QUELLE ALCHIMIE FOUDROYANTE NOUS FIT TOMBER SOUS LE CHARME DE CETTE LIBRAIRIE ET Y REVENIR ?
LE COEUR DE SEATTLE BAT À LA SPACE NEEDLE, AIGUILLE CAMBRÉE DANS LE CIEL, 184 M DE DESIGN FUTURISTE ÉLEVÉ EN 1962
et son ami Paul Allen. Pour tromper leur ennui à l’université, ils inventent l’ordinateur et fondent, en 1975, Microsoft. Les années 1990 voient l’accroissement de la population de quelque 20 000 personnes par an. À l’Est, évidemment, avec les communautés de Redmond, siège de Microsoft, et Bellevue. Ce préambule posé, parcourons la ville aux sept collines dont les dénivelés évoquent ceux de San Francisco. Commençant par Pioneer Square, place triangulaire du quartier historique, ornée d’une ravissante pergola en fer et dominé par le totem de la ville et le buste du chef indien Sealth. Ici s’élèvent les immeubles de style richardsonien, arcs au-dessus des fenêtres, matériau décoré – brique, métal, pierre – en façade. D’ici part l’Underground Tour, visite souterraine de la ville antérieure, quand son niveau inondé lors des fortes marées, dut être surélevé. À proximité, la Smith Tower (1914), Art Nouveau, porte le nom du tycoon new-yorkais qui la fit construire. Premier gratte-ciel de Seattle, remarquable par son architecture qui évoque celle de Chicago, son hall d’entrée, son ascenseur au liftier en uniforme et la vue qu’elle offre de son sommet. Pike Place Market, le marché, fut ouvert en 1907 sur la rue éponyme pour permettre aux agriculteurs de vendre directement leur production. Fruits, légumes, fleurs, poisson : tout est frais, aujourd’hui encore. Une foule compacte se croise, certains faisant la queue devant le premier Starbucks, ouvert en 1971 et transféré ici peu après, à un bloc de distance. À l’entrée, un musicien joue de la Blue Grass sur son banjo. Le marché est inscrit au patrimoine local, aussi la firme à la sirène, une institution aux USA, quelque
cent trente cafés rien qu’à Seattle, a gardé son design originel, une pancarte blanche et brune. Capitol Hill, le plus joli quartier, haut lieu culturel, jeune et arty, avec Elliott Bay Book Store (page 00), la librairie qui tient tête à Amazon, des boutiques design et l’Asian Art Museum (page70) dans Volunteer Park. Un arrondissement aux belles maisons et arbres centenaires, où les golden retrievers et autres chiens de race promènent leurs maîtres. Le coeur de Seattle bat à la Space Needle, aiguille de l’espace cambrée dans le ciel, 184 m, design futuriste si l’on songe qu’elle fut élevée en 1962. Dominée par un restaurant tournant et une plate-forme d’observation magistrale : du Canada au mont Rainier par temps clair en passant par le port et les arches blanches des stades de soccer et de baseball. Il bat au sens propre au pied de la tour, à l’Experience Music Project (EMP), le musée qui fait expérimenter le rock (page 00), renforçant l’attractivité du lieu. Comme il bat au Chihuly Garden and Glass, beauté poétique absolue. Imaginez des cubes de lumière, exposant les sculptures d’un maître verrier devenu, en 1992, « Trésor national vivant » des États-Unis et dont les plus grands musées, Louvre compris, possèdent des oeuvres. Pour en arriver là, Dale Chihuly, né en 1941 à Tacoma, au sud de Seattle, travailla comme pêcheur pour financer ses études à l’université de Wisconsin, puis à la Rhode Island School of Design. En 1976, il perdit un oeil lors d’un accident de voiture en Angleterre. Aujourd’hui, une équipe de quatre-vingt-dix personnes travaille pour lui de 6 h 45 à 14 h 15, évitant la chaleur du jour près des fours à 2 400 degrés. Le résultat est sous nos yeux. Exubérance de couleurs de sa forêt de verre, du Plafondpersan, des Mille fleurs et de la Barquedeparade.
Dans le jardin planté de 26 000 bulbes, où fleurs naturelles et de verre jaillissent du sol, la magie se poursuit. Nous craignions un spectacle kitch. Ce fut merveilleux. Il faudrait mentionner le Seattle Art Museum (Sam) (page 75), précédé par une silhouette noire, le HammeringMan, l’Homme au marteau, géant de 15 mètres, bras martelant le vide, symbole des pionniers qui ont construit la ville. Le quartier de Ballard, au nord-ouest de Seattle, où s’installèrent autrefois les pêcheurs scandinaves. Y aller le dimanche, afin de ne pas manquer le Sunday Market, bio, et de prendre un petit-déjeuner américain dans la grande salle du Bastille, regardant déambuler la foule. La culture de l’innovation est omniprésente. Qui ne connaît United Parcel Service, plus connu sous le sigle UPS, créé en 1907 à Seattle avant de déménager à Atlanta, Boeing, Starbucks et, bien sûr, Microsoft. Alors que, sur le modèle de la Silicon Valley, Microsoft a choisi Richmond, en banlieue, Jeff Bezos ajoute un nouveau chapitre à la saga de la ville. Fondateur en 1994 d’Amazon, il construit des bureaux étincelants à South Lake Union, au coeur de Seattle, y posant trois sphères de lumière et de verdure, ce qui devrait ajouter 12 000 ingénieurs, directeurs et programmeurs aux 15 000 que le géant américain du commerce en ligne compte déjà. Remodelant ainsi le visage de cette ancienne zone d’entrepôts. Les permis de construire ont grimpé en flèche, les grues bourdonnent et appartements, restaurants et services sortent de terre alentour, tout le monde voulant être ici. M. Bezos, qui vient de racheter le Washington Post, posant 250 millions de dollars cash sur la table, avait donné dix millions pour rénover le musée de l’Histoire et de l’industrie, implanté ici. Il a tout planifié. L’esprit de créativité de Seattle n’a pas fini d’étonner l’Amérique.