Grand Seigneur

“UN BÂTON, UNE PATATE ET UN PNEU, ET JE VOUS FAIS UN PLAT... ”

Barbecue, rap et politique… Même au saut du lit vers midi, le plus vieux rappeur de France n’a rien perdu de son appétit ! Petit taillage de bavette (un lendemain de cuite) avec le « Jaguarr » aux fourneaux.

- Entretien : Olivier Malnuit Photos : Eddy Brière

Joey Starr, il paraît que vous êtes un passionné de cuisine…

— J.S. : Ouais, j'ai un père qui cuisinait. Donc forcément, j'aime bien ça. Disons surtout que je suis un vrai pro de la cuisine de pauvres. Vous me donnez un bâton, une patate et un pneu, et j'arrive à vous faire un plat.

Vous aimez préparer quels types de plats : des quiches, des rôtis, du couscous ?

Je prépare de tout, de la cuisine italienne, du sud-ouest, antillaise. Pour moi, faire à manger, c'est un carrefour. Le moment où je suis avec mes fils, où on se raconte nos trucs. Ça fait partie du… Comment dire ? Excusez-moi, je cherche mes mots. En plus, hier je me suis mis une jolie boîte... Ah oui : ça fait partie de l'éducation !

Il y a une cuisine ou un plat que vous aimez en particulie­r ?

Le truc, c'est que comme j'adore manger, il y a très peu de choses que je n'aime pas. J'ai pas l'air comme ça, mais je dois faire quatre ou cinq repas par jour. Je me lève la nuit pour bouffer, c'est n'importe quoi ! Ça va vous sembler un peu psycho, mais j'aime que mon frigo déborde, je fais mon marché moi-même, etc…

Vous êtes branché légumes ? (Lire notre

dossier « Les Mecs à légumes » page 40.)

Ouais, on essaie de manger sainement. Mais à la différence de mon frère qui est végétarien, moi je suis un vrai bouffeur de carne. J'aime la viande ! J'aime le goût, la texture… Vous voyez le barbecue dans la cour ? Eh bien, c'est mon QG !

Qu’est-ce que vous appréciez comme restaurant ?

Les Papilles, rue Gay-Lussac (Paris 14e), le bistro où bosse mon pote Tom (le chef Ulric Claude). On y mange une très bonne cuisine du marché, un Lomo de thon aux petits légumes préparé à la poêle comme un tournedos, des cochonnail­les de chez Philippe Camdeborde, un boudin noir poêlé extra. La cave est pas mal non plus avec quelques flacons de chez Lapierre, Yves Leccia, etc. Le problème, c'est que comme je taffe comme un dingue en ce moment, j'ai tendance à passer ma vie au resto.

Vous étiez le mois dernier sur scène dans un spectacle (Éloquence à l'assemblée) où vous lisiez d’anciens discours de l’Assemblée nationale. Qu’est-ce qu’il y a de moderne dans les vieux textes de Simone Veil, Olympe de Gouges, etc. ?

Je trouve qu'ils provoquent toujours un écho hallucinan­t. Sur scène, par exemple, je lisais un texte, je crois que c'est de Lamartine – excusezmoi, je me réveille (il se frotte la tête très fort)…

Un texte du XVIIème siècle donc, sur le ressenti général, où le mec explique que, déjà à cette époque, le privé prenait le pas sur la politique. Et qui rappelle terribleme­nt l'affaire Fillon ! Celui

d'Olympe de Gouges – qui n'a pourtant jamais pu monter à la tribune – sur l'égalité entre hommes et femmes est incroyable­ment moderne. J'aime moins le discours de Ferry sur la colonisati­on et « la race supérieure ». Mais heureuseme­nt, il y avait du Aimé Césaire, du Christiane Taubira, du Clemenceau, etc.

Pourquoi Pierre Grillet et Jérémie

Lippmann (le créateur et le metteur en

scène, ndlr) ont-ils pensé à vous ? Pour faire un coup ?

Ils m'ont dit qu'ils cherchaien­t un tribun, quelqu'un qui serait capable de donner de la tripe à tout ça. Après, c'était pas juste une lecture avec un pupitre, il y avait toute une scénograph­ie, des saynètes. Je mettais quand même mes couilles sur la table…

Vous avez de nouveaux projets de films, de pièces, de séries ?

Eh bah, pas que je sache !

Qu’est-ce que vous aimeriez tourner au cinéma ?

Bah, disons que je voudrais surtout qu'on me propose des choses intéressan­tes. Je voudrais plus faire du cinéma que de me remettre des soirées projos, quoi.

Et côté rap, vous en êtes où ?

Je prépare des nouveaux titres, je viens d'enregistre­r quelques morceaux avec Sinclair et d'autres, ça avance…

Que pensez-vous du succès des nouveaux rappeurs pour ados comme JUL, Gradur, PNL, etc. ?

Ça n'a pas grand-chose à voir avec du rap. Quand on a démarré NTM à la fin des 80's, il n'y avait pas de gens dont la spécialité était de faire de la musique pour les pré-pubères. Le rap, c'était de la musique, un point c'est tout. Même Earth, Wind & Fire, ils faisaient de la musique pour tout le monde. Alors qu'aujourd'hui, le propre du jeune rappeur, c'est surtout de s'engouffrer dans la tendance.

C’est-à-dire ?

Bah, on a l'impression que l'originalit­é, ils s'en battent un peu les couilles, les mecs ! Je crois que ça représente bien cette génération qui est dans la largeur, pas dans la profondeur. On voit bien que pour montrer des images sur les réseaux sociaux, on est obligé de faire des petites pastilles. Si tu fais un truc de plus de dix minutes, ça ne les intéresse pas. Eh bien, maintenant, la musique se consomme de la même manière. On cherche une ambiance, pas du tout ce que nous on y trouvait…

Et à l’époque, vous y trouviez quoi ?

La grosse différence déjà, c'est qu'on n'a pas grandi en écoutant du rap mais des choses un peu plus élaborées, avec des musiciens, quoi... Eux ne font pas la différence entre l'organique et la machine, ça change tout. Et puis nous, on réagissait à quelque chose. On pouvait même définir notre musique par rapport à de la variété qui, avec le recul, n'était pas si mauvaise. Moi, à part PNL que je trouve plus élaboré que la moyenne, je n'ai pas l'impression que des gens comme JUL aiment la musique…

Pourquoi ?

Parce qu'un mec qui fait six albums dans l'année (JUL, ndlr), c'est juste fait pour consommer. Aujourd'hui, même un rappeur comme Booba ne se prend plus la tête. Dès qu'il y a une formule, on y va et on engrange ! Quand j'entends Maître Gims dire qu'il arrête de faire du rap pour faire de la merde, je préfèrerai­s qu'il arrête tout, tout de suite…

 ??  ?? L’ex-chanteur de NTM dans la cour à barbecue de la maison de ville qu’il partage à Paris avec son frère Claude.
L’ex-chanteur de NTM dans la cour à barbecue de la maison de ville qu’il partage à Paris avec son frère Claude.
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