Grand Seigneur

“Patrick Chirac, le lait et moi ”

- Entretien : Olivier Malnuit et Laurence Rémila Photos : Guillaume Landry O.M.

La grande bouffe des plages, l’argent de Benco et les dialogues à la Audiard… Après le phénomène Camping 3, Franck Dubosc, le Brillat-Savarin des dînettes sous la tente, s’est confié à Grand Seigneur le temps d'un apéro laitier improvisé.

Hôtelde Bourrienne, Paris 10è. Sur les marches de la rédaction de Technikart et Grand Seigneur, le plus « bankable » des humoristes et des auteurs français pose en peignoir et savates, une énorme bouteille de lait entre les mains et une jolie demi-molle sous le survet’ (la preuve en images). Un hommage discret à Jeffrey Bridges dans le film des frères Coen The Big Lebowski et son célèbre White Russian (50 % Vodka, 20% Lait, 30% Khalua). Mais aussi aux packs de lait UHT, au quatre-quarts sous vide, aux Flamby à consommer avant la date de péremption, aux maquereaux au vin blanc, aux raviolis en boîtes, aux réchauds Butagaz… A tout ces festins de Champion qui font le charme des vacances populaires et de la gastronomi­e de Camping. Des courses de garnison en début de séjour, un resto « habillé » la première semaine et le reste en salades (ou dans un cake aux yaourts) à la fin des vacances, la chorégraph­ie des casse-graines en familles n’a jamais été aussi bien écrite que par Franck Dubosc dans la saga des films Camping. Après l’incroyable succès du 3è volet cet été, et en attendant la sortie du DVD, cela méritait bien un petit verre de lait avec ce Ben Stiller à la mode de Rouen, Normand malgré lui qui n’a jamais mangé ni Teurgoule (riz au lait à la cannelle), ni Lisette de Dieppe (lire ci-dessous). Mais salive d’amour devant les « Samboussek » de sa femme et rêve de tourner dans une comédie qui saurait enfin filmer la cuisine.

Franck Dubosc, Camping 3 a fait plus de

3,3 millions d’entrées cet été et même Télérama a trouvé le film « très réussi »…

F.D.: C’est dingue. Peut-être que si autant de gens apprécient le film, c’est parce qu’on est revenu aux « fondamenta­ux » de la culture camping : les packs de lait, le Benco, le petit dej’, les bols sous la tente Maréchal, les boîtes de thon à la catalane, la gastronomi­e des Flots Bleus, quoi. Et puis, il faut dire aussi qu’à la différence du précédent (Camping 2), on n’était que deux à l’écrire avec Fabien Onteniente (le réalisateu­r). On connaît bien nos personnage­s, on allait dans le même sens…

C’est-à-dire ?

F.D.: Quand on écrit à deux, ça créée beaucoup moins de compromis qu’à quatre comme sur Camping 2 (co-écrit avec Philippe Guillard et Emmanuel Booz). Et puis, c’était le bon moment pour prendre Fabien. Il sortait du film Turf avec Baer, Chabat, Depardieu, etc, qui n’était franchemen­t pas un succès (23 millions d’euros de budget, seulement 400.000 entrées), il avait fait une belle chose à la télé dont il était content (La Dernière échappée avec Samuel Le Bihan, le téléfilm de France 2 sur Laurent Fignon). Bref, il était à cueillir : plus fragile, plus créatif.

Camping 3, c’est définitive­ment le film de Patrick Chirac ?

F.D.: Oui, même si au début, je voulais justement l’inverse. Pour moi, un personnage - même principal - doit manquer un peu au public, ne surtout pas s’imposer. Quand on l’écrivait avec Fabien, on avait même prévu beaucoup plus de scènes sans Patrick Chirac. Et puis au montage, il est devenu évident que les moments les plus drôles, c’était avec lui…

Vous venez d’adapter pour M6 Les Beaux malaises, une série qui cartonne au Québec, bientôt diffusée en France... Ca vous a inspiré pour l’écriture de Camping 3 ?

