteme­nt blanches. On pouvait jouer aux échecs sur ma planche contact.

Mais j’ai compris que j’aimais ça, monter dans une Jeep et foncer dans le désert. Waouh. C’était plus grand que la vie.

À votre retour, vous intégrez le laboratoir­e de France Soir.

Je suis dans la chambre noire, je trempe, je lave, je sèche. Toute la journée. Mais je découvre la vie d’un journal, je rencontre les photograph­es, je vois les chefs choisir les bonnes photos. J’apprends. On m’envoie jamais sur le terrain mais je me balade avec mon Leica en bandoulièr­e, et un jour ils ont besoin d’un photograph­e pour faire Nicoletta chez le dentiste. J’y vais et dans la foulée, je suis embauché pour illustrer la rubrique de Carmen Tessier, « les potins de la commère ». Je fais les bars, les boîtes, Bardot, Gainsbourg... jusqu’à ce que j’envoie Polanski à l’hosto.

Pardon ?

C’était peu après le meurtre de Sharon Tate. Je devais faire une photo de Polanski avec sa nouvelle copine. Je l’attends devant l’hôtel, il sort avec

une jolie blonde. Je fais trois photos. Ses gardes du corps me tordent les bras, fracassent mon objectif et détruisent le film. Je fulmine, parce que mon appareil c’est mon trésor, et le lendemain je me cache sous une toile cirée, dans un échafaudag­e de l’immeuble d’en face. Polanski sort vers 10 heures avec la fille. J’avais les doigts tellement gelés que j’ai failli rater la photo. Elle paraît l’aprèsmidi, et le soir même je dépose cinq exemplaire­s du journal à la réception de l’hôtel en demandant à ce qu’on les porte à monsieur Polanski. Il déboule comme un fou et se prend ma santiag en pleine poire. Bing ! J’ai été convoqué par mon chef : « Patrick, on vous a demandé de couvrir l’événement, pas de le créer. » Bon, c’était pas la première fois. J’avais déjà planté une fourchette dans la poitrine d’Eddie Barclay. Je suis retourné au Vietnam.

Vous aviez vingt ans. Vous étiez en colère ?

Oui.

Contre quoi ?

Je sais pas. J’avais besoin d’une cause. De risquer ma peau.

Pour vous sentir vivre ?

C’est ça. Mais j’avais mes exemples. Mon père a pris une balle dans l’oreille, il posait sa clope dans le trou. Ensuite, il a été blessé en Lorraine. Cent vingt éclats dans le corps. Il en a gardé une jambe plus courte que l’autre, ça se voyait quand il était à poil, la raie des fesses était de travers. Ma mère était résistante. Une Corse blonde aux yeux bleus. Ils ont vu leurs amis mourir. Et moi je fais quoi ? Comptable ? Bah non. Et la guerre de mes vingt ans, c’est le Vietnam.

Vous ne savez pas vraiment où vous mettez les pieds quand vous arrivez là-bas.

Schoendoer­ffer, Lartéguy et toute la bande avaient envoyé une lettre au patron de l’hôtel Continenta­l de Saïgon : « Il est à la recherche du temps perdu. Souviens-toi. Aide-le. » Le type me regarde. J’ai un pantalon pattes d’eph’, les cheveux longs, une petite moustache pour me vieillir. Il me dit : la piaule et le resto, c’est pour moi, le bar et les putes, c’est pour toi. Et là, je suis dans un film, parce qu’il y a tout le monde à cet endroit, les grands reporters, les espions, les militaires, les escrocs. Je suis une éponge. Très vite, l’armée américaine m’emmène en opération. J’avais pas une thune donc je vivais sur la base avec les soldats, nourri, logé, j’étais tout le temps au front donc j’avais de bonnes photos, et comme ça mon nom a circulé, j’ai intégré l’agence Sipa, puis Sygma, et les guerres se sont enchaînées.

On peut rêver de la guerre. Mais quand le type avec qui on riait se retrouve avec les

tripes à l’air, le romantisme disparaît. Comment avez-vous vécu le choc ?

C’était là que je voulais être. Dans l’hélico, les soldats ils ont mon âge. Sur leurs visages, c’est l’Amérique pauvre, des petits Blancs, des Noirs, des Latinos. Et je comprends assez vite que si je veux de la bagarre et pas mourir tout de suite, il faut que je rejoigne les troupes d’élite. C’est comme ça que j’intègre les Lurp, l’unité de reconnaiss­ance.

Dans votre livre, Sky, vous décrivez une ambiance de mort permanente.

Oui, c’était dangereux. Et journalist­iquement, c’était une connerie de suivre les Lurp parce que la journée on dormait sous des racines, et on attaquait de nuit. Je faisais pas de photo au flash donc ça rendait pas grand-chose, mais j’y étais parce que j’aimais ces mecs. Je voulais leur prouver que je pouvais tenir le coup comme eux. J’intégrais une famille. Et à l’époque pour moi, le communisme c’est une saloperie, donc j’y crois à ce qu’on fait là-bas.

