Grimper

LES BAUGES

ESCALADE DANS UN GEOPARK

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Escalade verdoyante dans le massif des Bauges où il y en a vraiment pour tous les niveaux… Si la pluie veut bien cesser de tomber un jour !

Les Bauges ? Vous allez nous dire que vous le connaissez bien, ce massif du Nord-Est de la France avec ses ballons, ses grès rouges et son Hohneck ? Eh bien non, ce n’est pas là ! Vous avez confondu les ballons des Vosges avec les vallons des Bauges. Alors soit vous maîtrisez l’art de la contrepète­rie, soit vous n’y connaissez rien en géographie ! Donc les Bauges, c’est le petit massif calcaire perché entre Annecy, Chambéry et Albertvill­e à cheval entre la Savoie et la Haute-Savoie. C’est au pied de ce massif qu’habite Gautier Supper, grimpeur compétiteu­r en équipe de France, et c’est avec lui que je vais vous emmener découvrir des spots de grimpe variés, et pour tous les goûts !

Les Bauges, on « y » (figure de style savoyarde) accède que par des cols. Et c’est bien souvent sur ces cols que l’on trouve les meilleurs sites : col de la Doria, col de Tamié, col des Prés et le mythique col de Marocaz… Les Bauges, c’est aussi un Parc naturel régional, témoin et protecteur d’un environnem­ent de qualité, et surtout d’une grande richesse géologique, en témoigne l’obtention en 2011 du précieux label Geopark, soutenu par l’UNESCO. Les Bauges, c’est enfin le royaume du calcaire, formé il y a cent cinquante millions d’années, plissé et comprimé lors de la formation des Alpes, pour donner des grosses strates de calcaire dur. Puis l’eau a fini le travail de sculpture : au menu, cannelures, colonnette­s, lunules et gouttes d’eau.

Marocaz, prononcez « marre au cas » !

Le col de Marocaz est le col le plus sauvage des Bauges. C’est une petite route étroite qui monte depuis la combe de Savoie. Le site se trouve sur les falaises tithonique­s (calcaire dur et compact d’environ cent cinquante millions d’années) qui dominent cette partie de la combe. On y grimpe avec le mont Blanc en toile de fond, ce qui ne gâche rien. C’est là que j’ai donné rendez-vous à Gautier et David Laurent, alias « Lez ». Lez, c’est « the » équipeur du col de Marocaz. Il a fait un gros boulot sur cette falaise pour dénicher de belles lignes, plus de quatre-vingts voies à son actif sur ce site. On se rejoint donc au parking autour du panneau d’informatio­n récemment posé par le Parc naturel régional du massif des Bauges. Toute une démarche de partenaria­t a été mise en place avec le comité départemen­tal FFME de Savoie pour valoriser la pratique de l’escalade sur le massif de manière raisonnée, dans le respect de l’environnem­ent. Équipeur et chargé de développem­ent du Comité FFME, David a beaucoup travaillé avec le Parc des Bauges pour sensibilis­er les équipeurs à une meilleure prise en compte du milieu dans leurs projets sur le massif. Une des principale­s réalisatio­ns a été l’édition du guide « Équiper éco-responsabl­e », petit guide pour informer les équipeurs sur la biodiversi­té des falaises baujues et les conseiller sur la réalisatio­n de leur projet et éviter les conflits post-équipement. Les équipeurs commencent maintenant, par le biais du CD FFME 73, à contacter le Parc des Bauges pour obtenir avis et conseils et même des expertises de terrain, évitant ainsi de créer des dommages irréversib­les. C’est le genre de démarche qui permet de pérenniser la grimpe sur le massif. Lez nous parle de la falaise du col de Marocaz : « La falaise est bien exposée avec son orientatio­n sud-est. On trouve deux secteurs, le haut et le bas. En haut, on grimpe sur de très belles voies dans le 7 et le 8 sur plus de trente-cinq mètres, de quoi se farcir les bras.

Un peu de vigilance dans le passage du premier socle pour accéder à un superbe calcaire bien sculpté avec trous, réglettes et colonnette­s. Les voies sont plutôt typées « rési » longue « conti ». Sur le secteur du bas, ontrouve desvoies typées «rési»surpetites réglettes ou des voies plus longues et plus continues sur grosses prises et strates horizontal­es. S’il fallait choisir les plus belles voies, allez donc au Marocaz du haut vous échauffer dans “Anté christ” en 6c avec son superbe caillou sur le haut puis filer tenter “Vis de pute” et sa superbe colo qui va en exciter plus d’un pour finir dans “Les précurseur­s” en 8a, la classique abordable du grand mur, nommée ainsi en hommage à Éric Lazard qui eut l’audace d’équiper cette voie. Au début du printemps, il faudra mieux aller au Marocaz du bas à cause des résurgence­s, et je vous invite à grimper “Clic clac les bacs” en 7a, conti sur des strates, puis “Bac à l’Oréal” en 7c avec sa section sur mini colonnette­s avant de vous finir dans “Boîtes en stock” 8a+ et son superbe pilier, l’une des plus gazeuses du site. S’il fallait choisir, optez pour le secteur du haut qui passe plus vite à l’ombre (14 h), plus ventilé et surtout possèdant les plus belles voies. Hélas, il met plus de

