Grand Seigneur

« BOURDIN NE VENDAIT PAS DE SAUCISSES ! »

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Quelle différence entre la « fashionfoo­d » et les images de Guy Bourdin ?

Une différence fondamenta­le, ce sont même deux choses tout à fait contraire. Aujourd’hui, ce qu’on appelle la « fashion food » sur Instagram et dans la pub est une esthétisat­ion très calculée de la nourriture ou d’une scène de table. Cela peut être plus ou moins réussi mais reste toujours assez scolaire et ne dépasse pas le stade du « genre-isme ». Aucune création artistique là-dedans ! Juste l’idée – un peu forcée – de donner à voir un produit alimentair­e à travers le prisme de la mode et du luxe…

Ce n’était pas le cas de Guy Bourdin ?

Absolument pas. Bourdin, lui, ne calculait rien dans son rapport à la cuisine en photo. Il ne cherchait même pas à mettre en valeur la nourriture mais s’en servait pour exprimer quelque chose de surréalist­e et fou. Ses images de la femme au chapeau avec les têtes de veau ou des mannequins dînant de choucroute et saucisses au lit sont juste dingues. Et à l’opposé de bien des photograph­es, il ne souhaitait même pas que ses photos lui survivent. On peut dire que c’était un artiste.

En fait, il aurait fait un mauvais photograph­e de « fashion food »…

On sent bien qu’il aimait la bonne bouffe et le plaisir à table. On l’imagine mal

Pour Paul-Emmanuel Reiffers*, collection­neur d’art et éditeur de Numéro, l’artiste était tout sauf un faiseur de belles images gourmandes...

dîner seul de quelques sushis dans un restaurant japonais ou d’une soupe miso aux petits légumes dans une cantine veggie. Mais comme ses images ne se contentaie­nt pas d’être esthétisan­tes, qu’elles exprimaien­t une émotion profonde dans son rapport à la mort, aux femmes – et plus généraleme­nt à sa mère à laquelle beaucoup de ses modèles ressemblai­ent – elles ne sont pas forcément la promotion rêvée pour vendre des saucisses !

Pourquoi avoir fait appel à une historienn­e comme Shelly Verthime pour votre dernière expo

« Guy Bourdin : The Portraits » ?

Parce que c’est probableme­nt la curatrice la plus compétente sur l’oeuvre de Guy Bourdin, qu’elle en connaît le moindre croquis, la moindre image ou film en super-8. Et qu’au Studio des Acacias, ce qui nous intéresse, c’est de raconter une histoire et de créer du sens, de prendre un fil conducteur, de travailler sur une vraie scénograph­ie. Pas simplement de faire une expo avec des images accrochées au mur. C’est une démarche qui va au fond d’une oeuvre. Parions que Guy Bourdin, qui avait refusé toute exposition de son vivant, y serait malgré tout sensible…

 ??  ?? * Egalement président du groupe de communicat­ion Mazarine group et du studio des Acacias, 30 rue des acacias, Paris 17e. http://studiodesa­cacias.com/fr/ ENTRETIEN : GABIN SMET
* Egalement président du groupe de communicat­ion Mazarine group et du studio des Acacias, 30 rue des acacias, Paris 17e. http://studiodesa­cacias.com/fr/ ENTRETIEN : GABIN SMET

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