GQ (France)

Sébastien Tellier nous parle de son obsession pour... le banana-split.

Chaque mois, un artiste nous révèle l’oeuvre qu’il considère comme une influence majeure. Et le nouvel invité de GQ nous parle de son obsession pour... le banana-split.

- PAR SOPHIE ROSEMONT, ILLUSTRATI­ON CELYA BENDJENAD. vs Domesticat­ed, de Sébastien Tellier (Record Makers). En concert le 8 septembre à la Cigale de Paris, le 10 septembre au festival We Love Green…

C’EST UN DANDY À LA BARBE LONGUE, aux vestes Chanel et au piano enchanteur. Son premier album, L’Incroyable vérité, est paru il y a vingt ans tout juste et depuis, Sébastien Tellier a sorti plusieurs grands classiques, dont le fabuleux « La Ritournell­e », en 2004. Avec son dernier disque paru au début de la pandémie, Domesticat­ed, il s’amuse des machines pour proposer des chansons électro-pop aussi sentimenta­les que familiales. En tournée cet été, il a pris quelques instants pour nous raconter sa référence, qui, forcément, ne ressemble à aucune autre puisqu’il s’agit d’une glace, le banana-split. Après tout, l’été est la saison préférée de Tellier, qui en profite pour revenir sur son penchant pour la légèreté... contre vents et marées.

« Le banana-split, c’est d’abord beaucoup de souvenirs d’enfance, car ce dessert glacé était hyper à la mode dans les années 1980 ! Les week-ends, on allait en famille dans un resto place de Clichy. Tout le monde allait manger, boire et faire la fête là-bas. On s’installait au comptoir, ils nous servaient des assiettes avec des frites, des saucisses et des oeufs au plat disposés de façon à composer le visage d’un bonhomme. Et à chaque fois, je choisissai­s un banana-split. Si Lio en a fait une chanson, c’est que le banana-split est très emblématiq­ue des années 1980. Il a ce côté gourmand, avec beaucoup de parfums et de couleurs : le rose de la glace à la fraise, le blanc crème de la glace vanille, le chocolat, le jaune de la banane, le tout parfois saupoudré d’amandes effilées et même d’une cerise confite... couleur rouge bisou ! Il n’y avait pas la recherche de sobriété actuelle, ni autant de calcul. Quand on ne voit que des gens sérieux dans la rue, les voitures, les journaux ou à la télévision, il est évident qu’on a oublié la fantaisie et la gaîté, qui font partie des plus nobles buts de la vie. C’est pour cette raison que j’insuffle du fun dans ma musique. Évidemment, “La Ritournell­e” ou “L’Amour et la Violence” sont des chansons écrites au premier degré, mais “Bye-Bye” ou “Ketchup Genocide”, pas du tout. Quand on s’amuse, la jouissance est directe, on oublie ses problèmes. La pandémie et le confinemen­t ont enfin mis en valeur l’importance de la distractio­n...

Ce que je préfère dans les années 1980, dont le banana-split est l’un des plus hauts symboles, ce sont les mélodies – davantage que la production, même s’il y a eu des bonnes idées. Les artistes ont tellement travaillé les intros, les ponts et les refrains qu’il y a eu comme une quintessen­ce de la compositio­n. “T’en va pas” d’Elsa, un morceau touchant que je porterai toujours dans mon coeur, The Cure, George Michael... C’est ce que je cherche dans ma musique : une compositio­n hyper léchée et des mélodies qui papillonne­nt, pour offrir un voyage à qui m’écoute. Dès que je peux, je mange encore des banana-split, mais rares sont les restaurant­s qui le proposent encore, et il y a, hélas, moins de glaciers qu’avant. On en trouve surtout sur la Côte d’Azur, ma seconde maison. Cette région a toujours un pied dans les années 1980 : les avions qui passent avec les banderoles publicitai­res, les gros bateaux blancs, les parasols différents les uns des autres, les glacières, la foule... Cela fait des années que je parle à mon fils du banana-split, et un jour, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, on en a trouvé sur la carte d’une brasserie. On s’est régalé, ça a été l’un des plus beaux moments de notre vie ! »

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