GQ (France)

Rencontre avec Roberto Saviano qui dénonce le sort réservé aux migrants dans En mer, pas de taxis.

Entretien avec Roberto Saviano réalisé par Kerenn Elkaïm.

- Roberto Saviano, En mer, pas de taxis ; traduit de l’italien par Vincent Raynaud, Gallimard, 176 p., 25 €.

Roberto Saviano, connu pour avoir mis à nu le milieu de la Camorra dans ses livres, plonge dans le chaos migratoire et pointe le terrible sort des réfugiés.

Tout en dénonçant les manquement­s de l’Europe, il dégomme les préjugés dans En mer, pas de taxis, une enquête conjuguée à des photos choc. Menacé de mort, lui aussi connaît le prix (et les risques) de la survie…

SON EXISTENCE n’est suspendue qu’à un fil infime. Son nom, Roberto Saviano, rime avec menaces de mort, mais ce serait dommage de le réduire à cette réalité désolante. C’est avant tout, un grand écrivain et un journalist­e chevronné, qui ose s’aventurer dans des pistes périlleuse­s. Il sait qu’il vit avec une épée de Damoclès, au-dessus de la tête, et pourtant il s’entête à révéler les dysfonctio­nnements et les aspects mensongers du monde. Parfois il le regrette, tant la dette semble élevée : la privation de liberté. L’auteur n’a que 41 printemps, mais ça fait quinze ans qu’il évolue sous protection policière permanente.

Son tort ? Livrer sa vérité quant aux agissement­s d’organisati­ons criminelle­s comme la Camorra, la mafia napolitain­e. Cela ne pardonne pas ! Succès mondial, Gomorra (adapté au cinéma par Matteo Garrone) a dégoupillé la grenade et mis en colère le dangereux clan. Saviano réitère néanmoins avec Extra pure, un essai très documenté sur le trafic de cocaïne aux quatre coins de la planète, depuis adapté en série sous le nom ZeroZeroZe­ro.

L’écrivain a encore aggravé son cas avec Piranhas et Baiser féroce, deux romans abordant les « bébés mafieux » ou comment les enfants font désormais partie d’une orchestrat­ion machiavéli­que.

Son nouvel ouvrage est né de la rage ressentie envers Luigi Di Maio, l’un des leaders du Mouvement 5 étoiles (M5S). Ce parti italien douteux a créé la surprise en remportant plus de

30 % des suffrages lors des législativ­es de 2018. Or voilà que le politicien a comparé les bateaux humanitair­es des ONG à « des taxis de la mer », assurant la navette des migrants. Le sang du bouillonna­nt Roberto Saviano n’a fait qu’un tour. Il lui fallait démonter d’urgence les

clichés sur le scandale des réfugiés. La Méditerran­ée étant la frontière la plus meurtrière, il est temps de balayer notre aveuglemen­t en rendant un visage humain aux migrants et à ceux qui tentent de les sauver. Aussi a-t-il choisi d’écrire un texte vibrant, limpide, politique et didactique, en y mêlant son enquête à des entretiens de photograph­es ayant risqué leur peau pour nous raconter cette traversée de tous les dangers. Un mot que Saviano connaît bien. Il vit à l’abri du monde depuis l’âge de 26 ans, pourtant il ne cesse de le scruter, de l’analyser, voire de le critiquer afin de nous secouer quant aux réalités taboues. Installé devant une bibliothèq­ue, Roberto apparaît tout souriant à l’écran, son regard profond tranche avec ses éclats de rire. Il saisit des bribes de français mais s’exprime uniquement en italien. Heureuseme­nt que la traductric­e, Chantal Moiroud, s’empresse de nous traduire fidèlement ses propos. Animé par une passion brûlante, cet homme pudique au charme fou se montre ouvert, touchant et très sincère. Alors que son enfermemen­t s’éternise, il jaillit de lui une pulsion de vie incroyable.

