3 — L'ETABLE SAINT GERMAIN, LA SOIF DU BOUCHER
Mais comment fait-il, le chef Cyril Aveline, pour hisser d’énormes morceaux de barbaque dans l’imposant bocal vitré qui surplombe la salle de l’Étable Saint-Germain ? Il faut avoir la foi du charbonnier
(et des épaules de docker) pour se colleter à cette altitude avec des trains de côtes avoisinant parfois les 80 kilos… Dans leur aquarium, les découpes de Simmental, Aubrac ou Limousine, piochées chez de petits éleveurs triés sur le volet, s’affinent comme des fromages, selon un procédé inédit. S’agit-il de maturation, dont la seule évocation suffit à faire chanceler les amateurs de délices carnés façon Lady Chatterley sur la litière des sous-bois ? Pas vraiment. Notre homme opère le vieillissement de ses viandes en contrôlant l'atmosphère de l'écrin à la manière d'une cave à cigare, ajustant soigneusement l’hygrométrie (le taux d'humidité) pour dessécher délicatement la chair et lui conférer de sensationnelles notes musquées. Le client peut ensuite choisir le goût, en fonction du grain : doux, rond ou corsé. Les coeurs de rumsteck, faux-filets, entrecôtes ou côtes de boeuf déboulent sur table détaillés, tannés juste ce qu’il faut, luisants, presque crépitants. Dans leur sillage, la sauce béarnaise la plus incroyable du monde, travaillée au gras de boeuf et montée au siphon. Et pour le choix des armes, une boîte à couteaux dans laquelle les lames de Thiers frayent avec manches en noyer, orme ou olivier. Au moment de faire glisser ces réjouissances, nul besoin d’effeuiller la carte des flacons. Suffit de se ruer yeux fermés sur le nectar phare de la maison, un IGP Terre Siciliane Rosso ardent comme la lave et perlant agréablement sur la langue, élevé sur les pentes de l’Etna par un génie iconoclaste nommé Frank Cornelissen. Tout cela au sein d’un loft pastoral qui mêle, sous les arcades du Marché Saint-Germain, larges verrières, lustres à globes et coussins confectionnés avec les peaux de bêtes arrivant entières au restaurant, pour être découpées en cuisine. Dément !