Faut-il enseigner la bonne bouffe a l'ecole ?_ Chacun cherche sa grosse tourte / Les japonais font-ils bien les chocolats ? / L'homme aux 110 fromages / La cuisine au caviar, les robots a pizza/
Gilets jaunes, malbouffe, insécurité alimentaire… Le dernier refuge culinaire pour les enfants, c'est l'école. Et pourtant 85% des cantines servent de la merde. Et le seul programme sur les Cours de Cuisine à l'Ecole pourrait être abandonné. Y'a un souci, non ?
60% des enfants ont refait des plats à la maison et ont utilisé leurs connaissances et compétences dans le cadre familial ! » Chercheur à l’Université d’Angoulème, Emilie Orliange n’est pas la nouvelle chroniqueuse d’une émission de cuisine sur RTL. Mais bien l’une de nos plus éminentes savantes en matière de comportement alimentaire chez les enfants. A la tête du programme AFCC (Arts de Faire Culinaire au Collège), lui même en partenariat avec tout ce que ce pays compte de Drac, de Ministères, d’Organismes d’Etat et d’autorités intermédiaires, elle pilote depuis plusieurs années des expériences pilotes sur le retour des cours de cuisine à l’école. Quel cauchemar pour cette vieille soixante-huitarde qu’est l’Education Nationale d’imaginer des leçons de cuisson sur la Poule au Pot et « l’art d’économiser les restes ». Mais à quelques nouvelles recettes de burger près, c’est bien de cela dont il s’agit.
PATATRAS
« Chaque fois, je commençais par un éveil sensoriel. L’olfaction, le toucher, l’ouie… » raconte l’un des diététiciennes du programme. Après,
ils choisissaient les aliments, je leur expliquais les recettes et l’on partait après en cuisine pour que chacun puisse réaliser sa propre recette. A la fin, il y avait un moment de dégustation et là, on réinvestissait le sens que nous avions étudié. Ensuite, ils partaient à la maison avec les plats, pour les partager en famille… » En 2013, l’expérience menée au Collège Marguerite de Valois à Angoulème, dans un quartier populaire composé de plusieurs communautés étrangères, avait été même couronnée de succès. De là à voir dans l’initiation à la cuisine chez les enfants un nouveau facteur de cohésion sociale impliquant leurs parents, il n’y avait qu’un pas. « Dans toutes les politiques publiques, que cela soit la santé, l’agriculture, l’éducation nationale, quand ils disent « l’éducation à l’alimentation doit se faire à l’école, ça ne peut se faire que qi les parents sont partenaires du projet » confirme la responsable de la Mairie, à l’époque en relation avec les cantines des écoles. D’une initiative longtemps restée locale, le programme AFFC suscitait tellement d’espoirs qu’il était même passé à la vitesse supérieure à la rentrée dans une grande école Bordelaise. Et puis, patatras… En fait, tout le monde s’en fout !
FAIRE LES COURSES
Manque de budget, faute de soutiens politiques… Les cours de cuisine à l’école ont du plomb dans l’aile. « On compte beaucoup sur l’école dans plein de domaines différents. Avec ce programme là, on en rajoute une couche. C’est véritablement quelque chose du domaine de l’intime, de la relation avec sa famille, son milieu, son environnement », explique la diététicienne. « Mais c’est aussi un sujet qui entraine du fantasme et l’éducation nationale a toujours rejeté ce qui était du domaine de l’offre alimentaire. Ce n’est pas que ca ne les intéresse pas, mais ils n’ont pas le temps. » Des millions de Français ont enfilé un gilet jaune ces dernières semaines pour dire qu’ils n’avaient plus de quoi se nourrir correctement, eux et leurs enfants, après le 15 du Mois. Cela veut dire que, pour beaucoup d’entre eux, la solution passe par une malbouffe de survie (fond de céréales, pâtes discount, biscuits de récupération, etc) et, malgré tout, l’assurance d’un repas complet à l’école pour leurs enfants. Un repas souvent dégueulasse, bien sur, saturé de mauvaises graisses et avec vraiment très peu d’apports nutritifs réels, puisque plus aucune école ne veut prendre le risque d’avoir sa propre cuisine interne pour répondre aux normes d’hygiène. Mais un repas tout de même… La seule chance pour ce pays de reprendre le contrôle de son alimentation, c’est à dire de réapprendre à faire les courses, à transformer de vrais produits, à dialoguer avec des éleveurs, des maraichers, des artisans de bouche, c’était ce programme. Et on est en train de le laisser mourir. Laissons les cuisiniers, les bouchers et les paysans rentrer à l’école. Vite, il y a urgence !