Le photograph­e Paolo Pellegrin dit que « le regard est un mystère, il est le résultat de ce que nous sommes ». Quel regard portezvous sur vous-même ?

Un regard de rage, de colère pour ce que je subis et ce que je ne peux guère changer, à l’heure actuelle. J’aurais pu avoir une vie meilleure si je m’étais arrêté d’écrire après

Gomorra. Cela m’a valu tant de problèmes… Or je suis si obstiné que je me suis entêté à continuer encore et toujours.

Vous percevez-vous comme un exilé de l’existence ?

Je suis incontesta­blement le champion du monde du confinemen­t longue durée (rires) ! Cela fait quinze ans, que je suis victime d’un autre type de pandémie : le crime organisé. Je me suis néanmoins habitué à vivre enfermé, malgré moi. Être vivant constitue une faute aux yeux de ceux qui veulent me faire taire à jamais. Impossible de nier ce danger qui me menace constammen­t.

« SI UN JOUR ON EXPLORE LE FOND DE LA MÉDITERRAN­ÉE, JE CRAINS QU’ON Y TROUVE DES BATEAUX ET DES SQUELETTES DE MIGRANTS PAR MILLIERS. J’ESPÈRE QU’ON SE DEMANDERA ALORS COMMENT L’EUROPE A PERMIS CELA SANS BRONCHER ? »

Vous vivez enfermé depuis l’âge de 26 ans, qu’avez-vous ressenti quand le monde entier a basculé dans le confinemen­t, l’an dernier ?

Cela n’a hélas rien changé pour moi, mais je vous avoue que c’était assez particulie­r, voire inédit d’assister à un tel événement. Lorsque la terre entière a été confinée, je me suis tout à coup senti moins seul. L’espace d’un instant, ce sentiment m’a fait du bien (sourire).

Pour beaucoup, cette période a été propice à la remise en question. Vous écrivez que « nous sommes nos échecs et ceux de nos pères, mais nous sommes aussi et surtout leurs revanches, leurs triomphes ». Qu’avez-vous appris de votre père médecin ?

Quelle question intéressan­te (ému, il réfléchit)... J’ai tout appris de lui. Nous vivions jadis dans le sud de l’Italie, une région dans laquelle la

mafia est profondéme­nt implantée. Elle s’y substitue d’ailleurs à l’État. Quel que soit le choix qu’on fait dans ce coin-là, il ne peut être qu’individuel. La présence de l’État étant obsolète, il n’y a pas d’aide à espérer de ce côté. C’est pourquoi mon père, médecin, ne pouvait que compter sur lui-même. Aussi m’a-t-il transmis l’art de la débrouille.

Dans sa façon de devoir oeuvrer en solo, je perçois un lien avec le travail solitaire des ONG, aspirant à sauver des migrants.

Que ce soit en tant que journalist­e ou en tant qu’écrivain, quelle vérité voulez-vous nous montrer ?

Dans ce livre-ci, je tiens à rappeler à quel point la Méditerran­ée est la plus grande fosse commune du monde. Si l’on s’oppose au travail des ONG – comme le suggérait le politicien italien Luigi Di Maio en les traitant de « taxis de mer pour migrants » –, on devient complice de ce scandale. Mais si on en dénonce les conditions, on est traité de menteur. Si on explore les fonds marins de la Méditerran­ée un jour, je crains qu’on y trouve des bateaux et des squelettes de migrants par milliers. J’ose espérer qu’on se demandera alors quel conflit a provoqué un tel drame. Et surtout, comment l’Europe a permis cela sans broncher ?

En quoi l’écriture peut-elle « briser le mur du silence » qui entoure ce sujet ?

À l’ère des réseaux sociaux, il est important d’offrir une autre façon d’approcher ce thème. Un livre me semble plus puissant qu’un post sur Facebook car il apporte une connaissan­ce approfondi­e sur la réalité migratoire. Il suffit de diffuser quelques mots sur ce sujet pour déchaîner la colère et un torrent de boue insultant sur les réseaux sociaux. En racontant l’histoire de ces hommes et de ces femmes, je souhaitais partager leur drame avec le plus grand nombre de lecteurs.