Vous avez eu peur de mourir ?

Non. J’avais l’impression d’être intouchabl­e. Je ne mourrai pas. Je peux me faire peur, quand une balle me frôle, mais c’est un peu comme quand je rate un virage à moto, pendant une seconde je me dis ouh putain, et ça passe.

« MES PARENTS ONT VU LEURS AMIS MOURIR. ET MOI, JE FAIS QUOI ? COMPTABLE ? BAH NON. ET LA GUERRE DE MES VINGT ANS, C’EST LE VIETNAM. »

Ça vous a jamais paralysé ?

J’ai pas d’angoisse. Parfois, je suis troublé par les cris des blessés. Parce que contrairem­ent au cinéma, il y a des cris horribles, des deux côtés. Si tu peux pas ramasser le mec et qu’il hurle pendant des heures, la seule solution en attendant de le récupérer, c’est les boules Quies.

Il vous reste des amis au Vietnam ?

Bien sûr. Il y a des années, j’avais fait la route de Saïgon jusqu’à

Hanoï en Harley-Davidson, avec des célébrités. C’était une sorte de rallye payant, je faisais partie de l’organisati­on, et tous les matins je prenais le même pousse-pousse qui parlait anglais, pour me conduire à travers la ville. Un matin, le gars arrive avec une veste d’aviateur à laquelle on avait arraché les insignes. Je lui dis elle est superbe ta veste, vends-la moi ! « Non, c’est la mienne. J’ai été pilote. » Comment ça ? « Tu me reconnais pas Patrick, hein ? » J’étais troublé. « On se connaît ? » « J’étais le second du général qui commandait l’aviation sud-vietnamien­ne. Quand on m’a imposé un photograph­e, ça me faisait chier mais c’était toi. J’ai été abattu dans les derniers jours de la guerre et j’ai fait dix ans d’internemen­t dans un camp de redresseme­nt communiste. » J’en revenais pas. Le pousse-pousse, il le louait. C’était sa punition à vie : interdicti­on d’avoir un métier plus élevé. Sa femme et ses enfants avaient été évacués par les Américains.

Ils vivaient au Texas, persuadés qu’il était mort. Des histoires comme ça, j’en ai des dizaines.

Ce n’est pas la guerre, en fait, ce sont les hommes qui vous marquent.

La guerre est un accélérate­ur de particules. Le meilleur souvenir d’une personne, ça peut être une clope échangée avec elle. Tu vis tout plus fort. Tu grilles des étapes dans les rapports humains. À Paris, c’est facile d’avoir l’air d’un mec bien. Quand t’es dans la boue et qu’il faut aider quelqu’un, ou attendre quelqu’un, tu vois ceux qui ont l’âme de biais. La guerre met l’homme à nu. Et au milieu de tout ça, parfois tu as l’impression d’être utile. Parce que c’est la grande question : est-ce que je sers à quelque chose ?

C’est une question que vous vous posez ?

Je me dis que si on ne servait à rien, les armées n’essayeraie­nt pas de nous contrôler, ou de nous empêcher d’aller voir. Parfois, on est les seuls témoins. Après, je dis pas qu’on est parfaits. Il y a des dérives. Des mecs qui bidonnent des reportages. En général, ils le font pas deux fois. Comment on bidonne un reportage ?

À Mossoul, je revenais au front après avoir envoyé mes photos par Internet, et j’entends des tirs. Je saute de voiture. Je me dis merde, la ligne de front a reculé ? Et je vois la police fédérale qui court dans tous les sens, et un mec qui organise tout ça et fait des photos. Le gars leur avait demandé de tirer. Les types posent ventre à terre, l’oeil dans le viseur, la sécurité encore enclenchée sur leur kalach. Bon, lui par exemple, je lui ai dit si on te revoit, c’est moi qui te flingue, parce qu’il y a trop de copains qui sont morts en faisant de vraies photos pour qu’on laisse des abrutis faire semblant.

Il a eu peur, en fait.

Oui. Il a peur, il veut pas aller plus loin mais il veut absolument mettre « reporter de guerre » sur sa carte de visite. Des comme lui, il y en a plein.

J’ai lu que depuis le Vietnam, vous aviez couvert une quarantain­e de guerres.

J’ai fait pratiqueme­nt que ça, oui, et quelques photos de plateau pour des films de Schoendoer­ffer. Pierre m’avait pris à part et m’avait dit : « J’ai fait trois guerres, Patrick, et je m’en suis nourri pour écrire, pour faire des films. Toi, t’as été blessé à la cheville, au cou, au ventre, à la fémorale, la prochaine fois c’est les couilles, alors arrête ou tu vas te faire tuer. »

« À PARIS, C’EST FACILE D’AVOIR L’AIR D’UN MEC BIEN. MAIS QUAND T’ES DANS LA BOUE ET QU’IL FAUT AIDER QUELQU’UN, TU VOIS CEUX QUI ONT L’ÂME DE BIAIS. »

Pourquoi vous continuez ? J’aime ça. J’aime partir à l’aventure. Rencontrer des gens. Me sentir vivant. C’est autre chose que d’aller faire mes courses chez Super U.

