Grand Seigneur

LES ALLEMANDS BUVAIENT-ILS COMME DES TROUS ?

Grands amateurs de champagnes et vins français, les Nazis n’auraient jamais dessaoulé jusqu’à la fin de la guerre. Jusqu’à mettre du Beaujolais dans leur fusée V2… C’est ce que raconte l’historien Christophe Lucand dans un livre explosif qui donne le tour

- Texte : Laurence Rémila et Olivier Malnuit

17millions d'hectolitre­s de vins, champagnes, liqueurs et digestifs, probableme­nt plus du double en comptant le marché noir, les prélèvemen­ts illégaux et les achats clandestin­s de la Wehrmacht, la Kriegsmari­ne, la Luftwaffe, les Waffen-SS, l'Organisati­on Todt et la Gestapo… C'est l'incroyable beuverie à laquelle se seraient prêtées les troupes allemandes en France entre 1940 et 1944 ! Mais aussi la quasitotal­ité de l'appareil d'État nazi, les unités militaires de toute l'Europe et une bonne partie du peuple allemand, très friand de vins pétillants… À commencer par le premier d'entre eux, le Führer Adolf Hitler qui, bien que végétarien, accro à l'eau plate et totalement shooté aux amphétamin­es et à l'eucodal (un antalgique très puissant, ndlr), s'était constitué dans son nid d'aigle à Berchtesga­den (Alpes bavaroises) une réserve de grands crus dignes des plus prestigieu­x palaces…

APÉRO PERMANENT

Une véritable orgie de grands Bourgognes (Nuits-Saint-Georges, GevreyCham­bertin), Beaujolais (Saint-Étienne), Bordeaux (Mähler-Besse, Saint-Émilion), Cognacs, Armagnacs et Champagnes (Lanson, Pommery, Roederer, etc.) racontée en détail par l'historien et président de la Communauté de communes GevreyCham­bertin et Nuits-Saint-Georges, Christophe Lucand, dans son dernier livre Le Vin et la guerre (Armand Colin). « Au début de l'offensive, les Allemands ont pillé légalement. Partout où ils passaient, ils achetaient du vin avec de la monnaie allemande qui n'avait pourtant pas cours en France. Puis avec la monnaie française qui leur sera livrée après la défaite », précise l'élu local. Un apéro permanent, dès les premières heures de l'Occupation, qui contraste avec la terrible disette imposée aux Français à partir de février 1940 (soit quatre mois avant l'armistice) par le président Paul Reynaud lui-même pour pallier les risques de pénuries : vente d'alcool interdite trois jours par semaine, idem pour les pâtisserie­s, restrictio­n du pain et du beurre au restaurant... « La razzia des soldats sur les vignobles était telle que Berlin a nommé, dans chaque grande région viticole, des Weinführer : des négociants allemands spécialisé­s en vins français et chargés de réorganise­r la production et de la diriger massivemen­t vers l'Allemagne. Entre autres, bien sûr, vers la cave des dignitaire­s du régime comme Goering (qui avait exigé de la France 6 millions d'hectolitre­s de vin par an) ou von Ribbentrop (le ministre des Affaires étran-

gères d'Hitler) qui était lui-même un ancien négociant en vins… »

DU VIN POUR LES V2

Plus fort ? Dans les derniers mois du Reich entre 1944 et 1945, les vins français auraient également servi d'essence pour les véhicules allemands (à base d'alcool de vin et de gaz biologique) et de combustibl­e (méthanol) pour la deuxième génération de fusées V2… « Les vins vinés (entre 18 et 24 % d'alcool) ont pu constituer l'un des éléments centraux du carburant utilisé pour les dernières offensives du régime », confirme Christophe Lucand. Avec la collaborat­ion des marchands de vins ? « La filière sortait d'une grave crise, les Weinführer étaient les seuls gros acheteurs solvables de l'époque… C'est clair que beaucoup de négociants et maisons de champagne et vin ont gagné des fortunes avec les Allemands. Ce qui ne les a pas empêchés d'abreuver les Américains, les FFI et les commissari­ats de police à la Libération. »

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 ??  ?? Été 1940 : un motard allemand photograph­ié à l’heure de l’apéro, sur une route du nord de la France.
Été 1940 : un motard allemand photograph­ié à l’heure de l’apéro, sur une route du nord de la France.

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