D’après le photograph­e Giulio Piscitelli, « témoigner signifie prendre position ». De quoi vous sentez-vous le témoin ?

Il m’est difficile d’y répondre, mais disons que je considère le témoignage comme un travail de présence physique, tant l’on paye ce qu’on veut dire avec son corps. Parfois, ça va jusqu’à me rendre malade. Le travail d’écrivain change en fonction des livres. Quand les politiques attaquent les migrants ou traitent les ONG de « taxis », ils ne visent qu’à détourner l’attention sur leurs carences. Ils se servent de ce prétexte pour distraire les gens, au lieu de les inviter à réfléchir à ce qui se passe vraiment quotidienn­ement.

À l’instar de Paolo Pellegrin, avez-vous « une conscience politique en étant un citoyen avant d’être un écrivain » ?

Sans aucun doute. Ma prise de position étant que l’écrivain que je suis n’est qu’une déclinaiso­n de cette conscience politique.

En quoi un livre ou une photo peuvent-ils être « un moteur de changement » ?

La photograph­ie me semble extrêmemen­t importante, c’est pourquoi j’ai voulu l’associer à cet ouvrage. Une photo est parfois plus explicite que les mots. Voyez cette image d’une fillette brûlée au napalm lors de la guerre du Vietnam. Ce garçonnet levant les mains pendant son arrestatio­n dans le ghetto de Varsovie. Ou encore le Syrien Alan Kurdi, cet enfant migrant échoué sur une plage. Celui-ci a tellement chamboulé Angela Merkel qu’elle a décidé d’ouvrir les frontières allemandes aux multiples réfugiés. Le petit corps mort d’Alan a suscité l’empathie de milliers de gens.

Ils ont brusquemen­t lié ce migrant, vêtu à l’occidental­e, à leur propre enfant. Cette vive réaction émotive ne dure malheureus­ement pas très longtemps. Parfois la même photo ne suscite rien du tout, comme dans le cas de certains partis italiens qui restent toujours opposés au « droit du sol » pour les migrants. Une même image peut donc provoquer des attitudes opposées.

Les migrants font partie de l’histoire de l’humanité, pourquoi est-ce toujours en temps de crise que les pays et les continents ont « l’audace de fermer leurs ports, de protéger leurs frontières et de se changer en forteresse­s » ?

Parce qu’en temps de crise, on a perpétuell­ement besoin d’un coupable. Le migrant représente l’ennemi le plus simple et idéal qui soit. Ne parlant pas la langue du pays où il atterrit, il est incapable de se défendre face aux attaques. Ainsi, il incarne parfaiteme­nt « l’étranger ». Voyez Matteo Salvini (l’ancien ministre de l’Intérieur italien, ndlr), qui n’hésitait pas à répandre l’idée selon laquelle les migrants ont apporté et répandu la pandémie. Il les attaquait vivement dans les médias en les accusant de traîner sans masque dans les rues. Or comment se confiner si on ne dispose ni de logement ni de protection ? Contrairem­ent à lui, les migrants n’ont pas la possibilit­é de se défendre dans les médias ou la société.

Pourquoi y a-t-il plus d’hommes que de femmes

parmi les migrants ?

Vous avez raison, les hommes sont nettement majoritair­es. Il faut dire que les femmes candidates à la migration sont systématiq­uement soumises au viol. En Libye – passage transitoir­e obligé –, elles redoutent le trafic sexuel dont elles sont souvent victimes. Autre crainte, tomber enceinte suite au viol, ce qui entraînera­it un frein supplément­aire pour leur embarcatio­n à bord des bateaux de fortune traversant la Méditerran­ée. Certaines y parviennen­t néanmoins et vont jusqu’à accoucher lors de cette terrible traversée. Pour les hommes, les camps de transit libyens représente­nt également une angoisse. Impossible de faire demi-tour une fois qu’ils sont là-bas, sinon on oblige leurs familles à payer une immense rançon.

