Sébastien Tellier nous parle de son obsession pour... le banana-split.
Chaque mois, un artiste nous révèle l’oeuvre qu’il considère comme une influence majeure. Et le nouvel invité de GQ nous parle de son obsession pour... le banana-split.
C’EST UN DANDY À LA BARBE LONGUE, aux vestes Chanel et au piano enchanteur. Son premier album, L’Incroyable vérité, est paru il y a vingt ans tout juste et depuis, Sébastien Tellier a sorti plusieurs grands classiques, dont le fabuleux « La Ritournelle », en 2004. Avec son dernier disque paru au début de la pandémie, Domesticated, il s’amuse des machines pour proposer des chansons électro-pop aussi sentimentales que familiales. En tournée cet été, il a pris quelques instants pour nous raconter sa référence, qui, forcément, ne ressemble à aucune autre puisqu’il s’agit d’une glace, le banana-split. Après tout, l’été est la saison préférée de Tellier, qui en profite pour revenir sur son penchant pour la légèreté... contre vents et marées.
« Le banana-split, c’est d’abord beaucoup de souvenirs d’enfance, car ce dessert glacé était hyper à la mode dans les années 1980 ! Les week-ends, on allait en famille dans un resto place de Clichy. Tout le monde allait manger, boire et faire la fête là-bas. On s’installait au comptoir, ils nous servaient des assiettes avec des frites, des saucisses et des oeufs au plat disposés de façon à composer le visage d’un bonhomme. Et à chaque fois, je choisissais un banana-split. Si Lio en a fait une chanson, c’est que le banana-split est très emblématique des années 1980. Il a ce côté gourmand, avec beaucoup de parfums et de couleurs : le rose de la glace à la fraise, le blanc crème de la glace vanille, le chocolat, le jaune de la banane, le tout parfois saupoudré d’amandes effilées et même d’une cerise confite... couleur rouge bisou ! Il n’y avait pas la recherche de sobriété actuelle, ni autant de calcul. Quand on ne voit que des gens sérieux dans la rue, les voitures, les journaux ou à la télévision, il est évident qu’on a oublié la fantaisie et la gaîté, qui font partie des plus nobles buts de la vie. C’est pour cette raison que j’insuffle du fun dans ma musique. Évidemment, “La Ritournelle” ou “L’Amour et la Violence” sont des chansons écrites au premier degré, mais “Bye-Bye” ou “Ketchup Genocide”, pas du tout. Quand on s’amuse, la jouissance est directe, on oublie ses problèmes. La pandémie et le confinement ont enfin mis en valeur l’importance de la distraction...
Ce que je préfère dans les années 1980, dont le banana-split est l’un des plus hauts symboles, ce sont les mélodies – davantage que la production, même s’il y a eu des bonnes idées. Les artistes ont tellement travaillé les intros, les ponts et les refrains qu’il y a eu comme une quintessence de la composition. “T’en va pas” d’Elsa, un morceau touchant que je porterai toujours dans mon coeur, The Cure, George Michael... C’est ce que je cherche dans ma musique : une composition hyper léchée et des mélodies qui papillonnent, pour offrir un voyage à qui m’écoute. Dès que je peux, je mange encore des banana-split, mais rares sont les restaurants qui le proposent encore, et il y a, hélas, moins de glaciers qu’avant. On en trouve surtout sur la Côte d’Azur, ma seconde maison. Cette région a toujours un pied dans les années 1980 : les avions qui passent avec les banderoles publicitaires, les gros bateaux blancs, les parasols différents les uns des autres, les glacières, la foule... Cela fait des années que je parle à mon fils du banana-split, et un jour, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, on en a trouvé sur la carte d’une brasserie. On s’est régalé, ça a été l’un des plus beaux moments de notre vie ! »