DEMAIN, J’ARRÊTE D’ÊTRE VÉGAN
Tout partait pourtant d’excellentes intentions. Le refus de considérer les animaux comme de la viande sur pattes, le rejet de pratiques d’élevage désolantes, l’indignation face aux vidéos relatant la douloureuse expérience des séances d’abattage. Éthique et hygiénisme en bandoulière, les végans affichaient courageusement leurs positions, serraient les poings lorsqu’affleuraient les railleries. « Et le cri de la carotte, tu y as pensé au cri de la carotte ? » Puis vint l’ère du rétropédalage.
Celui du petit copain contraint à l’ascétisme par sa bien-aimée, de la bonne vivante crispée devant ses galettes de quinoa, de l’amateur de fromage croquant dans un camembert fabriqué à base de noix de cajou fermentée (si, si, ça existe, c’est même vendu 17 euros). Les défenseurs de la noble cause avaient pourtant déployé des trésors d’ingéniosité pour permettre à leurs ouailles de rester dans le match. Ils allèrent jusqu’à imaginer un steak végétal « saignant » au jus de betterave, ou encore ouvrir la Boucherie Végétarienne (15, rue d’Aligre, Paris 12e), aux ersatz confondants de réalisme. Las, la caste des végans défroqués émergea dans le sillage de celle des contrariés. L’animatrice télé Frédérique Courtadon (émission Ça chauffe en cuisine sur My Cuisine), sociétaire du mystérieux Comité français des Filles à Côtelettes, gigots, tendrons, boulettes, etc., aussi connu sous le nom des Filles à Côtelettes (pages 78 à 109) en fait partie. « J’ai été brièvement végan, pendant un an et demi, un peu par idéologie passagère, confirme-t-elle. Désormais, je mange de la viande en quantité raisonnable, mais je suis contre la radicalité. Je crois qu’il faut laisser chacun s’exprimer et vivre. Le travail est plutôt à faire au niveau des consommateurs, qui ne se posent peut-être pas assez de questions, ou du moins pas les bonnes questions. » Bien dit, Fred. Une majorité de la population s’accorde désormais à penser qu’il faut manger moins de viande,
pour privilégier la qualité. En clair, opter pour la production d’éleveurs consciencieux, qui fourmillent aux quatre coins du pays, et laisser tomber les sachets de steaks discount importés. C’est par ces résolutions que passera le salut des Français, qui affirment, à plus de 97 %, vouloir continuer à consommer du carné. Pas une raison, cependant, pour prendre la famille végane de haut. Comme dirait l’un de mes
amis buveur de lait de soja, « les gens qui se foutent de nous, si j’avais pas des carences en magnésium, potassium et calcium, je leur aurais déjà cassé la gueule ».