Grand Seigneur

JUNK FOOD (ET PLUS SI AFFINITÉS)

Bun's de boulanger distingué et déco branchée des 80's... Pour l'auteur de Tout le pouvoir aux soviets (Stock), la Junk Food est le meilleur moyen de s'amuser à grossir. Premier arrêt au Tough Burger de Montreuil (93).

-

Sortir

du métro à la station Robespierr­e (ligne 9). Marcher en direction de la porte de Montreuil. La troisième rue à gauche est la rue

Émile Zola : l’enfiler, comme aurait écrit Balzac, son prédécesse­ur dans la rédaction de sagas françaises. Après avoir dépassé, à l’angle de la rue du Progrès, un centre d’accueil pour migrants composé de containers peints de jolies couleurs, vous tomberez sur la rue de Valmy où se trouve, au numéro 7, le Tough Burger (01 49 88 07 77 ou www.toughburge­r.fr). Dit le Tough Burger East Side. En opposition au Tough Burger West Side de Boulogne-Billancour­t. Bertrand Amar et Thierry Moreau, deux journalist­es de la génération tombée dans le MacDo quand ils étaient petits, ont créé cette enseigne ayant toute sa place dans la chronique que je commence aujourd’hui, exclusivem­ent consacrée à la junk-food, la nourriture pour s’amuser à grossir.

Montreuil en novembre : dans le ciel si bleu qu’il en devient rose, aucun nuage parisien. Les rues s’appellent Éluard, Diderot, Arago. Pas de rue Aragon dans la capitale communiste de l’ex-banlieue rouge. Pourquoi ? Les immeubles neufs ont un côté Nouveau Belgrade, ville moderne construite au bord du Danube dans les années 50. Il y a des arbres qui ont l’air d’avoir été oubliés. Trois fois le mot avoir dans une seule phrase : c’est le signe d’une grande émotion à l’aube de ma nouvelle carrière de critique gastronomi­que. Rue de Valmy, les employés de bureau sont gris et les ouvriers du bâtiment noirs. Le Tough Burger est une longue salle blanche avec un beau parquet marron clair.

On se croirait dans un resto branché des Halles en 1980. Seuls les repas à emporter sont commandés au guichet à une jolie Asiatique. Si on veut manger dans la salle, il faut commencer par s’y asseoir. On vous apporte tout de suite le menu et cinq minutes plus tard, on vient prendre la commande. On sent qu’Amar et Moreau ont trop attendu au resto alors qu’ils étaient en bouclage. Grégory Protche et moi, on a fait simple : deux formules burger à 16 euros. Dans la formule Kids (10 euros), il y avait, outre une glace à la vanille et des crayons de couleur, un petit burger. Ça m’a tenté, mais on n’avait aucun kid avec nous, ni Odima (13 ans) dont Grégory est le beau-père, ni Yannis (4 ans) dont je suis le beau-père aussi. Les burgers sont souvent trop gros, du coup il faut une fourchette et un couteau pour les manger, on se retrouve à avaler un steak haché avec deux morceaux de pain qui encombrent l’assiette. Le burger, comme le kebab où il y a bien souvent trop de viande, doit se manger dans la main à l’instar du sandwich. Dans la formule à 16 euros, on a le choix entre tous les burgers du Tough : Not So Tough (que nous avons pris Grégory et moi, pensant avec raison qu’il ne serait pas trop gros), Tough, Very Tough, Soprano, Pastrami, Frenchy, Bueno, Chicken, 92100 (servi uniquement à Boulogne) et 93100 (servi uniquement à Montreuil). Ne peut-on varier à l’infini les proportion­s de viande, d’oignon, de fromage et de salade dans un burger ? Pour les végétarien­s, trois burgers sans viande : Fish, Mozza, Vegan, eux aussi inclus dans la formule à 16 euros.

Entourés de couples mère-fille et de cadres solitaires en costume bleu marine, de lycéennes sur iPad et de célibatair­es endurcies, de graphistes à lunettes et de secrétaire­s brunes, d’amoureux minces et de retraités honteux, nous avons savouré la viande de chez Metzger cuite en finesse et les buns du MOF Thierry Meunier. Grégory a décidé d’emmener son beau-fils footballeu­r – le mien l’est aussi, mais seulement au bac à sable du square Burq ou dans le couloir de l’appartemen­t de la rue Tourlaque (Paris 18e) – au Tough quand ils auraient quelque chose à fêter. Son entrée en D5 ? « C’est un endroit où un ado de banlieue peut inviter sa petite

amie, a-t-il ajouté. Elle trouvera ça classe. » Les filles n’entrent pas dans les kebabs, même quand elles sont très amoureuses, sauf si elles sont très amoureuses du propriétai­re. Le café était bon et on n’a pas été malade après. Je crois même n’avoir pas roté une seule fois pendant notre trajet à pied entre la rue de Valmy et la rue du Général Gallieni, récemment rebaptisée rue du Capitaine Dreyfus, où se trouve la terrasse arty de La Folle Blanche où le soleil s’est installé pour longtemps.

 ??  ?? Patrick Besson
Ecrivain, chroniqueu­r et poète du burger
Patrick Besson Ecrivain, chroniqueu­r et poète du burger

Newspapers in French

Newspapers from France