12 — PAPILLON, LES AILES DU DÉSIR
Avant Papillon, il a d'abord écumé les palaces. Le Crillon, aux côtés de Jean-François Piège, mais aussi le Plaza Athénée et le Meurice, en grand ordonnateur des dramaturgies ducassiennes. Quadra discret à houpette tintinesque, Christophe Saintagne s'est aujourd'hui éloigné de ses imposants mentors et des fastes de la haute gastronomie. Il trace sa propre voie « en s'ancrant dans la terre, en faisant parler les produits et les hommes qui les cultivent ». Le chef d'origine normande a voulu un « endroit plus simple » et parvient à réunir des sentiments supposés irréconciliables, le réconfort et le sophistiqué, la convivialité et l'expérimental. Le tout dans un décor à la modernité tout aussi ambiguë : banquettes en cuir, suspensions épurées, couverts acérés, logo effilé. Haute goûture pour prêt-à-manger, donc : le bouillon de cèpe au lard paysan et à la tomme de Savoie, tendrement hivernal, côtoie le cochon fermier « en promenade à Utah Beach », iodé aux coques et aux algues, les Saint-Jacques à cru au café répondent à la volaille rôtie avec son croustillant de cacahuètes. « Régaler sans avoir besoin d'épater », l'un des maîtres-mots de ce chef modeste, se traduit par un service qui ne s'embarrasse pas d'explications de texte (« parce que tout le monde s'en fout que l'oeuf soit cuit à 64° ou à 75°… ») et une capacité à sublimer n'importe quel produit, même le moins évident. Témoin numéro 1 ? Ce céleri caramélisé complètement dingue, tout juste sucré et surboosté aux agrumes, olives et câpres, sur une crème de raifort douce comme une caresse maternelle, pour laquelle on rompt la baguette tradition (servie non coupée, convivialité) afin de ratrucher son assiette. Témoin numéro 2 ? Ce panais confit à l'improbable fondant, lui aussi twisté aux herbes et aux agrumes, qui ne se contente pas de jouer les seconds rôles autour d'un lieu jaune de ligne, accompagné d'un anjou sec du domaine Bois-Brinçon, vif et minéral. Une gastronomie pour tous qui remplit la mission que Christophe Saintagne s'est fixée : « faire que l'on se sente bien en sortant, et même le reste de la semaine. » T.B.
La table idéale : La numéro 7, collée à la fenêtre, pour embrasser d'un seul regard son vis-à-vis, le ballet du service et le calme relatif de Wagram…