Grimper

HATUN MACHAY

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Non loin de la mythique Cordillère Blanche et de ses sommets enneigés, existe un lieu magique dans la Cordillère Noire bien moins connue : Hatun Machay. Pas de neige ici, et pas de sommets renommés tel le majestueux Alpamayo, mais un immense plateau d’altitude peuplé de chevaux, vaches, moutons, ânes et cochons, pâturant sous l’oeil attentif de la communauté Pampas Chico. Au sud de ce plateau pousse une « forêt » de rochers, formant un chaos de roches granitique­s travaillée­s par le vent et les glaciers. Ce lieu est à la fois un refuge pour la communauté locale et un véritable labyrinthe où l’on prend plaisir à errer sans but précis. Mais autant vous prévenir, la qualité du rocher et ses formes parfois incongrues vont très vite vous titiller le bout des phalanges. Le site regorge de lignes sublimes, alors que ce soit pour vous acclimater avant une expédition sur des sommets dans la Cordillère Blanche ou pour le seul plaisir de grimper dans ce lieu fantastiqu­e, n’oubliez pas vos chaussons !

Pratique

Saisonnali­té : il n’y a que deux saisons sous ces latitudes, l’été chaud et humide, et l’hiver frais et sec. C’est de mai à septembre que les conditions permettent de grimper, les mois de l’hiver austral restant tout de même la fenêtre optimale pour éviter les pluies de la saison humide. Du fait de l’altitude importante (4200 mètres environ), il fait meilleur grimper au soleil, même si celui-ci peut s’avérer très chaud ! Les secteurs historique­s en bas du refuge sont exposés nord/ouest et la plupart des voies passent au soleil à la mi-journée, quelques-unes profitant tout de même du soleil matinal. Pour ceux qui aiment grimper de bon matin, il sera tout de même plus judicieux d’aller chercher les secteurs exposés plein est de l’autre côté de la forêt. Approche générale : le site se situe à soixante-dix kilomètres au sud de Huaraz, dans la Cordillera Negra. Depuis la borne kilométriq­ue 131 sur la route N3 entre Huaraz et Conococha, une piste partant plein ouest mène au refuge en trente minutes en voiture ou une heure et demie à pied. Cette piste se situe onze kilomètres avant Conococha. Andean Kingdom assure le trajet en voiture depuis Huaraz tous les jours (25 Sol aller, une heure et demie à deux heures). Facilités et logement : on peut dormir soit en dortoir dans le refuge pour 30 Sol par nuit, soit en tente pour 20 Sol. Dans les deux cas, on pourra profiter des facilités de ce refuge 4 étoiles très propre avec douche chauffée à l’énergie solaire, cuisinière, four et vaisselle. On se sent très vite à la maison et pour les voyageurs au long cours, il fera bon poser ses valises quelque temps, surtout si comme nous vous évitez la pleine saison durant laquelle les voyageurs affluent de plus en plus nombreux. Le patron a l’habitude d’offrir le thé, mais prévoyez suffisamme­nt de vivres au départ d’Huaraz : il n’y a rien là-haut, et les journées de grimpe en altitude ouvrent fortement l’appétit !

Grimpe

Le rocher et l’escalade : le granite est très spécial, sculpté en profondeur par le vent, l’eau et les glaciers. Les parois sont magnifique­s, tantôt avec des dalles à trous (attention à la peau des doigts, ça broute sévère), tantôt avec des murs plus verticaux dans de gros trous (Hueccos). Le rocher peut réserver quelques surprises sur les voies les plus récentes, mais après quelques passages et un peu de nettoyage, c’est du solide ! Il y en aura pour tous les goûts et tous les niveaux, de la belle dalle à trous en 4 aux colonnette­s en dévers dans le 7 ou 8. À noter tout de même la forte concentrat­ion de voies dans le 6a/6b sur de jolies dalles bien raides. La majorité des voies font entre vingt et trente mètres de haut mais on trouve également quelques voies plus longues, notamment au secteur “Paredes Grandes” qui offre plusieurs voies de trois longueurs dans le 7. Le site regorge également de blocs en tout genre. La difficulté : c’est le paradis du 6a et du 6b, avec également quelques jolis 5 et des 7 bien intéressan­ts… L’approche : comptez dix à trente minutes depuis le refuge pour accéder aux différents secteurs. L’équipement : toutes les voies sont équipées, avec souvent des points assez rapprochés. Une corde de soixante mètres et quatorze dégaines seront donc suffisante­s pour la grande majorité des voies. Quelques voies plus longues peuvent se faire d’une tirée si vous avez assez de dégaines, mais il y a toujours des relais intermédia­ires pour ceux qui sont «light» en équipement. Plus d’excuses donc pour ne pas prendre votre matos de grimpe lors de votre passage au Pérou : tout le matos pour une cordée tiendra largement dans un petit sac à dos de trente litres. Le topo : le topo est disponible en ligne sur le site www.andeanking­dom.com/hatunmacha­y. Il est aussi en libre accès sur des feuilles imprimées au refuge.

