FACE DE BLEAU
INSTABILITÉ NATURELLE
Véritable symbole de Fontainebleau, Stéphan Denys revient sur le bloc du Bilboquet et surtout sur sa mise en sécurité pour éviter qu’il bascule un jour. Mais jusqu’où doit-on s’acharner pour le maintenir debout ?
Voici une Face de Bleau un peu particulière pour l'été, avec un bloc qui pourrait apparaître comme un symbole pour Fontainebleau et son avenir. Pas un bloc vraiment fabuleux pour ses passages, quoique plutôt joueurs côté dévers, mais bien parce que c'est l'un des rares blocs interdits de grimpe dans un espace très fréquenté, et tout récemment clôturé pour raison de sécurité… Tout Bleausard connaît le "Bilboquet du Cul de Chien". Un nom tellement évocateur lorsqu'on aperçoit cette fameuse tête isolée surgissant des sables… Ce drôle de bloc que certains voient comme emblématique de Bleau, tantôt tête de chien ou de lion, et surtout telle une boule suspendue en un équilibre précaire sur son socle effilé. Un bien beau bloc dont l'esthétique doit beaucoup à cet apparent déséquilibre, ou équilibre, selon le point de vue depuis lequel on l'observe. Pour ceux qui verraient pour la toute première fois le site où sied cette étrangeté, les "Sables du Cul de Chien" sont comme des plages de sable fin perdues dans l'océan de la Forêt de Fontainebleau. Il n'est que de constater l'été les activités s'y déroulant, depuis pelles et seaux des petits enfants aux "rave-parties" des plus grands, en passant par le farniente dénudé, tous jeux de balles ou autres activités plutôt liées aux plages des bords de mer. Des étendues sableuses qui font tout le charme de ce côté de la forêt qu'est celle des "Trois Pignons". Mais revenons à notre Bilboquet bleausard. Bien sûr que ce bloc fait penser au jeu d'adresse manuelle du même nom ! Jeu fantastiquement connu, fait d'une boule percée d'un trou s'ajustant parfaitement à une tige, le tout très souvent relié par une cordelette, mais pas toujours. Bref, on ne sait qui le premier aura placé là cette boule de grès, ce qui demande tout de même une grande habilité d'une seule main, mais la réception sur sa tige ou bien la conception de celle-ci n'est pas des plus stables dans ces sables du "Cul de Chien". En effet alors, depuis longtemps, nombreux sont ceux qui se sont inquiétés d'un éventuel basculement du bloc. Y compris même ceux qui y auront tenté des records du nombre de personnes sur son sommet ! Tant il est
« Le Bilboquet, un bloc qui pourrait apparaître comme un symbole pour Fontainebleau et son avenir. »
évident que ce Bilboquet semble fait pour basculer un jour, comme un chien perdrait sa tête trop lourde et vieille, ou si loin de son cul, ou comme une tige trop usée de Bilboquet finit forcément par rompre avec le temps.
Je n'aurai ici ni les compétences, ni la prétention d'analyser ce qui y a été tenté à cet encontre, et ce n'est d'ailleurs sûrement pas mon propos, mais en voici un court exposé. Depuis environ les années 1980, constatant la forte baisse du niveau des sables autour du Bilboquet et l'érosion constante de sa base, la Commission Erosion mènera plusieurs tentatives. En 2011, une action d'envergure est organisée avec l'ONF et force d'engins mécaniques, consistant à creuser et combler la base souterraine du Bilboquet pour y enfouir quelques blocs de soutènement et renflouer
le tout de sable alentour. Actions aussi de surveillance par des poses de témoins pour tenter de comprendre les mouvements du bloc, ou encore l'apposition d'une petite plaque collée au sika sur le bloc lui-même stipulant l'interdiction de grimper en 2012. Pour finir tout récemment en juin 2014, par la mise en clôture dudit bloc, accompagnée de panneaux d'interdiction encore plus explicites.
Que les spécialistes me pardonnent pour ce résumé très succinct, mais effectivement mon propos n'est pas de faire le détail complet des opérations menées sur ce Bilboquet, mais bien de m'interroger et de provoquer le questionnement nécessaire pour ce
« Doit-on vraiment tenter de sécuriser les blocs menaçant un jour de basculer ? »
nouveau "jeu d'adresse" à Bleau… « Doit-on vraiment tenter de sécuriser les blocs menaçant un jour de basculer ? » Une interrogation à laquelle je n'ai personnellement pas de réponse ferme et définitive, mais qui au vu de ce qu'il est advenu à ce Bilboquet, me laisse totalement perplexe et même plutôt d'un avis négatif s'il fallait vraiment y répondre. Une question qui pourrait aussi bien se poser autrement : « Est-il vraiment du ressort de l'ONF que de prendre en charge notre sécurité quant aux éventuels basculements de blocs et comment lui en donner alors les vrais moyens ? » Ou encore : « Est-ce que les grimpeurs ou tous pratiquants d'activités à Bleau seraient prêts à assumer leur propre responsabilité quant à prendre un bloc sur leurs têtes, ou bien même leurs culs ? »