Ce livre est-il une façon de nous rappeler que « l’Autre c’est nous » et de redonner un visage humain aux statistiqu­es ?

C’est exactement cela. On a l’impression que les migrants arrivent en masse. Ces chiffres soi-disant de plus en plus nombreux les présentent comme des envahisseu­rs dangereux. L’État les associe à des trafiquant­s, des terroriste­s ou des ennemis, capables de voler notre travail. En écrivant ce livre, j’ai voulu au contraire leur donner un visage, afin de les protéger et les humaniser. C’est ma façon de témoigner modestemen­t de leur réalité.

Comme le souligne le photorepor­ter Olmo Calvo, « l’État est le grand absent. Les premiers à apporter leur secours sont les ONG, les volontaire­s et les personnes ordinaires ». Pourquoi ne sont-ils pas des héros et en quoi leur rendez-vous hommage ?

Tous ceux qui viennent en aide aux migrants sont présentés comme des ennemis de l’État, susceptibl­es de sauver des êtres menaçants. Ils sont accolés à l’image d’un poison s’infiltrant lentement mais sûrement dans un pays. La narration migratoire consiste à raconter l’histoire des migrants, mais aussi de ces hommes et de ces femmes qui risquent parfois leur vie pour les aider. Certains photograph­es, que je mets en lumière dans ce livre, n’ont pas hésité à faire la traversée avec eux ou avec les migrants. Le travail des ONG n’est pas toujours couronné de succès, mais il a le mérite d’exister indépendam­ment et courageuse­ment. Je tenais ici à rendre hommage à leur générosité. Même si leurs missions leur semblent quelquefoi­s inutiles, ils doivent l’effectuer. J’en parle justement pour que les gens sachent que tous ces êtres « invisibles » sont en danger.

Face à la démission de l’Europe, avez-vous l’impression que l’Italie et la Grèce ont été laissées à l’abandon pour secourir les migrants ?

Oui, clairement. Refermant ses portes, la forteresse européenne est comparée à une maison de retraite, alors que l’Afrique ressembler­ait à un jardin d’enfants. L’Italie ou la Grèce paraissent bien seuls face à ces défaillanc­es européenne­s. Mais il existe également des responsabi­lités politiques importante­s, dans la mesure où ces nations ont signé le règlement Dublin. Celui-ci dit que le premier pays qui voit arriver des migrants s’engage à les accueillir. En échange, on renégocier­a leur dette. Rien n’est donc gratuit…

Aujourd’hui, « on continue à laisser les migrants se noyer ou on les enferme dans des camps ». Quelle réponse politique attendez-vous face à cette indifféren­ce ?

J’aspire à une réponse humanitair­e. Il faudrait créer des couloirs garantissa­nt un libre accès à l’Europe. Celle-ci devrait radicaleme­nt changer de politique migratoire. Et puis, soyons honnêtes : l’Italie soutient les milices libyennes dans l’intérêt de récolter plus de pétrole. Quelle hypocrisie ! L’Europe devrait clairement redéfinir ses priorités. Les migrants n’ont rien à voir là-dedans. Ils sont juste victimes du manque de courage de nos pays. Je crains d’avoir peu d’espoir, mais j’aimerais que les divers gouverneme­nts arrêtent de mentir quant à leurs intérêts réels. Cessons de mélanger des fictions qui ne font qu’alimenter la peur de l’autre.

Le vrai problème est celui de la communicat­ion. À la base, l’Italie n’est pas un pays raciste, mais à force d’être confrontée à ces messages trompeurs sur les migrants, elle laisse germer les graines de la haine. Dénoncer les mensonges constitue le fil rouge de mon écriture journalist­ique et romanesque.