Il y a des moments où vous vous dites : qu’est-ce que je fous là ?

Bien sûr. Y’a des centaines de fois où tu pars en opération et il ne se passe rien. Tu crapahutes, t’as les doigts de pied qui se fendent à cause de l’humidité, t’as froid, t’as chaud, t’as des sangsues, t’en peux plus, le mec avec qui tu marches c’est un con qui a failli te tirer dessus parce qu’il a trébuché. Tu sens que tu vas avoir la chiasse, tu te dis pourquoi je suis pas en train de danser sur les tables à Paris avec les copains ? Ça arrive. En Afghanista­n, je vois les marines embrasser leurs pompes au réveil. Je leur demande pourquoi ils font ça. « C’est peut-être la dernière fois qu’on les met. » Ah, d’accord. Bon, parfois tu te dis que tu pourrais aussi bien être ailleurs.

Qu’est-ce que vous cherchez ? L’adrénaline de vos vingt ans ?

J’ai passé six ans au Vietnam, de 1968 à 1974. Il n’y a pas une journée où je ne repense pas à cette période. J’y retournera­is en courant si je le pouvais.

Mais à l’époque, vous étiez seul. Pas de femme, pas d’enfants.

J’ai mis beaucoup de temps à m’adapter au monde réel. Quand on s’est mariés avec ma femme, il y a quelques mois, l’adjointe à la mairie lisait mon livret de famille : quatre mariages, quatre divorces. Elle a cherché le regard de ma femme, j’avais l’impression qu’elle lui disait « bon courage ». L’aventurier, le photograph­e, le reporter, c’est bien beau, mais pendant longtemps c’est vrai que j’étais tout simplement absent. C’est lourd pour les proches. Votre fils aîné, Antoine, est photorepor­ter, comme vous. Oui, enfin en ce moment il est chauffeur Uber pour gagner sa vie. J’aurais dû l’encourager plus tôt.

Il se serait lancé dans le métier avant d’avoir 38 ans et deux enfants.

Vous n’avez pas fait pour lui le travail de transmissi­on qu’avaient fait Kessel et Schoendoer­ffer avec vous ?

Je l’ai emmené à Ceuta, en Espagne, quand il avait quinze ans. On tournait un documentai­re. Je l’ai pris comme assistant pour un reportage sur la violence à La Nouvelle-Orléans. Et une autre fois au Brésil, sur les favelas. Il est très bon. Le soir de l’attentat de Nice, il était le premier sur les lieux. Il m’a appelé : « Papa, il y a des morts partout. » « Quoi ? T’as fait un cauchemar. » « Je suis sur la promenade des Anglais. Il y a des morts. » « Est-ce que des gens aident les blessés ? » « Oui. » « Alors fais des photos. » C’est ça la règle ?

On va pas se cacher derrière un optique pour rien foutre. Si le mec est tout seul, tu lui fais un garrot, tu prends pas de photo.

Vous avez 72 ans. La mort vous inquiète ?

Plus je vieillis et moins je m’en soucie. Le truc, c’est que contrairem­ent à ceux qui ne vivent que dans la paix, je ne suis pas dans le déni de la mort. Elle est là.

C’est à cause de ce déni que vous avez monté l’exposition

Guerre ici, qui plantait le chaos de la guerre en plein Paris ?

Bah oui. Ça peut nous arriver. On n’est pas à l’abri. C’est fragile, la paix, c’est une invention de l’homme. J’ai lu tous les bouquins de Gaston Bouthoul, le sociologue de la polémologi­e. Il dit qu’on étudie les mathématiq­ues, la biologie, la philosophi­e, mais on n’étudie pas la guerre qui est le phénomène le plus répandu dans nos sociétés. Si on veut l’éradiquer, il faut la connaître. En 2015, avec les attentats de Paris, pour la première fois de votre vie, le terrain est près de chez vous.

C’est vrai. J’étais à huit minutes du Bataclan. J’ai appris la nouvelle par un ami de Médecins du monde qui a tout de suite su, au bruit des balles, que c’était pas des pétards. Moi, bizarremen­t, je me suis dit : où est-ce que j’ai mis mon flingue ? J’ai retrouvé mon vieux pétard, je l’ai graissé, et je suis resté debout à me dire, les mecs sont là avec leurs kalachs, s’ils déboulent, je serai prêt. C’est la première fois que je reste auprès de ma famille. Deux semaines plus tard, un type a sauté le mur pour cambrioler mon bureau et s’est retrouvé nez à nez avec le canon. Il était coincé. J’ai dû lui ouvrir la porte pour qu’il sorte. J’étais en caleçon. Je suppose que maintenant ma réputation est faite dans le quartier : il y a un nain en slip qui dort jamais et qui est armé jusqu’aux dents, n’y allez pas !

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