AMRAPALI GAN
CEO d’OnlyFans, elle rend le pouvoir (et l’argent) aux créateurs de contenu.
ONLYFANS, la fameuse plateforme payante qui rémunère les créateurs de vidéos et de photos a révolutionné l’industrie du porno, remis en question les idées reçues et permis la montée en puissance d’un nouveau commerce en ligne. Depuis 2020, elle a connu une hausse stratosphérique de ses recettes et de sa popularité. La plateforme a même été citée par
Beyoncé dans les paroles de Savage et a été employée comme outil de promotion majeur par The Weeknd ou Cardi B. L’actrice Bella Thorne a levé 1 million de dollars le jour même de son inscription. Même si OnlyFans est surtout prisé pour le porno, puisque la plupart des autres sites interdisent la monétisation de contenus explicites, la plateforme a néanmoins attiré un large éventail d’autres profils, qui vont des experts en fitness aux musiciens et qui font payer un abonnement mensuel afin de donner accès à leurs contenus. Pour beaucoup, les revenus qui peuvent être générés par le site constituent un véritable moyen de survie. Comme l’explique sa CEO, l’Américaine Amrapali
Gan, l’idée est de donner le pouvoir aux utilisateurs : “Les créateurs veulent le contrôle et être propriétaires de leur contenu.” Telle est la promesse de la plateforme, assortie d’une conséquente part du gâteau en cas de succès : 80 % de ce qu’ils génèrent sur le site revient aux créateurs et la société affirme ainsi reverser annuellement 5 milliards de dollars à ses membres.
L’homme d’affaires britannique Tim Stokely a lancé OnlyFans en 2016, mais c’est avec la pandémie que le site a réellement décroché le gros lot. Désormais, selon Gan, il représente plus que le symptôme d’une bulle technologique précaire. Selon elle, cette transition du gratuit vers le payant sur les réseaux sociaux est amenée à se généraliser. “C’est vraiment ce vers quoi nous tendons, explique-t-elle. C’est naturel, tout le monde veut pouvoir travailler sur quelque chose qui le passionne et être en mesure de monétiser ce travail.”
Bousculer les marchés, c’est la grande affaire d’Amrapali Gan, qui a pris les rênes d’OnlyFans fin 2021 après le départ de
Tim Stokely. Avant de rejoindre la société, la jeune femme avait participé au lancement du Cannabis Cafe, premier établissement du genre aux États-Unis. Dès son lancement, OnlyFans a reconfiguré l’économie liée aux créateurs, en permettant à ses utilisateurs d’accéder à des contenus, protégés par un paywall, sans avoir à subir les trolls et les pubs qui polluent les feeds. Il offrait aussi une forme de libération, dans un envrionnement digital qui s’effarouche à la vue du moindre téton. Pourtant en 2021, OnlyFans a emboîté le pas de Facebook et Instagram en interdisant les contenus explicitement sexuels. Les critiques n’ont pas tardé à pleuvoir, pointant que le site tournait le dos aux contenus (et aux créateurs) qui lui avaient permis d’accéder aux hautes sphères de la Big Tech, et dans bien des cas, privait les travailleuses et travailleurs du sexe d’une importante source de revenus. Face à la pression, OnlyFans a fait machine arrière au bout d’une semaine.
L’épisode a engendré une certaine confusion autour des valeurs de la marque. “Beaucoup d’idées fausses circulent autour de notre identité, explique Amrapali Gan. Mais je suis fière de représenter une communauté où les travailleuses et travailleurs du sexe et les mannequins ‘glamour’ peuvent côtoyer des influenceurs lifestyle, des artistes ou des sportifs.”
La CEO a conscience du pouvoir d’une plateforme qui embrasse d’une manière positive la sexualité. L’un de ses comptes préférés est celui d’Alexandra Hunt, ex-stripteaseuse aujourd’hui candidate démocrate de Philadelphie à la Chambre des représentants. Lorsqu’un troll a raillé celle-ci en affirmant qu’après l’échec de sa campagne, on la retrouverait sur OnlyFans, Hunt a répondu en s’inscrivant sur la plateforme où elle a levé 80 000 dollars pour sa campagne. OnlyFans élargit encore son champ d’action en lançant un fonds mode avec la créatrice Rebecca Minkoff, et en sponsorisant l’équipe britannique d’Enduro.
Mais il reste du chemin à faire avant de changer la perception de la plateforme, et des créateurs de contenu pour adultes. Au début de l’année, l’actrice britannique Sarah Jayne Dunn a été poussée vers la sortie de la série Hollyoaks au motif qu’elle possédait un compte OnlyFans.
“Pure hypocrisie, estime Amrapali. Elle a tout à fait le droit de monétiser son nom et son image, la production de la série n’a pas son mot à dire là-dessus.”
Avec Amrapali Gan aux commandes, le shaming n’a pas le droit de cité. “Je suis ravie que nous soyons le réseau social le plus inclusif qui soit. Notre mission a toujours été de donner aux créateurs les moyens d’atteindre leur plein potentiel et de se l’approprier. Grâce à nous, les créateurs reprennent le contrôle.” REBECCA DOLAN