Grand Seigneur

Pourquoi la cuisine de la mer a toujours l’air ?

- Texte : Félix de Berchoux Photo : Jean-Claude Amiel

Et si en 2017, vous mangiez de la Vieille ? Ce poisson à la robe de dame patronness­e comme sur les blouses du catalogue La Redoute. Si abondant au large des côtes bretonnes que les pêcheurs en font cadeau aux grands-mères pour nourrir leur chat... Cuisiné au four avec des fleurs de sureau et des pommes de terre grenaille, c'est plutôt bon (si on n'a pas peur des arêtes). Mais peut-être préférerie­z-vous de la Lotte ? Un poisson avec une tête si difforme (elle fait 60 % de son poids, voir photo ci-contre) qu'il est généraleme­nt décapité à même le bateau. Ou sinon, pourquoi pas du Congre ? Ce gros serpent de la Méditerran­ée qui finit souvent en soupe avec du thym et du safran… la poiscaille qui ne nous bassine pas avec les bienfaits diététique­s de sa cuisine… Et qui, de surcroît, ose dire la vérité marine en face : les enfants et les ados n'y comprennen­t rien (allez proposer une soupe d'étrilles à des fans de Five Guys, ndlr), leurs parents n'y croient plus (trop de saumon pourri et de sushis au mercure) et le reste est loin d'être évident en France où l'on préfère encore largement la viande.

Lottes à grosses têtes, serpents de Méditerran­ée… Pour le chef Gaël Orieux (Auguste), tous les poissons peuvent devenir aussi sexy que la viande, même les plus moches. Mais c’est vrai qu’il y a du boulot !

« Ce n'est pas un hasard si le pavillon des mareyeurs aux halles de Rungis est le moins impression­nant de tous. En comparaiso­n, le marché aux poissons de Tsukiji à Tokyo est un véritable monstre marin. Question de culture. Chez nous, on improvise rarement avec les produits de la mer », reconnaît Gaël Orieux qui rêve d'un pays où l'on aurait la

même spontanéit­é à l'égard de la Cardine (une cousine chelou de la Sole qui louche) ou du Grondin (un poisson de la Méditerran­ée qui grogne…) que pour une grillade au barbecue. « Vous avez autant de choix chez le poissonnie­r que chez le boucher. Or, personne ne se rend chez ce dernier par une envie de macreuse, d'épigramme ou de collier ? », ajoute ce toqué de la mer à qui l'on doit l'une des initiative­s les plus intéressan­tes en matière de lutte contre la surpêche : le portail Mr. Goodfish qui publie toutes les infos sur les stocks de poissons abondants en mer (le Mulet, par exemple), afin de lâcher un peu de lest aux espèces menacées…

AUGUSTE,

54 rue de Bourgogne,

75007 Paris. Tel : 010 45 51 61 09. www.restaurant­auguste.fr On les avait un peu perdus de vue. Et voilà que des poissons oubliés comme le Sébaste, aussi appelé la Rascasse du nord, ou le Pageot à tache rouge (surnommé « la fausse Dorade »), font leur come-back en guise de remplaceme­nt des espèces menacées

(Thon rouge, Mérou, Merlu, etc). C’est aussi un peu l’objet de ce livre de Gaël Orieux qui propose quelques jolies recettes oubliées elles aussi (Pageot aux figues, Sébaste au Saté). De toutes manières, d'après les experts, il n’y aurait plus de poissons à manger d’ici 2048. Alors, autant commencer par ceux qu’on avait négligés !

F.D.B.

POISSONS OUBLIÉS, LE GRAND RETOUR…

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