Pourquoi souhaitez-vous secouer l’Europe à ce point ?

Tout simplement parce que l’Europe se meurt ! La crise du Covid ou des migrants ne fait que renforcer ce sentiment. Il est vraiment temps qu’elle se réveille et qu’elle parle d’une seule voix audacieuse pour affronter ces problèmes. Cette belle endormie devrait se réveiller de l’hyper-capitalism­e dans lequel elle est plongée. Elle ne fait que subir l’invasion américaine de Facebook,

Netflix ou Amazon. D’après moi, elle devrait se reprendre afin d’inventer des alternativ­es. J’ignore toutefois ce que nous réserve le monde de demain…

Vous écrivez que « malgré ce que nous avons fait et sommes capables de faire, nous restons des êtres humains. » En quoi tous vos livres nous encouragen­t-ils à préserver « une graine d’humanité » ?

Mes livres sont une vengeance de l’humanité ! Grâce à eux, je peux résister. Cela me permet d’affronter mes problèmes et de montrer qu’il suffit d’un peu de courage pour ne pas céder aux menaces qui pèsent sur moi. Le courage consiste à savoir ce qu’on risque en poursuivan­t sa voie. Je vais cependant vous faire une confidence : je n’aime pas toujours mon courage, parce qu’il me met dans une situation compliquée. Il aggrave mes conditions de vie et ceux de mes proches, mais que voulez-vous, je suis incapable de vivre autrement. L’écrivain

Alessandro Manzoni soutient que « le courage, on l’a ou pas ». Si on l’a en soi, il faut vivre avec, même si ce n’est pas facile tous les jours.

Que signifie pour vous être un Homme ?

Hmmm, je dirais probableme­nt ne pas déroger à ses principes. On peut négocier et ne pas avoir peur de se tromper, si on est convaincu d’y rester fidèle. Je ne me suis jamais vendu au nom de mon confort et je continue ma lutte en dépit du mépris de l’humanité. Si je poursuis ma route, c’est parce qu’au fond de moi, je suis convaincu qu’il reste quelque chose à espérer.

Tous comme ces migrants, nous avons tous « une vie, des espoirs et des rêves ». Quels sont vos espoirs et vos rêves aujourd’hui ?

Croyez-moi, je n’ai jamais eu peur de mourir, mais peur de ne pas vivre. C’est vraiment difficile de continuer de la sorte… Mon pays, l’Italie, me déteste, j’éprouve néanmoins un grand rêve de liberté. Dire que je n’ai même pas le droit de me prendre une cuite en terrasse. Il suffirait que je sois reconnu et qu’on me prenne en photo, à ce momentlà, pour que je sois immédiatem­ent en danger. Dans mon cas, la renommée a un prix bien lourd, celui de la vie. Je ne possède donc ni liberté physique ni liberté intérieure. L’écriture représente indéniable­ment une vengeance contre ceux qui m’ont fait du mal.

Si vous étiez libre pendant vingt-quatre heures, que feriez-vous ?

J’irai sans hésitation me baigner dans la mer toute la journée. Étant originaire de Naples, je suis né face à la mer. Aussi est-elle omniprésen­te dans ma vie. Mais comme le rappelle mon nouveau livre, il n’y a pas qu’une seule mer…

Cette dernière incarne certes un espace de rêve, d’éloignemen­t, d’ailleurs et de liberté, mais elle renferme aussi la mort.

« MES LIVRES SONT UNE VENGEANCE DE L’HUMANITÉ: GRÂCE À EUX, JE PEUX RÉSISTER! LE COURAGE CONSISTE À SAVOIR CE QU’ON RISQUE EN POURSUIVAN­T SA VOIE... ET J’AVOUE QUE JE N’AIME PAS TOUJOURS LE MIEN, PARCE QU’IL ME MET DANS UNE SITUATION COMPLIQUÉE. »

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