F.D.: Complèteme­nt ! Les dialogues de Martin Matte (le créateur de la série) sont d’une telle liberté que sur Camping 3 j’ai voulu des répliques plus modernes, moins dans un phrasé « à la Audiard ». Il faut avouer que sur les précédents, on avait parfois des formules toutes faites. Un côté « Tontons flingueurs des plages » qui marchait bien avec Brasseur, Lanvin ou Mathilde Seigner, mais que je ne trouvais plus assez ancré dans la réalité de 2016.

Comme l’expression « Te caille pas le lait Patrick ! » (Gérard Lanvin dans Camping 1) ? F.D.: Par exemple. Cette réplique – qui est quand même assez fantastiqu­e – je crois que c’est Gérard Lanvin qui nous l’avait refilé sur le tournage du premier Camping. A l’époque, Gérard avait toujours un petit carnet sur lui dans lequel il notait toutes sortes de phrases entendues dans les bars quand il était avec Coluche. Une vraie mine d’or ! Il l’avait prêté à Fabien (Onteniente), malheureus­ement il l’a perdu…

Qu’est ce que boit Patrick Chirac tous les matins avec son Benco : du lait ou du Régilait ? F.D.: Patrick Chirac ne fait jamais les choses à moitié, il boit du lait, évidemment ! Avec le Régilait, il y aurait presque une moitié de phrase inutile, c’est trop compliqué pour lui. Et en même temps, c’est vrai qu’on a envie de s’amuser à lui faire dire « Où est mon Régilait ? ». Il y a quelque chose qui sonne bien.

Depuis que Patrick Chirac fait la promo de Benco dans Camping, ça vous rapporté gros ? F.D.: À moi, non ! Mais sur Camping 3, si les producteur­s sont malins, ils ont dû bien gagner leur vie avec la marque. Il faut reconnaîtr­e que dans le film, le stock de Benco de Patrick Chirac est devenu carrément énorme. Fabien (Onteniente) trouve que c’est le code, que ça fait « burlesque ».

Pourtant, vous êtes sur tous les pots de Benco au supermarch­é…

F.D.: Oui, mais de dos. C’est si j’étais de face que je gagnerais quelque chose ! D’ailleurs, pour l’anecdote, je crois que je n’ai jamais goûté de Benco de ma vie, ce sont mes fils (Raphaël et Milhan) qui en mangent. J’en ai des boîtes et des boîtes envoyées par le public. Depuis Camping 1, à chaque nouveau spectacle, je reçois toujours des boîtes de Benco en cadeaux, c’est systématiq­ue. Un jour en avion, alors que je partais en vacances à Bali avec ma femme, la chef d’escale m’a même fait appeler pour me remettre en énorme cadeau de la compagnie. Et devinez ce qu’il y avait à l’intérieur ? Du Benco…

En tant que Normand, vous êtes plutôt Lisette de Dieppe (petits maquereaux marinés au cidre) ou bulots de Granville ?

F.D.: Plutôt bulots de Granville parce que j’adore les fruits de Mer, mais aussi parce que je n’ai jamais entendu parler de la Lisette de Dieppe. Il faut vous dire que j’ai grandi au Petit-Quevilly (Seine-Maritime) et que ce n’était pas vraiment la Normandie gastronomi­que, plutôt une banlieue comme on en voit partout. A part les tomates farcies de ma mère (les « Tomates Jeanine ») qui sont excellente­s et le boudin blanc truffé d’Essay (à base de jambon de porc frais haché fin) qui me fait grimper aux rideaux, j’ai toute une éducation culinaire à refaire. Votre dernière cuite Normande, c’était à la Bénédictin­e ou au Calvados ?

F.D.: Au Calvados, je m’en souviens encore. Je devais avoir 17 ans, on était toute une bande et un type nous a saoulé toute l’après-midi. Je voyais les assiettes qui se rapprochai­ent de mes yeux, je ne sais pas du tout ce qu’il a fait de nous…

Avec votre épouse libanaise, vous vous êtes mis au Baba Ghanouge (caviar d’aubergine à la crème de sésame) ou au Samboussek (friand à la viande, aux épinards ou aux oeufs) ?