Nos coups de coeur

> “Welcome to Huaraz”, 6b+ (La Fissura) : un départ en fissure assez physique mais avec pas mal de bonnes prises. Il faut garder du jus pour la sortie en légère traversée sur la gauche, assez fine même s’il y a toujours de bonnes prises ! Une voie continue, variée et originale sur un superbe mur. Les voies voisines, plus classiques, méritent également un coup d’essai ! > “Relatos d’un Naufrago”, 7a (Los Sietes) : un départ bloc assez coquin ! Après les six mouv’ très physiques du début, on arrive à un dièdre plus facile. De quoi récupérer un peu avant un pas de traversée subtile et les derniers mètres légèrement déversants. Quand on passe le début, on a fait le plus dur, mais il faut savoir gérer son effort jusqu’au bout ! Une ligne magnifique pour un beau challenge ! > “ElevationP­ath”, 6b : une succession d’excellente­s écailles mène à un ressaut plus raide, crux de la voie, que l’on contourne par la gauche avant de louvoyer finement jusqu’au sommet. Une voie récente et relativeme­nt loin du refuge, mais vraiment intéressan­te pour ses subtils mouvements ! > “Pincitas”, 6a+ (La Cueva) : comme son nom le laisse

entendre, il faut serrer les pinces ! Les gros trous du début en léger dévers mènent à un pas aérien sur un bac. La sortie, plus facile, suit une jolie écaille rouge. Une grande classique du coin ! > “Flapper”, 6b : on enchaîne quelques mouvements de bloc sur des verticales fuyantes avant de se rétablir sur l’arête raide bordant la grotte. On se lance ensuite à l’assaut de bons trous sur la face supérieure. Une voie variée et somptueuse sur un secteur phare d’Hatun Machay ! Autres recommanda­tions : > Las Pequeñas : un secteur avec des voies courtes mais aériennes et ludiques qui permet de varier un peu les plaisirs… > Tirol del Sur : un secteur « tous niveaux » pour profiter du soleil matinal. De jolies voies sur une face dans le style classique d’Hatun Machay. > Rasta Quechua : un secteur récent avec deux belles envolées de quarante-cinq mètres en 6a. Le rocher est encore un peu friable mais avec un peu plus de passage, les lignes deviendron­t magnifique­s !

Pour la petite histoire…

C’est Andrés Saibene, un grimpeur argentin, qui découvrit le site dans les années 1998 et qui tomba immédiatem­ent sous le charme. Désireux d’équiper l’endroit, il se vit cependant confronté à de nombreux freins : la communauté locale de « Pampas Chico », propriétai­re des terres, était d’abord réticente à tout passage étranger, tandis que le ministère refusait l’installati­on d’un site d’escalade afin de préserver un site archéologi­que (peintures rupestres) qui se trouvait au même endroit. Après négociatio­n avec la communauté pour un droit de passage, Andrés parvint finalement à ouvrir les premières voies en 2004. Il fut alors convenu que l’intérieur de la « forêt » resterait vierge de voies pour préserver l’écosystème et concentrer le passage humain sur le pourtour. Les ouvertures se sont enchaînées les années suivantes, limitées par le seul fait qu’Andrés est contraint de payer lui-même l’équipement. Le refuge fut construit en 2006, tandis que les sanitaires avec eau chaude sont venus agrémenter le tout en 2012. Créée par Andrés et sa femme Luciana, la société Andean Kingdom organise aujourd’hui le transport d’Huaraz à Hatun Machay et gère le refuge. Une personne est employée en haute saison pour épauler ce couple de passionnés, qui se fait aussi beaucoup aider par les volontaire­s, notamment pour équiper le site.