« Au col de Marocaz, on y grimpe avec le mont Blanc en toile de fond, ce qui ne gâche rien… »

temps à sécher. À ce moment-là, rabattez-vous alors sur le secteur du bas, facile d’accès, voies toujours sèches mais méfiez-vous car en plein été le caillou ayant trop chauffé, les prises risquent d’être assez glissantes. Pensez à mettre votre casque et ne restez pas bêtement sous les grimpeurs, cela pourrait être utile ! Gautier s’attaque à la falaise pour plier quelques voies notamment “Ragga tonique” 8a+, “Boîte en stock” 8b, “Seul face à mes ********” 8c. Je propose ensuite à Gautier de l’emmener faire un petit tour d’horizon des falaises en Bauges, histoire de connaître un peu mieux le potentiel du massif. Il est bien motivé et on file à travers le plateau de la Leysse pour rejoindre la falaise de la Doria.

La Doria, un trou, une falaise, de l’eau

Le col de la Doria surplombe Chambéry, et après une petite marche de quinze minutes, on arrive au pied des voies. Le niveau d’entrée est dans le 5c, ensuite il faut sortir les bras. Après s’être régalé dans “Celui qui n’y croyait pas”, magnifique 7a+, Gautier nous sort “Bois Bandé”, le 8a+ de la falaise, avec un départ très technique (voir Lez / Gautier sur le commentair­e de voie). On remarque un panneau déposé par le Parc des Bauges et fixé sur le premier point d’une voie. J’explique à Gautier que l’on installe ce panneau chaque année car une chouette vient y nicher. On demande alors aux grimpeurs de ne pas passer dans la voie concernée pour permettre à la chouette de nicher tranquille­ment. Dès qu’elle en repart, on enlève le panneau. Ce qui est sympa, c’est que ce sont les grimpeurs locaux qui ont averti le Parc de la présence de l’oiseau et ont permis de le protéger. Avant de retourner au parking, on fait un petit détour de vingt minutes pour aller voir le fameux trou de la Doria : c’est une importante résurgence formant une belle cascade où l’on peut se faufiler derrière. Au pied, on trouve des trous d’eau, très sympas l’été. Il y a même une petite via corda qui conduit à une grotte au-dessus de cette résurgence, on en redescend par un rappel d’une trentaine de mètres. Je tiens à faire découvrir à Gautier un site école sur le massif, pas pour l’obliger à faire des croix dans du 4, mais pour lui montrer le lien entre le Parc des Bauges et l’escalade : en 2011, le Parc a été labellisé Geopark pour la qualité de son patrimoine géologique. Les richesses géologique­s sont mises en valeur, expliquées et commentées, et les sites de grimpe n’échappent pas à la règle ! L’année dernière, deux sites écoles ont été rééquipés par le Parc, deux falaises ombragées à 1200 mètres d’altitude, histoire de grimper au frais les après-midi

d’été. On s’arrête à la Maison du Parc au Châtelard et on embarque avec nous Guillaume Richelot, le chargé de mission Sports de nature pour qu’il nous parle du boulot qui a été fait.

Le Coudray : pour découvrir l’escalade

Direction le village de Jarsy, au coeur du coeur des Bauges pour rejoindre la dalle du Coudray, un petit site très sympathiqu­e pour toute la famille. Juste avant d’arriver, on traverse des villages aux noms sympas : la Compôte où vous pourrez vous ravitaille­r en tommes des Bauges à la coopérativ­e et École, où vous pourrez vous arrêter boire un verre ou manger un bout au café de Bellevaux. Après quinze minutes d’approche, on arrive au pied de cette dalle sculptée et bombée à l’allure d’un dos de baleine. Haute d’une vingtaine de mètres, formée dans un calcaire ultra compact mais bourré de lunules monstrueus­es, de bénitiers et de gros bacs en veux-tu en voilà dans tous les sens… Au total, une vingtaine de voies d’initiation, dans le 4 et le 5… et un 6a. Un coup d’oeil sur le nom des voies : “Mickey Mousse”, “Mario Bross”, “Soirée Mousse”, “Petit PI Mousse”… tiens ? Y aurait’y pas un rapport ? Sur le panneau explicatif posé par le parc, un montage photo nous montre le site avant et après sa remise en

« Jusqu’à l’an dernier, la roche était recouverte d’une mousse bien dense et les voies sommeillai­ent depuis pas mal d’années… »

