VIRGINIE, BENOÎT, LA VODKA ET MOI…
Pensées de comptoir et brèves d’apéro… Pour Olivier Malnuit, le créateur de Grand Seigneur, le magazine du plaisir à table, rien ne vaut une belle interview manquée (et oubliée) avec une star de ciné qu’on adore. Ça s’arrose !
Depuis le célèbre entretien loupé de Catherine Deneuve
par Emmanuel Carrère (« Comment j’ai raté mon interview de Catherine Deneuve », POL), il existe deux méthodes éprouvées pour foirer un tête-àtête avec une actrice. La première, qui consiste à se laisser submerger par l’émotion naturelle devant une star de cinéma, repose sur l’art délicat de la question-affirmation si longue et alambiquée que plus personne ne comprend rien, à commencer par son auteur.
La seconde, qui fait la part belle à cette incroyable grandeur qu’on décèle parfois dans la lâcheté humaine, demande de ne surtout jamais rien publier avant deux ans, en prétextant une catastrophe naturelle ou le subit décès d’un proche parent. Et bien, croyez-le ou pas, mais j’ai fait les deux.
POÉSIE D’ALCOOL
C’était à l’été 2016, vers la fin des vacances, dans une jolie maison en meulière de Nogent-sur-Marne. J’avais rendez-vous avec l’étonnante Virginie Efira, née le 5 Mai 1977 à Schaerbeek (Bruxelles), pour la promotion de Victoria, le film de Justine Triet dont, à ma grande honte, je n’avais vu que quelques rares extraits sur Internet.
Mais peu importe, la MILF enivrante de 20 ans d’écart de David Moreau (avec Pierre Niney), la Marie pompette de Et ta soeur de Marion Vernoux (avec Grégoire Ludig, lire page 12), était d’abord pour moi la convive idéale de Grand Seigneur, le magazine du plaisir à table. Il y avait dans sa belgitude et sa légendaire bonhommie d’apéro une soif toute particulière, une poésie d’alcool (même consommée avec modération) que je n’avais vu qu’une ou deux fois auparavant. Principalement chez la journaliste Laure Michel, lorsqu’elle lança à la cantonade un soir de tournage de l’émission son célèbre et inimitable « Qu’est-ce que
». À l’époque, j’avais craqué (mais ne nous écartons pas du
sujet). Bref.
Les agités du bocal, vous prenez ?
BOMBASSE IMPARFAITE
À la fraîche dans son jardin-piscine des bords de guinguette et l’happy-hour avançant, Virginie Efira, qui ne jouait pas encore les religieuses lesbiennes dans le prochain Verhoeven (Benedetta, actuellement en tournage), sirotait son café froid en nous livrant quelques réflexions digestives, au fur et à mesure que mes questions sombraient dans la confusion la plus dévote. « Qu’une émotion nous transperce, c’est quand même quelque chose, je ne dis pas que ça doit passer par la rareté mais par l’échange, par l’acceptation de la vulnérabilité », développait ainsi l’ex-vedette du petit écran (Nouvelle Star, Canal Presque, etc.) en nous resservant
une bière ou douze. « À un moment donné, il est urgent de se foutre de certaines choses pour se donner un tout petit peu moins d’importance »,
ajoutait celle que nous avions surnommée « la bombasse imparfaite ». Tant tout nous faisait craquer chez elle, à commencer par ses défauts. « Si tu joues en train de boire de la vodka, et qu’en fait tu bois de l’eau plate, c’est comme si tu disais : attention, on joue », résumait la comédienne de
La première séance, le nouveau film de Justine Triet (bientôt à l’affiche).
DEPARDIEU ET LA VIANDE
Avant d’ajouter : « Ils ont toujours peur que je vacille sur les tournages parce que je suis une fille. Sauf que je suis belge et donc que j’ai un passif, je suis extrêmement costaud de ce côté-là. » Bouche bée mais gosier en pente douce, je buvais ses paroles jusqu’au bout de la nuit (« Quand j’ai démarré,
je ressemblais à une Texane », « La bouffe au cinéma, c’est comme les scènes
de cul », « Comme Depardieu picolait moins, il était obsédé par la viande », etc.) en me demandant si cette grande fan de Maurice Ronet (Plein Soleil,
La Piscine), sur qui elle a lu tous les livres et tous les articles, n’était pas la fille naturelle de Jeanne Moreau et Benoît Poelvoorde.
Celui dont elle nous confiait que « les fulgurances et la mélancolie rendait si merveilleux et compliqué la vie avec lui ». Pardon Virginie, pour cette interview ratée. Et vivement l’apéro qu’on recommence !