Grand Seigneur

ON A RETROUVÉ LE MEILLEUR BOULANGER DE FRANCE, OU PRESQUE...

Jamais vu à la télé, Frédéric Lalos est pourtant le boulanger préféré des plus grands chefs étoilés. Portrait d'un génie discret de la pâte et du levain qui ne sort pas avec Sophie Marceau. Et dont les pains ont sauvé bien des menus...

- Texte : Margaux Grosman (avec Grand Seigneur) Photo : Julien Liénard

Christophe Vasseur (Du Pain et des Idées, Paris 10e) et son célèbre « Pain des amis » qui croque sous la dent comme un gâteau basque, Jean-Luc Poujauran et son incontourn­able « Gros de campagne » qui régale 280 des belles tables de Paris, Dominique Saibron et sa légendaire « Baguette alésiane » qui a conquis jusqu'à la moitié du Japon… Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'en matière de bons pains et grands boulangers, Paris ne manque pas de talents. La plupart ont séduit les autres capitales (Éric Kayser a ouvert plus d'une douzaine de boutiques à New York) quand ce n'est pas tout un continent. Et, à force de passages télé, nombre d'entre eux sont devenus plus people que les plus VIP de leurs clients. Seul l'un d'entre eux conserve une discrétion absolue qui désespère son attachée de presse : le MOF Boulanger Frédéric Lalos (22 rue des Belles Feuilles, Paris 16e). Ne cherchez pas, vous ne l'avez pas vu sur M6 et il ne sort pas non plus avec Sophie Marceau. Et pourtant, les pains qu'il confection­ne chaque jour sur mesure pour Guy Savoy, Yannick Alléno, Joël Robuchon, Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic, Mathieu Pacaud (Divellec) et bien d'autres, sont l'une des plus belles signatures de tables du moment. Pire, il en deviendrai­t presque un label de qualité. Si les pains viennent de chez Lalos, alors le reste est forcément excellent...

TOURTES AUVERGNATE­S

« Pour le chef Guy Savoy, je prépare de grands pains à rompre et partager, pour Joël Robuchon des baguettes bien cuites coupées en épi, pour Jean-François Rouquette (Park Hyatt Paris-Vendôme) un petit pain aux

céréales en barquette à trancher et une fouasse de l’Aveyron à la fleur d’oranger, et pour Yannick Alléno des petits pains de

25 grammes présentés comme des bijoux », résume sobrement le boulanger en guise d'état de service. À la tête de six boulangeri­es à Paris et Boulogne (Hautsde-Seine), cet artisan taiseux de 46 ans pétrit et façonne à la main près de quinze pâtes différente­s par jour (avec plus de dix pesées pour chaque recette). Chez les Parisiens, il n'est pas rare de traverser une partie de la ville pour se procurer l'une de ses « Tourtes auvergnate­s » (à base de farine de seigle de la région de Margeride, Massif central) et « Miches d'antan » encore chaudes. Ce n'est pas que le pain des autres ne soit pas bon, au contraire, c'est que le sien a quelque chose d'unique et différent, de profondéme­nt gastronomi­que

(la « Miche d'antan » est succulente avec un Magret, la « Tourte auvergnate » fait un malheur avec les fromages et charcuteri­es). Yannick Alléno, l'un de ses plus grands

fans, témoigne : « Ce qui est génial avec Frédéric, c’est sa capacité à sentir la pâte. Pour avoir passé une nuit avec lui dans sa boulangeri­e, je me rappelle l’avoir vu écouter la pâte qui tournait dans le batteur. Et, rien qu’à l’oreille, savoir qu’il était temps de l’arrêter… »

PAIN LONGUET

Guy Savoy, chef trois étoiles à La Monnaie de Paris (élu Meilleur Restaurant

du monde en 2017), confirme : « Pendant des années, j’ai cru que faire son pain au sein du restaurant était une bonne idée. Et puis un jour, j’ai eu un éclair de lucidité : c’est un métier ! Alors, pour accompagne­r

ma soupe d’artichauts à la truffe noire, ma poulette farcie en demi-robe... je me suis

tourné vers un boulanger, un vrai. » Et le chef Jean-François Rouquette (Pur, 5 rue de la Paix, Paris 2e) d'ajouter : « Lalos connaît son métier sur le bout des doigts et il est toujours curieux de ce qu’un cuisinier

peut lui apporter. » Fasciné par le travail de Lionel Poilâne (le créateur de l'illustre miche qui porte son nom*), Frédéric Lalos continue de mélanger lui-même les cinq graines de son pain aux céréales et travaille toutes les fermentati­ons possibles (levain naturel, levain séché, etc.) sans jamais sortir de son fournil. « Je préfère camper au labo plutôt que d’aller fanfaronne­r en soirée.

Ma vie, c’est de faire du beau pain », résume

cet artiste du « Pain longuet » (au levain

de froment et sarrasin séché, ndlr) qui vient également de créer avec Yannick Alléno un pain aux arômes marocains pour le Royal Mansour (Marrakech) et une gamme de pains spéciaux à Taipei et Dubaï, adaptés aux météos locales...

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Le MOF Boulanger Frédéric Lalos au petit matin dans son atelier de Sèvres (Hauts-de-Seine).

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