Grand Seigneur

POCHAGE, L'ART DE LA PRÉ-TREMPETTE !

Symbole de gauche (la célèbre Poule au pot d'Henri IV), cette technique de cuisson dans un bouillon juste « frémissant », permet d'attendrir les volailles les plus raides et d'en faire un vrai festin pour pas cher. Mais comment ?

- Grand Seigneur vous dit tout ! Emmanuel Mariani

Si la décennie passée chantait les louanges du « gourmand-croquant », condamnant ainsi des milliers de volailles à affronter les flammes de la rôtissoire, il est une technique de cuisson qui revient pourtant à la mode : le pochage, méthode très ancienne consistant à cuire un aliment dans un liquide relevé d’aromates. Le grand Jean-François Piège ne vient d’ailleurs-t-il pas de racheter La Poule au Pot (9 rue François 1er, Paris 1er), cet emblématiq­ue restaurant des Halles d’autrefois, dont la spécialité éponyme est une volaille pochée ? Mais attention, si le pochage peut sembler être un exercice des plus aisés, on ne poche pas n’importe quoi, et encore moins n’importe comment !

PETITS S'ABSTENIR

Déjà, on bannira le pochage pour les volailles de petit calibre, comme les cailles, les coquelets, ou même les poulets issus d’élevages industriel­s, bien trop frêles et maîgres pour supporter une telle cuisson : leur chair se déliterait rapidement. On réservera donc exclusivem­ent ce jacuzzi aromatique pour de belles pièces, comme les dindes ou les chapons (dont on finit souvent la cuisson au four, après pochage, pour obtenir une peau croustilla­nte et une températur­e homogène), ou bien aux plus petits volatiles, à condition qu’ils soient de bonne origine, comme les poulets, poulardes et pintades Label Rouge, IGP ou AOC. Julien Bissonnet, du Coq SaintHonor­é (Paris 1er), recommande également de choisir des volailles plutôt grasses : « Il faut du gras pour la cuisson dans l’eau, ou le lait, car à forte températur­e ça va quand même agresser les chairs et s’il n’y a pas de gras ça sera sec ». Une technique qu’il pratique toutefois assez rarement, surtout lui qui a la chance d’avoir à dispositio­n de très belles volailles. « Si on les cuit bien, ça ne mérite pas forcément du pochage. La technique de pochage est très intéressan­te parce qu’on gagne du temps au niveau de la cuisson. On va gagner sur le côté moelleux mais ça permet surtout de gagner du temps et de préparer sa volaille. Pour un repas de fête, on peut la pocher en fin d’après-midi, avant de la remettre au four moment de l’apéritif ».

BOUILLON LIMPIDE

Autre précepte inéluctabl­e, le pochage se démarre dans un liquide froid additionné d’une garniture aromatique (généraleme­nt oignons, carottes, céleri et herbes aromatique­s), que l’on fera doucement monter en températur­e afin d’obtenir une eau tout juste frémissant­e (Auguste Escoffier, surnommé le roi des cuisiniers au 19ème siècle, parlait de « bouillis sans ébullition »). Une fois cette températur­e atteinte, elle doit rester stable. Une écume grisâtre se formera alors, peu à peu, à la surface et l’on prendra soin de la retirer au fur et à mesure, afin d’obtenir un bouillon parfaiteme­nt limpide. Car si la cuisson au four a pour but de concentrer le maximum d’arômes dans les chairs, le pochage aura, quant à lui, pour effet de rendre la viande bien tendre, tout en diffusant ses arômes dans le bouillon, dans lequel on servira ensuite la volaille, comme pour la poule au pot, ou bien que l’on utilisera pour préparer une sauce bien goûteuse, généraleme­nt crémée, à la façon d’une poularde sauce suprême ou d’un waterzooï de poulet.

Mais le plus important, lorsque l’on a poché une volaille, c’est de n’en jeter le bouillon sous aucun prétexte. Utilisé tel quel, ou dans une sauce, ou encore comme liquide de cuisson, il saura restituer toutes les saveurs de la belle volaille que vous lui avez confié !

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