Grands Reportages

SCORIES ET CRYPTOMERI­AS

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Le long sentier qui dévale du piton de la Fournaise au littoral sud n'est pas seulement l'occasion d'une descente de 2 200 m sur les traces des anciennes éditions de la Diagonale des Fous. C'est aussi une superbe introducti­on aux différents étages de végétation de l'île. En quittant le gîte du volcan dans le vent frais des premières heures du jour, on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée pour les concurrent­s du Grand raid. Jusqu'en 2012, la célèbre course de montagne qui traverse chaque année l'île et doit à son parcours de pure folie – 163 km et 9 900 m de dénivelé positif ! – d'être également appelée « la Diagonale des fous », empruntait le sentier qui s'étire à flanc de coulées de lave entre le volcan et la côte sud de l'île. Cette année là, l'Espagnol Kilian Jornet, déjà vainqueur de l'édition 2010, avait pointé au volcan moins de 4 heures après le départ. Un temps qui laisse rêveur si on prend en compte une différence de taille avec le parcours que l'on s'apprête à effectuer : les ultra-trailers du Grand Raid montent les 2 200m de dénivelé que l'on s'apprête à descendre. En faisant le trajet dans le sens le plus facile, du volcan vers la mer, on nous annonce plus de 8 heures de marche pour un bon trekkeur, et on conseille aux autres de couper le chemin en passant la nuit au gîte de Basse-vallée… C'est donc par une leçon d'humilité que l'on débute la marche, dans les paysages lunaires du piton de la Fournaise. Au fil de la journée, on découvrira une autre différence avec le parcours des fous de la diagonale, qui empruntaie­nt ce sentier la nuit. En marchant de jour, on voit le décor d'ocre et de noir des roches volcanique­s céder peu à peu le terrain au vert de la végétation, dont les différents étages se succèdent jusqu'à la mer. Commencée dans le terrain minéral et nu de la plaine des Sables, poursuivie avec le bord de l'enclos Fouqué et ses points de vue sur le cratère et les flancs de la caldeira, la descente quitte peu à peu les scories pour aborder un paysage où le végétal reprend ses droits. Après le plateau de Foc-foc, deux bonnes heures après le départ, les tamarins et les bois de couleur accompagne­nt le marcheur sur la crête de la Vallée heureuse. Viennent ensuite les sous-bois ombragés des cryptoméri­as, qui annoncent le gîte de Basse-Vallée, puis, pour ceux qui décident de poursuivre à pied, les espèces de la côte : descendant vers la mer, le chemin des Camphriers passe par le sentier botanique de Mare-Longue, rare vestige de forêt tropicale humide de basse altitude. Sur la fin du parcours, entre les bibasses – le fruit des néfliers du Japon, utilisé sur l'île pour faire des confitures et parfumer le rhum arrangé – et les goyaviers, on voit parfois des plants de vanille s'enrouler autour des lianes. En fin de journée, en attendant au bord de la route le bus devant nous ramener à Saint-Denis, on repense à l'improbable parcours du Grand raid. En 2012, Jornet a atteint Saint-denis en 26heures, 33 minutes et 10 secondes, plus d'une heure devant son premier poursuivan­t. Des fous…

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