On y accède en transport en commun ou en taxi depuis le centre de La Paz en vingt-cinq minutes. Il faut prendre soit le micro 11 (bus jaune pittoresqu­e) sur la calle Murillo, plaza del estudiante ou avenue 6 de agosto, soit le minibus 351 depuis Villa Fatima ou Miraflores direction parc Bartolina Sisa, soit les minibus 231 et 273 en direction de Mallasa ou Aranjuez. S’arrêter au pont « el puente de Amor de Dios » pour aller à la zone ouest ou juste avant « el parque Bartolina Sisa » (parc pour les enfants) pour se rendre à la zone est. Facilités et logement : on trouve de tout en ville à des prix abordables, mais pas de camping. La Bolivie est encore le moins cher des pays sud-américains.

Grimpe

Le rocher et l’escalade : l’escalade est intégralem­ent sportive, sur des formations rocheuses de congloméra­t rouge compact. On trouve de jolis bulges, des trous, des réglettes et des boîtes aux lettres, le tout donnant une escalade dynamique fort sympathiqu­e… La difficulté : on trouve environ quatre-vingt-dix voies réparties sur treize secteurs, dont la moitié est située en zone ouest (plusieurs petits secteurs assez proches les uns des autres) et l’autre moitié en zone est (secteur principal : Galleta avec vingt-deux voies). La majorité des voies sont dans le niveau 6a à 7c. L’approche : du pont, traverser le quartier Amor de Dios (4 cuadras) avant d’arriver en cinq à dix minutes au premier secteur d’escalade El Peñon d’où on peut apercevoir, plus en hauteur, les autres secteurs. Rive est, on aperçoit très bien la Galleta depuis le sentier, secteur le plus grand de cette zone. L’équipement : quinze dégaines et une corde de cinquante mètres suffiront pour vous faire plaisir Le topo : on trouve le topo en ligne à l’adresse escaladaen­bolivia.blogspot.com/

Nos coups de coeur

Les voies les plus longues et les plus dures (considérée­s comme les meilleures par les locaux) sont au secteur la Galleta et la Barriga, côté est du rio. On citera par exemple “Champagne” (30 m, 7a) et “Abarcas del tiempo” (22 m, 7a+), classiques du coin. Côté ouest, il y a de jolies voies notamment sur Beso Rojo et Hoja Granda, avec par exemple “El Pirata” (6b+), superbe enchaîneme­nt de bulges (bombé) avec des prises obligatoir­es et de grands mouvements !

Pour la petite histoire…

Les premières voies sont découverte­s sur El Peñon dans les années 80, par des pionniers boliviens en chaussures de foot équipés de harnais bricolés à partir de ceintures de sécurité de voiture et qui se servaient d’un câble d’acier au sommet comme relais pour y installer des moulinette­s… Dans les années 90, le Français glaciologu­e Bernard Francou équipe quelques voies sur spits notamment sur les secteurs du Peñon, Galleta et Barrigaza, permettant aux Boliviens de faire leurs premières voies en tête. À la fin des années 90, Daniel Aramayo équipe d’autres secteurs puis arrive le très énergique Catalan Père Vilarasau, rempli d’attention pour la Bolivie, qui équipe de nombreuses autres voies. Le site est aujourd’hui très bien équipé, avec des plaquettes de 10 mm qui sont venues remplacer toutes les anciennes broches, ce qui en fait le site d’escalade sportive le plus développé en Bolivie.

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Hatun Machay, c’est de nombreuses voies mais aussi des blocs pour varier les plaisirs procurés par ce granite particulie­r.
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 ??  ?? Congloméra­t bolivien à Aranjuez et escalade plaisir au rendez-vous dans un cadre plutôt montagne, voire lunaire.
Congloméra­t bolivien à Aranjuez et escalade plaisir au rendez-vous dans un cadre plutôt montagne, voire lunaire.
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