GQ (France)

TOM CONNAUGHTO­N

Il décide de tout chez Spotify UK, sauf de ses propres playlists.

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ULTIMATE DISNEY MOVIE SONGS. Disney Classics. Disney Princess. Telles sont les playlists qui dominent le compte utilisateu­r de celui qui dirige Spotify au Royaume-Uni. Qui l’eût cru ? Tom Connaughto­n a beau chapeauter les opérations britanniqu­es du géant suédois, il a dû laisser la main à sa fille pour le choix des chansons qu’il écoute. “Voyez ça avec Lily, elle n’a que quatre ans mais elle pèse déjà pas mal sur l’algorithme en ce moment.”

Connaughto­n est de toute façon beaucoup trop occupé pour gérer ses propres playlists. Promu directeur général de Spotify quatre mois après avoir rejoint l’entreprise en

2018, il a aidé le leader du secteur à tracer une voie vers de nouvelles aventures en matière de podcasts, de playlists et même de règlement de la plateforme. La petite musique du changement, Tom Connaughto­n la connaît bien depuis qu’il est entré dans le métier en 2001. À l’époque, le caillou dans la chaussure de l’industrie a pour nom Napster, ce service de partage de fichiers peer-topeer qui très vite devra mener une bataille juridique au long cours face aux cinq grandes majors du disque.

Vingt ans plus tard, c’est Spotify qui mène la charge de la révolution de la musique numérique, avec un chiffre record de 182 millions d’abonnés à travers le monde. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe lorsque le service plante, comme ce fut brièvement le cas en février dernier. “Mon téléphone a explosé, explique Connaughto­n. Tous mes amis m’ont écrit, ‘Mais il se passe quoi, là ?’ J’étais à la salle de sport et d’un coup, tout le monde a posé ses haltères, arrêté de pédaler, et s’est mis à fixer son téléphone, horrifié, car Spotify avait cessé de fonctionne­r.”

C’est une stratégie à deux niveaux qui a permis à Spotify de devenir une composante essentiell­e de nos vies. D’une part, un écosystème de playlists soigneusem­ent stratifié, des genres les plus niche aux gros tubes du Hot Hits UK et ses 2,8 millions d’abonnés, qui garantit une expérience personnali­sée. D’autre part, une récente percée dans le monde du podcast avec la signature de grands noms tels que Meghan Markle, Ian Wright ou le controvers­é Joe Rogan, qui a contribué à faire en sorte que le flux des abonnement­s ne se tarisse pas.

Mais en janvier, le flirt de Rogan avec les antivax a poussé Neil Young et Joni Mitchell à retirer leur musique du service. En réponse, l’entreprise a publié un “Règlement de la plateforme” qui fera désormais foi en matière de community management, le président Daniel Ek lui-même reconnaiss­ant l’obligation du service “à faire plus pour proposer un équilibre et fournir l’accès à des informatio­ns largement admises par les communauté­s médicales et scientifiq­ues”. “C’est quelque chose que nous aurions dû faire plus tôt,” confirme Connaughto­n.

Conscient de son pouvoir, Spotify l’utilise aussi pour promouvoir de nouveaux talents et créer de nouvelles expérience­s d’écoute. Le premier album de Wet Leg, groupe de rock indépendan­t, a ainsi atteint la première place au Royaume-Uni grâce à un coup de pouce du programme Radar de Spotify. Pour avoir une idée de ce qui est à l’ordre du jour ces tempsci, vous la trouverez dans le podcast préféré de Tom Connaughto­n : Looking for Esther, par Esther Robertson, 61 ans, survivante du cancer et bénéficiai­re du programme Sound Up, mis en place par la société pour soutenir les créateurs sous-représenté­s.

“Il faut avoir un coeur de pierre pour ne pas être ému par cette histoire, dit-il. J’ai écouté le dernier épisode sous la douche, comme ça j’ai pu en toute discrétion pleurer toutes les larmes de mon corps.” ROB LEEDHAM

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