ORIENT EXPRESS
Cette chronique de fin d’année sera l’occasion d’un petit rapport de situation sur l’Asie. Pas de prétention à être exhaustif ni à vous renseigner complètement sur le contexte, chose qui comme chacun le sait peut donner une saveur différente à une info. Qui plus est, je ne suis pas expert de l’Asie, juste régulièrement en contact professionnel avec cette partie du monde.
Plutôt, je veux vous faire part de la tendance locale. Pour moi, ça bouge fort en Asie, mais vu depuis chez nous la chose n’est pas évidente, car les marqueurs de la progression ne sont pas ceux que notre culture peut reconnaître. Pas d’annonces fracassantes quant au dernier projet en 10c+ réalisé, pas d’attaques en règle des officines fédérales, pas de révélation sur une énième terre promise du caillou (et pourtant…). De plus, l’Asie (vous m’excuserez de généraliser à ce point un quart de la planète) prend en marche un train qui est déjà bien lancé chez nous, à savoir le développement des sports « Outdoor » et/ou « Alternatif » et/ou « Urbain ». L’escalade ayant un wagon bien à elle dans ce train, nous en profitons largement, enfin surtout les marques qui y sont présentes. Mais la force des institutions dans ces pays limite un développement qui a pu paraître exponentiel chez nous. Ainsi la Chinese Mountaineering Association (CMA) sera toujours consultée et écoutée en Chine dès que le projet sera un tant soit peu important. La gérance du spot de Getu - révélé par le Petzl Roc Trip - leur est confiée là où en Occident il vivrait de lui-même. Toute construction de mur leur passe entre les mains. Bref, peu de place pour la floraison constante d’initiatives privées que l’on voit en Europe. De l’autre côté, c’est un développement moins versatile car moins sujet aux sautes d’humeurs économiques. Ceci est à considérer avec ce quel’on sait de la gouvernance nationale chinoise. Tout comme le Japon et la Corée (du Sud) sont à reconnaître plus proches du modèle occidental. Ce qui fait que le Japon compte plus de trois cents salles, que la Japanese Mountaineering Association (JMA) compte des membres dans les quarante-sept préfectures du pays, que des salles plutôt typées haut de gamme (pas haut niveau, haut de gamme comme un « produit » haut de gamme) se montent, et que les murs d’escalade ont leur place automatiquement dans tous les projets de centre commerciaux géants. La salle d’escalade est un bon business au Japon. Ce qui nous promet un maintien du pays sur le devant de la scène pour les années qui viennent. Je sais, il n’y a pas que ces deux pays en Asie, et les choses bougent bien en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, à Singapour et un peu plus près en Inde. Elles décolleront bientôt au Vietnam, Cambodge et tout ceci sans parler des découvertes de spots paradisiaques qui sont le fait des grimpeurs voyageurs. Néanmoins le modèle de développement est encore à installer à l’échelle de la région, l’équilibre entre développement commercial et institutionnel n’est pas établi. Mais heureusement, la nature de notre sport ne pousse pas ceux qui s’y impliquent à choisir entre ces deux composantes. Elle peut ainsi être présentée de la même manière à la jeunesse et aux ministères (des sports). Vue d’Orient, les barbares brutaux que nous sommes ne goûtent pas souvent la subtilité des relations asiatiques. Typiquement, nous serons exaspérés par la recherche sans fin d’une réponse franche, synonyme - pour nous - que les affaires n’avancent pas en Asie. Cependant au vu de ce qui s’y passe, il est probable que le train qu’ils ont pris en marche soit un express et qu’un pôle asiatique finisse par s’imposer… subtilement.