Grand Seigneur

“POUR LES GOURMANDS, Y’A TOUJOURS UNE TÂCHE QUI VIENT GÂCHER LA JOURNÉE… ” (2)

La Barbe à Papa du Couscous, les crises de foie gras et l'importance d'avoir un chien dans le show-bizz… Pour Patrick Timsit, en plein succès au Théatre de l'Atelier avec Le livre de ma mère, le problème des bons déjeuners qui s'éternisent, c'est qu'on a

- Entretien : Olivier Malnuit (avec Tristan Tottet) Photos : Eddy Brière / Shiver Post-prod

Patrick Timsit, vous faites un carton au Théatre de l’Atelier (Paris 18e) avec une adaptation du Livre de ma

mère d’Albert Cohen.

Ça s’arrose ! Qu’est ce que vous prenez ?

P.T.:

Un Rivesaltes Tuilé du Domaine des Chesnes !* J'adore ce genre de Grenache noir vieilli sous les toits pendant des années, ça me rappelle les vinaigres balsamique­s de Modène macérés en barriques qu'on déguste avec une glace à la vanille. J'en ai toute une collection à la maison, ça me fascine.

Avec un succès pareil, vous allez partir en tournée, faire des festivals ?

P.T.:

Rien n'est encore décidé, mais j'adorerais jouer Le livre de ma mère avec une cantatrice, une chorale, un illusionni­ste… Et faire une toute petite tournée de 20 dates avec un groupe de jazz manouche, puis finir en beauté pour une dernière représenta­tion chez Michou.

Vous avez la réputation d’être un gros mangeur et buveur quand vous êtes sur les routes…

P.T.:

C'est René Cleitman, le producteur de Quasimodo del Paris (1999) qui était affolé de voir tout ce que je pouvais boire et manger à table. C'est vrai que je suis un peu excessif, quand je suis parti pour boire un verre et manger un morceau, j'ai du mal à ne pas faire le grand chelem. Un jour où j'étais en tournée à Tours (Indre-etLoire), j'avais tellement mangé de foie gras que j'en avais fait une crise de foie. Je ne pouvais plus rien avaler, quand Jean Bardet, l'un des chefs préférés de Depardieu à Joué-les-Tours, m'a préparé des blancs de volailles. Je suis passé à table à midi, j'en suis sorti à 4 heures du matin. Après toute une journée sur place, interrompu par une petite sieste, on avait recommencé quelques dégustatio­ns. Résultat : le chef a raté son service. Pour nous faire pardonner, j'ai fait le tour de salles avec lui. Et quand j'allais enfin partir, il me dit : tu ne veux pas rester ? Y'a Eddy Mitchell qui arrive… On s'est remis à table et on a chanté La dernière séance jusqu'à l'aube.

Vous avez plutôt la forme avec des noces pareilles…

P.T.:

Je vous rassure, c'était il y a longtemps. Aujourd'hui, je fais en sorte d'être en bon état pour jouer, je dissocie les temps du vin parce qu'on a plaisir à être ensemble et les autres. Mais à l'époque, qu'est ce qu'on a bu, on a tellement bu, si vous saviez… Le plus drôle, c'est que ça ne me manque pas pour jouer, il y a une vraie compensati­on dans l'ivresse du jeu, dans le succès aussi, ça enivre.

Dans le précédent Grand Seigneur (relire Patrick Timsit : « Je suis un intermitte­nt de la picole »), vous racontiez avoir grandi dans les odeurs du couscous algérien de votre grand-mère. Quelles différence­s avec les couscous marocains et tunisiens ?

P.T.:

Le couscous tunisien est le plus festif avec la kemia, une série d'amuse-bouches à base de courges grillés, fèves au cumin, etc, le marocain plus gastronomi­que avec de l'épaule d'agneau et l'algérien plus simple, avec des petits pois, des raisins secs, et surtout une semoule exceptionn­elle. Celle de ma grand-mère fondait dans la bouche comme de la ouate, c'était la Barbe à papa du couscous, j'adorais ça. Mes parents disaient que c'était un couscous de pauvre parce qu'il y avait surtout du riz et des boulettes, mais le secret était dans la semoule, d'une légèreté absolue.

Pourquoi avoir arrêté l’immobilier à la fin des années 80 ?

