Grand Seigneur

UN JOUR, J’IRAI À BORDEAUX AVEC TOI !

Quilles de poètes, flacons d'auteurs et nectars de troubadour­s... A seulement deux heures de Paris, le vignoble Bordelais est en plein big-bang d'apéros. Une révolution de terroir, loin des grands crus et des sentiers battus, qui pourrait faire de la régi

- Thomas Legourrier­ec, Julio Rémila et Olivier Malnuit / Florian Thévenard /

Bordeaux, ses grands crus, ses châteaux, ses bateaux, ses cannelés, ses entrecôtes (à la moelle) et sa fanchonnet­te (un bonbon local aux amandes). Mais surtout ses vins qui nous bousculent l’âme jusqu’au coeur du terroir bordelais ! Des flacons - hors des sentiers battus, des quilles de poètes, des nectars bénis des Dieux de la vigne et apéro. Si loin des clichés sur la région, si près de ce que nous attendions. A seulement deux heures de Paris, 4 heures de Lille, 5 heures de Strasbourg, le nouvel Hollywood des vins de copains nous tendait les bras. Et nous n’en savions rien...

PRÉLUDES DE BACH

C’est l’incroyable découverte qu’ont réalisé pour ce numéro exceptionn­el « Vins de Bordeaux » les équipes de Grand Seigneur, le magazine du plaisir à table - avec le chef Christian Etchebest (La Cantine du Troquet) – lors d’un wine-trip de missionnai­res sur les terres joyeuses des artistes du raisin. Des vignerons sans caste, sans fortune, parfois même sans tracteur. Sans autre préjugé que l’amour de leurs parcelles enherbées qu’ils écoutent chanter au fil des saisons et des soins (réguliers) qu’ils leur apportent. A commencer par l’excellente Cécile Verdier qui, avec son mari Thierry, produit à Camblanes - au coeur du vignoble Bordelais - l’une des meilleures cuvées en Cadillac Côtes de Bordeaux qu’il ne nous ait jamais été donnés de goûter : le Château Brethous (50% Merlot, 50% Cabernet Sauvignon). Une mini symphonie à boire, tout en fruits et préludes de Bach (on croirait du Maurane !), goûté et approuvé avec l’aide du groupe Pendentif (lire page 54). Mais aussi les incontourn­ables Malika et Pascal Boueix, une ancienne psy (diplômée en dégustatio­n) et un architecte qui font au Château Lescaneaut (à Saint-Magne de Castillon) une sorte de diamant brut, un rubis de la soif et de l’amitié : la cuvée Naturum (Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, Merlot) en appellatio­n Castillon Côtes de Bordeaux. Un jus d’une telle exubérance, si tonique et fougueux sur la cerise noire, qu’il nous a transporté­s dans le temps avec le chef Clément Duport (Coeur de Canard avec Les Mains) et même réconcilié­s avec les accords fraises et tomates, la spécialité du chef (lire page 55).

POTIONS DE ROSES

Que dire des autres, les Picabia des vins bio comme le fascinant Christophe Pueyo (page 58) dont le Château La Fleur Garderose (70% Merlot, 30% Cabernet Franc) en Saint-Emilion Grand Cru, a laissé sans voix les musiciens d’Odezenne (Au Baccara) ? Ou encore Virginie Aubrion du Château de Piote (à Aubie-et-Espessas) dont les cuvées Prestige en Bordeaux Blanc Sec (100% Sémillon) s’arrachent depuis notre retour à la table du Maxan (Paris, 8ème). Et ont - littéralem­ent réduit en pamoison les plus fines gueules de la rédaction (Patrick Besson, Frédéric Beigbeder, François-Xavier Demaison). Quelle langue choisir pour décrire l’émotion et la tendresse particuliè­re du Clos des Moussis (70% Sauvignon, 20% Merlot noir, 10% Cabernet Franc) en appellatio­n Haut-Médoc ? Une redoutable friandise pour adultes (page 56), produite par Pascale Choime et Laurence Alias (et leur cheval de trait Jumpa) vigneronne­s près d’Arsac. Et dont la longueur en bouche (avec des notes d’Eucalyptus) en a chamboulé plus d’un, comme le chef étoilé Tanguy Lavialle (Garopapill­es) qui en avait pourtant bu d’autres. On reste également fascinés par le travail de Ludovic Barthe, vigneron à Daignac (page 56), qui propose à ses clients d’être les « coproducte­urs » de leurs propres vins, en louant 20 pieds de vignes à 200 euros par an. Et en participan­t à la vie du vignoble, au taillage, à l’assemblage, etc. Son Château Grand Bireau (10% Muscadelle, 30% Sauvignon Gris, 30% Sémillon, 30% Sauvignon Blanc) en appellatio­n Entre-deux-Mers est une petite merveille florale. Une vraie potion de roses blanches sur les terrines et fruits de mer ! Bien sûr, tous travaillen­t en bio, en biodynamie

ou en développem­ent durable. Tous relisent les vieux carnets de leurs aînés pour soigner et protéger la vigne autrement et limiter l’usage des sulfites. Et, au fond, peu importent les querelles de labels et de chapelles, puisqu’ils sont clairement les modèles d’une lame de fond qui pourrait tout changer à Bordeaux (lire interview de Benoit Calvet cicontre). Et pas seulement dans la protection de l’environnem­ent…

BOISÉ VANILLÉ

Ils ont quelques années d’écart. Ils ne travaillen­t pas sur les mêmes appellatio­ns. Et, pour tout dire, ils n’ont pas grand-chose en commun. Et pourtant, Rachel Hubert du Château Peybonhomm­e-Les-Tours (page 60) qui produit le Blanc Bonhomme (50% Sauvignon, 50% Sémillon) en Blaye Côtes de Bordeaux - une petite merveille de blanc beurré (mais pas trop) sur la commune de Cars - et Louis Meneuvrier, ancien bassiste du groupe Mood qui développe le Château La Croix-Davids (90% Merlot Noir, 10% Malbec) en Côtes de Bourg (page 57) - un élixir visionnair­e aux notes étonnantes de « boisé vanillé » - sont clairement les deux pop stars d’une région où l’on ne va pas tarder à découvrir que les vins sont excellents, même en dehors des grands châteaux. Qu’ils ont une histoire, une patte, une signature, une couleur bien à eux. Et qu’ils sont parmi les moins chers du marché ! Avec, sur place, toute une génération de jeunes chefs et sommeliers (il y a plus de restos à Bordeaux par habitant qu’à Paris) qui rêvent d’en faire la rampe de lancement d’une nouvelle révolution gastronomi­que basé autant sur les vins que sur les temps de cuissons. Et dire qu’avant aller à Bordeaux, on était persuadés que c’était surtout la ville des palombes et des macarons...

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