LE BRUNCH EST MORT, VIVE LE BRUNCH ?
Cochonnailles à la pelle et verrines à gogo : en trente ans, le « brunch » à la française est devenu une incroyable orgie populaire. Et dire qu’à ses débuts, c’était le plus snob des petits-déjeuners ! Quel appétit…
Àla fin des années 80, lorsqu'on voulait se donner un peu d'importance à Paris le dimanche, on allait soit « bruncher » aux Halles (Paris 1er), soit prendre le thé dans le Marais (Paris 4e). Cela se passait généralement dans d'immenses restos lofts (Le Bakonyi, Les Enfants Gâtés*...) avec des ventilateurs à palmes et des fauteuils d'occasion. Et une simple tasse de Darjeeling aux fruits rouges avec une part de Brownie (et la chanteuse Sade Adu en fond sonore) suffisait à nous transporter d'extase. Ce qui, avouons-le, pouvait un tantinet friser le grotesque. Pourtant, à l'époque, personne n'imaginait que cette mode de la dînette dominicale importée des USA (où on la pratique nettement plus tardive et alcoolisée) allait s'imposer pendant près de trente ans ! Et surtout se transformer en gigantesque orgie familiale à l'heure de la messe…
CHARCUTERIES D’AVEYRON
Aujourd'hui, près de 500 lieux à Paris (pour seulement une trentaine à Lyon et une poignée à Marseille) proposent des formules de « brunch » le dimanche, dont une part croissante de buffets à volonté. « On a voulu recréer l’ambiance des gigantesques banquets d’hôtels
avec de tout à profusion », raconte ainsi Richard Brun, le patron du Comptoir du Trésor (7 rue du Trésor, Paris 4e) dont le brunch en deux services est littéralement pris d'assaut. Au menu des ripailles maison, une avalanche de charcuteries d'Aveyron, des quiches, des fromages, des salades, des fruits de mer, des verrines et pâtisseries par centaines (voir photo ci-contre), etc. On n'est pas non plus chez Pierre Hermé, mais peu importe… On repart de là repu, lesté comme un cachalot et en quête urgente d'un taxi pour la sieste.
SARDINES AU YUZU
Plus énorme encore : les bacchanales de l'Hôtel Mont-Royal à La Chapelle-en-Serval, près de la forêt de Chantilly dans l'Oise, ouvertes à tous le dimanche (75 euros), qui font un carton avec assez de rillettes de sardines au yuzu, cheeseburgers charolais, oeufs cocottes au foie gras, tartelettes aux framboises et riz au lait, pour nourrir l'ex-Armée rouge en manoeuvre. Et cette fois-ci, le pâtissier (Stéphane Revers) est un as ! À ne pas rater également, si on aime les oeufs en festin, le Renoma Café Gallery (32 avenue George V, Paris 8e) qui régale le quartier des palaces avec ses oeufs à la bénédictine, à la norvégienne, à la florentine, mais aussi un fantastique convoi de salades, tartares, saumon, mousse au chocolat et cakes au citron. Un (gros) dernier pour la route ? L'Affineur affiné (51 rue Notre-Dame-de-Lorette, Paris 9e) pour ses agapes 100 % fromages et ses oeufs brouillés au Gouda truffé…
* Le Bakonyi, du nom du comédien Coco Bakonyi, actuel directeur du Groupe Costes, était situé rue du Cloître Saint-Merri (Paris 4e), Les Enfants Gâtés au 43 rue des Francs-Bourgeois (Paris 4e).