Grands Reportages

CILAOS EN MAJESTÉ

-

Moins connu que certains autres panoramas de l'île, le sommet du Dimitile, à 1 837 m d'altitude, offre au regard l'intégralit­é du cirque de Cilaos. Une randonnée panoramiqu­e et culturelle. Jean-Daniel Payet a le coeur gros. En janvier dernier, le cyclone Bejisa, entre autres tracas, l'a finalement obligé à fermer son Camp Marron, l’Espace culturel muséograph­ique qu'il avait créé en 2008 et qui était consacré à l’histoire du marronnage. « Maisçan'empêche

pas de venir voir le point de vue », relativise-t-il en retrouvant sa bonne humeur. Le panorama se découvre au terme d'un ultime raidillon, une table d'orientatio­n permet de mettre un nom sur les sommets qui s'offrent au regard depuis les 1 837 m du Dimitile, le rempart qui ferme au sud-est le cirque de Cilaos. En contrebas, les toits de Cilaos renvoient des éclairs de lumière vive en réfléchiss­ant le soleil déjà haut dans le ciel. La ville est reliée à la côte par la « route aux 400 virages », ouverte en 1932, qui laisse voir ça et là son sillon dans le relief. Mais c'est surtout l'arrière-plan qui attire l'attention : le Grand Bénare, les Trois-Salazes et le piton des Neiges, pour ne citer que quelques stars du relief de l'île, bordent le cirque de leur haute stature de basalte. Il faut se rendre à l'évidence : souvent délaissé au profit de points de vue plus médiatisés, comme le piton Maïdo ou la Roche Écrite, le sommet du Dimitile offre l'un des plus beaux panoramas sur les reliefs de La Réunion. Les premiers à en profiter scrutaient ces replis de roche avec une pointe d'appréhensi­on, guettant les « chasseurs d'esclaves » partis à leur rencontre. Comme d'autres recoins isolés de l'intérieur de l'île, le massif du Dimitile commença en effet par être habité par des « marrons », terme issu de l’espagnol cimarron et désignant les esclaves fugitifs. L'histoire rapporte que le sommet doit son nom à l'un d'eux, qui s'y serait réfugié pendant 20 ans avec sa compagne. Des histoires comme celle-là, La Réunion en connaît des dizaines. Mafate, Cimendef ou Enchaing, qui ont donné leurs noms à d'autres sommets et sites de l'île, étaient eux aussi des fuyards venus chercher leur liberté dans ces hauteurs difficiles d'accès. Plus tard, des « petits blancs», créoles sans terres chassés de la côte par les plantation­s de canne en expansion, s'installère­nt sur les pentes du Dimitile, où ils cultivaien­t du géranium. À l'époque, ils descendaie­nt leur production vers la côte à dos de boeufs. On n'en croise plus depuis belle lurette sur le sentier qui mène au sommet en quatre heures de marche : balayant cette partie de l'île, le cyclone de 1848 a sonné pour beaucoup des habitants du Dimitile l'heure de redescendr­e plus bas dans le relief, portant un coup fatal à la production d'essence de géranium. La région, pourtant, reste attachée à ses traditions. La preuve en se baladant dans les rues de l'Entre-Deux. Aux pieds du massif, ce village qui doit son nom à son emplacemen­t à la convergenc­e de deux rivières abrite certaines des plus belles cases créoles anciennes de l'île.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France