LES JAPONAIS FONT-ILS BIEN LES CHOCOLATS ?
Après la gastronomie et la pâtisserie, le chocolat ? Emmenés par le virtuose Susumu Koyama, véritable poète de la fève aux créations hallucinées, les samouraïs du cacao entendent bien damer le pion aux Suisses, aux Belges... et aux Français !
L'idée de parfumer un chocolat avec cet ingrédient lui est venue en visitant une ferme de fruits rouges bourguignonne, du côté de Nuits-Saint-Georges. « La propriétaire nous a dit d’écraser un bourgeon de cassis entre les doigts et de sentir. C’était frais, vert, légèrement épicé... Une véritable révélation pour moi, j’ai tout de suite su ce que j’allais en faire ». Ainsi Susumu Koyama a-t-il utilisé le fameux bourgeon pour le mêler au cacao sous une croute ciselée au micromètre. Cette petite merveille fruitée prend place au sein de la collection 2018, haute couture, saisonnière et thématisée (l’éphémère, cette année, en référence aux parfums qui s’évanouissent). À ses côtés, une mouture à la fleur de chrysanthème de Taïwan, récoltée au troisième jour de pousse lorsqu’elle exprime son plein potentiel aromatique, une autre au piment mexicain oaxaca, ainsi qu’un praliné au shiso rouge, lointain cousin du basilic. De quoi ouvrir sur des perspectives insoupçonnées à la dégustation et comprendre pourquoi l’orfèvre nippon s’est vu sacrer, à plusieurs reprises, meilleur chocolatier étranger par le très sérieux Club des Croqueurs de Chocolat. Une juste consécration pour ce véritable artiste, dont les crissantes et vivaces compositions font, selon la légende, germer instamment des images dans la tête de celui qui les croque.
CHOCOLOGY
Véritable star au Pays du Soleil Levant, Koyama offrait au public parisien, lors du dernier Salon du Chocolat, de découvrir ses créations. Avec un strict protocole de dégustation, établi selon les bases de la « chocology », qu’il a lui-même posées. Il s’agit observer l’oeuvre, tout d’abord, puis goûter en deux temps, pour bien saisir la profondeur du message.
Tout cela en demeurant assis, sur fond de musique classique ou pop-rock. « Il va jusqu’au bout du bout », analyse François Jeantet, cofondateur du Salon du Chocolat. « Dans le sillage des Belges, des Suisses et des Français, les Japonais se sont mis au cacao et je peux vous assurer qu’ils vont chambouler le paysage... C’est un peu comme un arc-en-ciel en fait, eux ont les couleurs complémentaires aux nôtres. Il leur faudra un peu de temps pour conquérir notre pays mais ils y parviendront. Je me souviens du premier restaurant nippon qui s’est installé à Paris, côté Pyramides, voilà plus de cinquante ans. Personne n’y croyait vraiment, et maintenant... ». Pour réussir cette entreprise de conquête, les samouraïs de la fève, au-delà de leur extrême technicité et de l’attention toute particulière portée au produit, entendent mettre à profit leur sensibilité à l’être humain et à la nature. Avec un nombre croissant de prétendants se bousculant au portillon. De quoi presque foutre les jetons à Pierre Hermé !