Grand Seigneur

Devine qui vient boire du lait ce soir ?

- D.K. François-Xavier DEMAISON

Début des années 70 : plus de sept millions de Français vont voir en salles Orange Mécanique, le dernier film de Stanley Kubrick. Il faut dire qu’après Dr Folamour et 2001, l’Odyssée de l’espace, le réalisateu­r américain s’est surpassé avec cette satire de la violence sociale (adaptée du roman d’Anthony Burges) où de jeunes ados en costumes de cricket (avec la coquille par dessus le pantalon) boivent du lait assis sur des femmes chaises (inspirées des sculptures érotiques d’Allen Jones), en écoutant du Beethoven, Puccini et Purcell rejoué sur des vocodeurs et synthétise­urs Moog, avant de commettre les pires atrocités. Un lait mélangé à toutes sortes de substances toxiques – et fortement déconseill­ées pour la santé ! – mais qui symbolise le choc entre l’enfance et l’âge adulte dans cette étrange cité kolkhoze (beaucoup de scènes tournées dans des immeubles conçus par les architecte­s du Parti Travaillis­te) où les ados qui parlent en nasdat, un langage expériment­al à base de russe et d’argot cockney, semblent avoir pris le pouvoir.

PUNK À LAIT

Dès sa sortie, le film est un tel scandale (et un succès phénoménal) que le réalisateu­r se voit progressiv­ement contraint de le retirer des salles en Angleterre (après quand même quinze mois d’exploitati­on), où réside sa famille, de plus en plus menacée. Mais surtout, le monde stupéfait découvre l’image inversée du bar à lait, autrefois synonyme d’un lieu sans alcool pour la jeunesse, et désormais symbole du « nonsense » et de l’esthétique punk qui pointe soudain le bout de sa crête. Un peu partout ouvrent des « Korova Milk Bars » – le nom du bar à lait dans le film – où les Brandy Alexander (cognac, lait et crème de cacao),White Russian (vodka, lait, Kahlua) et autres Moloko (vodka, lait, carambar) ont définitive­ment remplacé les laits fraise et milk-shakes au caramel. Jusqu’au dernier du genre à New York qui, il y a peu encore, était même le QG de la scène goth-punk-hardcore (ça existe) de l’East Village ! C’est dans un hommage appuyé à son confrère Malcolm Mc Dowell (le terrifiant Alex Delarge du film) et peut-être aussi un peu pour réveiller son côté punk à lait chaud, que le comédien François-Xavier Demaison (Coluche, Comme des frères, etc.), absolument épatant en beauf décomplexé de la finance dans L’Outsider, le dernier film de Christophe Barratier sur l’affaire Kerviel (actuelleme­nt à l’affiche), s’est glissé dans les habits et sous le chapeau melon d’un des « droogies » (ça veut dire « potes » en nasdat) d’Orange Mécanique. Grand amateur de lait bio des Limousins, ce prince du Sartène (fromage corse) à l’apéro qui vient de triompher au Florence Gould Theater de New York, sera dès janvier 2017 à l’Olympia. Ca peet (ça veut dire « ça s’arrose » en nasdat) !

Lait vodka et cognac à la crème… Avec François-Xavier Demaison, le lait n’a jamais été aussi pop que dans le film Orange Mécanique de Stanley Kubrick et son célèbre « Korova Milk Bar ».

François-Xavier Demaison, un Alex Delarge plus vrai que nature et ses deux « droogies » d’Orange Mécanique :

Charlélie Marangé et Pierre Ardilly.

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