Michael Baum, le Elon Musk de Pommard
Startups, t-shirts cintrés et berline Tesla. À première vue, l'univers de l'Américain Michael Baum semblait bien éloigné du labour et
de l'élevage en barriques. Seulement, ce serial-entrepreneur de la Silicon Valley, passionné par la chose bachique, a débarqué un jour en Bourgogne pour présider aux destinées du Château de Pommard. En innovateur patenté, il y a initié une petite révolution…
Ilest 8h du matin, dans le petit village
de Pommard. Au sud de cette paisible commune du vignoble bourguignon, en bordure de la départementale qui serpente vers Meursault, le Château de Pommard domine ses 20 hectares de vignes, dans lesquelles besognent paisiblement quelques chevaux de trait. Un nuage d’étourneaux-sansonnets entame une hypnotique chorégraphie au-dessus d’un rang de ceps. Le joyeux ballet semble célébrer le miracle d’un écosystème enfin retrouvé.
À l’horizon, une Tesla rutilante pointe le bout de sa calandre dans un silence lunaire. Au volant, Michael Baum, 57 ans, un homme d’affaires américain de la Silicon Valley, propriétaire du domaine depuis 2014. Ce diplômé en informatique, devenu entrepreneur, a créé ou acquis plusieurs startups à succès, parfois rachetées par de grands groupes tels Yahoo ou Reuters.
C’est à l’occasion de sa première visite en France, lors de sa lune de miel, il y a 25 ans, qu’il découvre les vins hexagonaux. Dès lors, l’idée de faire l’acquisition d’un domaine lui trotte dans la tête. « J’ai longtemps mûri l’idée et un jour, l’opportunité d’une vie s’est présentée. J’ai racheté ce domaine historique du XVIIIe siècle. La Bourgogne est magique, le paysage, les gens, les vins sont authentiques, intacts. Il y a si peu d'endroits comme ça sur la planète, à des millions de kilomètres du monde de la technologie ».
Ce qui n’empêche pas l’innovateur patenté de renouer avec ses premiers amours, en restructurant l’administration du domaine façon startup. La prise de commandes s’effectue de manière archaïque, sur papier ? Il fait développer un logiciel de gestion de la relation client (CRM, pour les intimes). La gestion des stocks se fait parfois au doigt mouillé ? Il met en place un outil permettant à ses conseillers en vin de vérifier la disponibilité des 28 cuvées en temps réel.
Néanmoins, son innovation majeure demeure, loin des bureaux, la conversion au bio. « On sait pertinemment, par empirisme, que les vins biologiques et biodynamiques ont meilleur goût. Ils surpassent les vins conventionnels car avec ces derniers, les produits chimiques limitent le potentiel des raisins à atteindre leur pleine expression. En plus de ça, il m’importe de savoir que je fais quelque chose de plus sain pour moi et la planète ».
DU BIO, SINON RIEN
De quoi ravir Emmanuel Sala, maître de chai du Château de Pommard depuis 2007. Ce fervent partisan de la biodynamie piaffait d’impatience en attendant la conversion. « Dès 2008, j’ai complètement arrêté les désherbants chimiques. Nous étions en lutte intégrée raisonnée, tournée le plus possible vers le bio, mais nous n’utilisions pas encore de préparations biodynamiques, de compost de bouse, de silice… Lorsque nous y sommes venus, le changement a
« IL Y A DÉSORMAIS PLUS D’ÉNERGIE, DE VIBRATION DANS NOS VINS »
été radical. Il y a désormais plus d’énergie, de vibration dans nos vins (ndlr, du Chardonnay et Pinot noir en Côte de Beaune et Côte de Nuits) ».
Le domaine a retrouvé les couleurs de son vertueux passé. « Quand on la retravaille, une terre peut retrouver sa mémoire, explique Emmanuel Sala. La nature est vraiment forte. On a beau s’acharner au quotidien pour la détruire, elle reprend vite ses droits ». Même si la notion de temps, dans l’univers viticole, est relative. La transition vers le bio a nécessité 5 ans, celle vers la biodynamie devrait encore durer 2 à 3 ans. « En Bourgogne, j’ai appris la patience », sourit Michael Baum. Habitué au rythme effréné de la Silicon Valley, où tout peut se jouer en une poignée de secondes, il doit désormais composer avec un nouveau rythme. « En plus de ça, il faut signaler que la biodynamie nécessite davantage de travail que le conventionnel, ajoute-t-il. Beaucoup plus, même ! », renchérit Emmanuel Sala. « Par exemple, lorsque nous pulvérisons de la silice pour stimuler la résistance des plantes, il faut la dynamiser très tôt le matin, c’est-à-dire la brasser avec de l’eau, avant de mobiliser une équipe de dix personnes pour la pulvériser dans les vignes ».
RETOUR SUR LES BANCS DE L'ÉCOLE
Pour mieux déchiffrer les codes de cette nature toute puissante, Michael Baum est retourné sur les bancs de l’école, à la Wine & Spirit Education Trust de Londres, où il a obtenu avec succès le Level 3. Mais le voici à nouveau contraint de patienter : une année d’études le sépare du Graal, le fameux Level 4, qui permet d’être reconnu par la profession.
En attendant, il continue d’initier des actions satellites autour du Château. Parmi celles-ci, des activités oenotouristiques dédiées au Bourgogne et à ses terroirs (les fameux « Climats de Bourgogne » classés au
Patrimoine Mondial de l’UNESCO), ou des ateliers emmenant les 5-17 ans à la découverte du vignoble. Mais son idée la plus insolite reste sans doute la création du Rootstock Music, festival jazz et rock organisé chaque été au coeur même du domaine, qui met en vedette de jeunes artistes prometteurs. Innovateur un jour, innovateur toujours…