CECI EST SON CORPS
Il est plutôt de bonne composition, Frédéric Beigbeder. En témoigne cette rencontre calée le 21 novembre dernier, par l’une de ces matinées blêmes et chagrines dans lesquelles Paris aime se draper. Il était neuf heures pétantes, le jeune écrivain de 52 ans descendait tout juste de l’avion en provenance de Bombay, où il venait de prendre part au huitième Tata Littérature Festival (comme la voiture). Après avoir étreint chaleureusement l’équipe, notre vieux compagnon de route, collaborateur de Technikart à une époque où il buvait plus de cuves de vodka que toute
la famille de Boris Elstine réunie, accueillait avec une sérénité pastorale le brief de la séance photo imaginée par Grand Seigneur pour sa nouvelle couverture. A savoir, revêtir pagne et couronne de fanes pour s’allonger, bras en croix, sur un gigantesque lit de carottes. Plus de 50 kilos de tubercules des Landes et de Normandie, livrées la veille par nos amis maraîchers de Carottes de France, et épandus face à l’objectif de l’émérite Pierre Monetta, photographe inspiré des palaces et grandes tables du monde. L’ambition était de traduire à l’image la rédemption par le légume du noceur défroqué (« Passer ma vie aux chiottes du Montana n’est plus ma priorité », lire page 48), désormais retiré avec femmes et enfants dans les vertes collines du Pays Basque, à , où un maraîcher bio (Anthony Detruiseux des Paniers Fraicheurs) lui dispense la bonne parole et les cagettes appropriées, tous les vendredis à 13h précises. Sourire en bandoulière et la carotte à l’air libre, notre hôte fera, comme à son habitude, valoir sa pétulante faconde, égrenant de réjouissantes digressions sur la passion d’Emmanuel Macron pour le Cordon bleu ou les origines mexicaines de la salade César. Le tout sous le regard amusé (et un brin troublé) de la lumineuse Elsa Oesinger, Dita Von Teese du chou à la crème chargée de cornaquer le shooting entre les murs noir charbon du Studio La Couturière (41 rue d’Aboukir, Paris 2è). En résulte une couverture qui fera date et ouvre la tournée promo de Une vie sans fin, nouveau roman de l’ex-chroniqueur mondain, à paraître le 3 Janvier 2018 chez Grasset. Dans le même mouvement, Grand Seigneur, magazine iconoclaste s’il en est dans le PCF (le Paysage Culinaire Français), en profite pour s’offrir un petit rafraîchissement de début d’année. Il accueille ainsi une jolie cohorte de chroniqueurs, parmi lesquels Patrick Besson, éditorialiste et romancier patenté (Tout le pouvoir aux soviets, Stock), Emmanuel Rubin, critique gastronomique redouté, Jonathan Lambert et François-Xavier Demaison, comédiens totalement acquis à la cause gourmande et Frédérick Ernestine Grasser-Hermé, infatigable passionaria du cochon de Mars. Au menu également, de nouvelles rubriques, des reportages aux quatre coins du pays (et du globe), ainsi que des enquêtes bien arrosées sur les rappeurs vegan, les pros du resto basket, les pâtissiers chippendale ou la nouvelle cuisine de routiers au Maroc. En plaçant, comme d’habitude, le plaisir au centre de la tablée. Vive la France, vive la République, vive le jus de carottes !
THOMAS LE GOURRIEREC