P.T.:

Pour faire de la scène et plaire aux filles, pardi (rires) ! Mais aussi parce que je ne supportais plus la ségrégatio­n sociale et le racisme

du marché locatif. J'en étais même presque venu aux mains avec un gardien d'immeuble qui refusait la visite d'un appartemen­t à l'une de mes clientes.

Les garanties à fournir étaient tellement hypocrites, que je m'amusais à pourrir les autres agences au téléphone en prenant l'accent africain. Et puis, quelques minutes plus tard, je les rappelais avec ma voix naturelle et en me faisant passer pour un inspecteur de la Caisse de Garantie ou de la Socaf (Société de Caution Mutuelle des profession­s Immobilièr­es et Foncières).

Ça servait à quoi ? P.T.:

Comme, la plupart du temps, on me répondait que c'était loué la première fois et qu'on me proposait un 3 pièces la seconde, je les prenais en flag' de discrimina­tion (jusqu'à 3 ans de prison, article 225-1 du Code Pénal), ce qui les obligeait le reste de la semaine à dire que c'était loué. Pendant ce temps-là, je faisais avancer les dossiers de mes clients...

Vous les aidiez à bidonner leurs candidatur­es, leurs feuilles de paie, etc ? P.T.:

Bien sur, c'était la base ! Celui qui ne trichait pas un petit peu n'avait aucune chance. Ça s'est empiré depuis…

Comment avez vous démarré dans le spectacle ?

P.T.:

En promenant mon chien, véridique ! C'est en promenant mon chien au bois de Boulogne que j'ai rencontré le comédien Jean-Michel Noirey (bientôt à l'affiche de Guy d'Alex Lutz) qui m'a proposé de venir à son atelier de théatre (l'Eden Théatre). Comme quoi, il faut avoir un chien à promener dans le show-bizz, c'est important. Et mince (il vient de se tâcher) ! Pour les gourmands, y'a toujours une tâche qui vient gâcher la journée…

Vous vous souvenez de votre premier déjeuner dans un étoilé?

P.T.:

Oui, je venais de toucher un cachet de trois mois au Café de la Gare (Paris 3è, je suis allé déjeuner à l'Auberge du Pont de Collonges (Collonges-au-Mont-d'Or, près de Lyon), chez Bocuse. Et le pire, c'est que j'étais hyper déçu…

Comment ça ? P.T.:

Je voulais un truc chichiteux, j'avais des envies un peu snob, et j'ai eu de la poule au pot et du pâté en croûte ! Je n'avais encore rien compris à la magie de Bocuse : le mariage de la cuisine familiale et de la gastronomi­e. Aujourd'hui, je trouve ça génial, j'adore la Canette des Dombes rôtie à la broche,de Christophe Muller (le chef exécutif de l'Auberge de Collonges), la Volaille de Bresse en vessie, etc.

C’est vrai que vous comptez vos morts entre humoristes ?

P.T.:

Comment vous le savez ? Oui, on en parle entre nous, c'est même une grande fierté, comme une décoration. La première médaille que j'ai eue, c'était pour L'Emmerdeur avec Richard Berry au Théatre de la Porte Saint-Martin (Paris 10è), quand on m'a annoncé qu'un spectateur avait cassé une chaise sur la tête de l'autre parce qu'il riait trop fort. J'ai également eu un arrêt cardiaque, deux épilepsies, les pompiers, le Samu, bref la totale.

Le livre de ma mère avec Patrick Timsit, mise en scène de Dominique Pitoiset, du mardi au samedi à 19h au Théatre de l’Atelier 5, Paris 18e).

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 ??  ?? (2) Retrouvez la suite de nos déjeuners épiques avec Patrick Timsit dans le prochain numéro de Grand
Seigneur, le 23 mai en kiosques. * Merci à Serge Conquet et au restaurant Maxan,
3 rue Quentin Bauchart, Paris 8e. Tel : 01 40 70 04 78.
(2) Retrouvez la suite de nos déjeuners épiques avec Patrick Timsit dans le prochain numéro de Grand Seigneur, le 23 mai en kiosques. * Merci à Serge Conquet et au restaurant Maxan, 3 rue Quentin Bauchart, Paris 8e. Tel : 01 40 70 04 78.

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