F.D.: Ne me demandez pas les noms de tous les plats, mais j’adore la cuisine libanaise. Toute la cuisine libanaise ! Les brochettes Kefta (boeuf haché aux épices), le Chich Taouk (poulet mariné), les Rakakat

Je suis allé filmer des transsexue­ls à Instambul

(feuilletés au fromage), le Labné (fromage blanc libanais) au citron… Mes enfants connaissen­t ça mieux que moi, ils ne mangent que ça. Je crois qu’on va en faire des petits gros, mais c’est de la bonne bouffe. Vous avez incarné un cuistot aux côtés de Gérard Lanvin dans Pension complète, un remake de La cuisine au beurre (1963) qui, malgré quelques dialogues sur les légumes oubliés et la scène du « burger entre terre et mer », parlait très peu de cuisine…

F.D.: En fait, c’était déjà le cas dans le film de Gilles Grangier (avec Fernandel et Bourvil) parce que le sujet ne traite pas directemen­t de cuisine, mais de la rivalité entre deux restaurate­urs. Simplement, c’est vrai que beaucoup de comédies autour de la gastronomi­e, je trouve, ne mettent pas assez en scène les saveurs, les produits, les cuissons, le fond de la poêle et de l’assiette. Si j’ai fait ce film, c’est d’abord parce que j’aime beaucoup le travail du réalisateu­r, Florent Emilio-Siri (Nid de guêpes, L’ennemi intime). Dommage que personne ne l’ait vu (seulement 167.000 entrées), ça se laisse voir ! Mais il faut dire que l’histoire n’était pas très bonne. Un vrai remake, cela aurait été, par exemple, de tourner à la Goutte d’Or (Paris 18è), l’histoire d’un français qui irait cuisiner dans un restaurant africain. Il aurait fallu renverser les choses, les rendre comiques...

Est-il vrai que vous avez été journalist­e en Angleterre ?

F.D.: Oui, c’était pour Channel 4, j’étais même grand reporter. Je suis allé filmer des transsexue­ls à Instambul, j’ai couvert le coup d’Etat à Moscou en 1991, etc. C’était l’époque où je jouais aussi le « French Lover » (Patrice) dans la série Coronation Street sur ITV.

A votre retour en France, vous avez démarré les premiers stand up au Café du Trésor (Paris 4è) avec Guillaume Canet. Il était drôle ?

F.D.: Forcément, c’est moi qui écrivait ses textes (rires) ! Mais il avait quelque chose en plus de très frais, presque poétique. On faisait des trucs sans revendicat­ion, on parlait de nos nanas, de nos vies. C’était sympathiqu­e, sans haine, rien à voir avec l’humour communauta­ire…

Ce n’est pas votre tasse de thé ?

F.D.:Non, autant faire du rap. Ce qui est intéressan­t dans le stand-up, c’est de parler à tout le monde, pas de cibler un seul public. Certains parviennen­t à faire les deux : être communauta­ire et faire rire le maximum de gens. Mais ce n’est pas donné à tout le monde. Camping 3, c’est une forme de stand up ?

F.D.: Par certains côtés, oui. Il y a quand même des tirades bien perchées de Patrick Chirac : ses monologues sur Facebook, Fatou (la mère imaginaire du jeune black, interprété par Cyril Mendy). Et même une impro de quinze secondes de silence ! Avec Fabien, on voulait retrouver l’esprit de certains apartés comme dans Camping 2, lorsque Patrick Chirac raconte la légende de l’Ile de la Vieille à Richard Anconina (Jean-Pierre Savelli). Quant à l’impro muette, il y avait un petit côté Tati qui faisait hurler de rire Fabien. Moi, je n’ai pas vraiment d’avis, j’ai toujours peur de trop en faire. Alors quand Patrick Chirac ne dit plus rien, ça me fait tout bizarre… Camping 3, sortie en DVD et Blu-Ray le 31 Octobre 2016.

Entretien : Olivier Malnuit et Laurence Rémila

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