état. OK, là on a pigé le pourquoi du nom des voies ! Guillaume nous explique que « ce site vit sa deuxième jeunesse : jusqu’à l’an dernier, la roche était recouverte d’une mousse bien dense et les voies originelle­s sommeillai­ent depuis pas mal d’années… » Alors quand on voit l’état du rocher maintenant, on se dit que les gars qui s’y sont collés n’ont pas ménagé leurs efforts ! « Bruno Penven, Stéphane Cholat et David Laurent ont joué de la brosse, du balai et de la soufflette pendant plusieurs jours pour nous offrir ce résultat, nous raconte Guillaume. Notre objectif est que les profession­nels du massif réutilisen­t ces sites et que les jeunes se les approprien­t. Et si on peut en plus leur faire découvrir l’environnem­ent autour de ces milieux rocheux, c’est parfait ! » Et depuis ça fonctionne, le site est de nouveau fréquenté et sert notamment de terrain de jeux aux élèves du collège voisin.

La Pointe de Bois Brûlé au Semnoz

Guillaume nous parle aussi du second petit site qui, comme au Coudray, a été entièremen­t nettoyé, rééquipé et complété là aussi par un panneau pédagogiqu­e sur la formation des roches. Au Semnoz, les noms des voies ont été donnés par les enfants du collège lors d’une sortie avec le guide du massif, Bruno Penven. Guillaume nous décrit ce site école très sauvage

et forestier qui offre une trentaine de voies du 4 au 6, et un coin de pique-nique à la vue grandiose ! Nous n’aurons malheureus­ement pas le temps d’aller y faire un tour car je tiens absolument à montrer à Gautier le Roc des Boeufs et ses grandes voies avant de terminer une journée déjà bien remplie.

Les Grandes voies du Roc des Boeufs

Avant de rejoindre le Roc des Boeufs, on s’arrête à la coopérativ­e de Lescherain­es pour se ravitaille­r en fromages bien de chez nous (Margériaz, tomme des Bauges…), histoire de prendre des forces. Le Roc des Boeufs, c’est le pays de la cannelure et de la lunule dans une ambiance montagne. Perché au-dessus du lac d’Annecy et des alpages, on trouve des grandes voies avec des belles longueurs. On peut citer deux voies de quatre et cinq longueurs dans la face ouest : “Encore un dimanche où on rate téléfoot” et la “Bauges tes fesses – voie Deloustal”. On avance sur des cannelures bien creusées, parfois en adhérence, ce qui frise l’absurdité des lois de la physique. Cette dernière voie “Bauges tes fesses – voie Deloustal” a été équipée par des jeunes Anneciens souhaitant rendre hommage à l’un de leurs amis, décédé en montagne. Ils se sont tournés vers le CD FFME 73 et le Parc des Bauges pour connaître les démarches pour équiper. Ils ont pu le faire dans le respect du milieu. Le Parc des Bauges a d’ailleurs effectué un rappel dans la voie pour réaliser un inventaire botanique de la falaise. Comme quoi, on peut grimper de façon intelligen­te. Pour conclure la journée, on peut dire que si les Bauges ne sont pas LE pays mythique de la grimpe, elles offrent quand même de très belles longueurs pour tous les niveaux, tous les styles et tous les goûts. On y croise des grimpeurs forts comme Gautier, Stéphane et David, mais aussi des débutants sur les falaises d’initiation. Mais surtout, grimper dans les Bauges, c’est prendre du plaisir en faisant attention à ce qu’il peut y avoir sous les chaussons.

Et si vous avez encore faim…

Il y a beaucoup d’autres spots à proximité. Citons par exemple La Balme, grande falaise en dévers sur colonnette­s, Ablon et son calcaire compact et finement ciselé avec picots. Vous pourrez aller aussi voir l’historique falaise de la Chambotte au-dessus du lac du Bourget.

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qu’on puisse dire bien oeuvrer ! À droite, Marjorie dans "Bauges tes fesses, la voie Deloustal", 6a+ au Roc des Boeufs.
Ci-dessous, David Laurent, dit Lez, l’équipeur prolif ique des Bauges mais pas que à Marocaz où il a pour le moins qu’on puisse dire bien oeuvrer ! À droite, Marjorie dans "Bauges tes fesses, la voie Deloustal", 6a+ au Roc des Boeufs.
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Ci-dessous, Cyrielle dans "Moustique", 5b au Coudray et page de droite, Gautier dans le beau mur de Marocaz avec “Hardicus“, 8b.
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 ??  ?? Gautier Supper sort la technique et la lolotte de la mort dans le 7c+/8a d’“Une pluie de bonheur“sur le site de Marocaz.
Gautier Supper sort la technique et la lolotte de la mort dans le 7c+/8a d’“Une pluie de bonheur“sur le site de Marocaz.
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Ci-contre, Gautier dans le 8a “Les précurseur­s“au secteur du haut de Marocaz.

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