Grimper

À BICYCLETTE

ET POURQUOI PAS À VÉLO ?

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Ils sont partis à vélo, en plein hiver avec leur petite de quatre mois et tout le matos de grimpe pour boucler un an de trip à travers l’Europe. Un récit qui ne devrait pas vous laisser indifféren­t à leur mode de locomotion.

C’est la question que ma copine Isis m’a posée alors que nous nous préparions à partir en grand voyage d’escalade d’un an à travers l’Europe. Au début, je pensais à ce que je connaissai­s et à ce qui me paraissait évident : voyager en camion aménagé, ou en petite voiture avec une tente (suivant le budget). Comme tout le monde quoi ! Et accrocher des vélos à l’arrière pour faire nos trajets courants (aller chercher du pain, faire les courses, etc.). Parce que bon quand même, on est un peu écolos sur les bords après tout.

Bref, en y réfléchiss­ant plus longuement et en se renseignan­t sur ce qui s’est déjà fait, cela nous a paru de plus en plus plausible et réaliste de le faire à vélo. Les nombreuses heures passées à lire des blogs de voyageurs inspirants ont fini de nous convaincre. Et entre-temps, un autre projet, celui d’avoir un enfant, s’est immiscé dans nos vies…

La grande aventure

C’est ainsi que de fil en aiguille, nous avons acheté nos vélos, une remorque, des sacoches, des sacs de couchage et une tente. Nous sommes parti.e.s le 14 janvier dernier sur les routes d’Europe avec notre petite fille de 5 mois et demi. Depuis Orléans, ma ville natale, nous avons rejoint l’océan par la Loire à vélo. Sur le chemin, nous avons croisé de la neige, de la pluie, des regards étonnés et des mesdames franchemen­t choquées. Peu importe, nous avons dormi chez l’habitant tous les soirs. Et ce, grâce au super site www.Warmshower­s.org que nous vous recommando­ns vivement, et grâce à l’hospitalit­é de nos ami.e.s. Vous pensez qu’il est complèteme­nt timbré de partir à vélo en plein hiver en France, qui plus est pour aller faire de l’escalade, avec un petit bébé de quelques mois ? Après quatre années de vélo d’hiver au Québec, sous la neige et jusqu’à -35 °C, alors qu’Isis était enceinte, l’hiver français ne nous faisait même pas peur. Et notre petite Yaëlle, quant à elle, était bien emmitouflé­e sous ses couverture­s et nous nous arrêtions régulièrem­ent pour vérifier si elle ne s’était pas transformé­e en glaçon… Mais elle s’évertuait à nous répondre avec des sourires et des rires. Alors à quoi bon s’inquiéter ?!

Tranquille­ment mais sûrement, nous avons descendu la côte atlantique par la Vélodyssée sous beaucoup de pluie, du sable plein les pistes cyclables et un tas de flaques d’eau géantes à contourner pour pimenter le voyage. Nous en avons profité pour visiter les îles de Ré et d’Oléron et tester notre aptitude à faire du vélo sur les ponts par grand vent. Arrivés tout au sud de la France, nous avons fait appel à toute notre motivation pour traverser les Pyrénées afin de nous rendre en Espagne. Nous avons choisi de passer par Saint-JeanPied-de-Port pour rejoindre Pamplona, histoire de bien nous muscler les mollets. Eh bien, ça a marché ! De l’autre côté de la frontière, fort heureuseme­nt, un soleil radieux nous attendait. Nous avons escaladé à Etxauri, à une quinzaine de kilomètres seulement de

Pamplona où nous dormions. L’aller-retour à vélo nous servait d’échauffeme­nt. Par la suite, nous avons pris le train pour rejoindre un ami québécois à Chulilla. Depuis Valencia, nous avons fait la fin du trajet à vélo. Nous avons passé deux belles semaines de soleil et d’escalade où plein de belles croix sont tombées comme par enchanteme­nt. Est-ce que le vélo nous aurait rendus plus forts ? Je vous laisse méditer là-dessus. Puis nous sommes remontés en Catalogne et avons tergiversé plusieurs fois, toujours à vélo, entre les millions de petits trous de Margalef et les réglettes coupantes de Siurana. Ces falaises mythiques avaient de quoi nous motiver à rester dans les parages. De mon côté, ce n’était pas moins d’un 8a par jour (au premier essai ou à vue). Et pour Isis, plein de belles voies dans le 5 et le 6, ainsi que de nombreuses réflexions sur la finalité de l'escalade, ses buts de vie, la peur de se blesser et l'engagement nécessaire pour progresser. Nous sommes aujourd’hui de retour en France, après avoir traversé 6 cols en 5 jours, et sommes plus motivé.e.s que jamais à continuer notre tourisme de falaises à vélo. Une amie (rencontrée avec son camion à Chulilla) nous a même rejoints avec sa fille de 6 ans pour traverser les Pyrénées à vélo en notre compagnie. Nous avons tournicoté entre quelques falaises (Montpellie­r, Céüse) et plusieurs montagnes (Vercors, Chartreuse, Belledone). Nous nous préparons à rejoindre l'Italie puis de traverser les Balkans pour pouvoir escalader en Grèce l'hiver prochain. Toutes nos aventures sont racontées avec beaucoup de photos et quelques semaines mois de retard sur notre site Web www.Enjolivelo.com.

Vélo versus Camion

Mais pourquoi s’acharner à voyager lentement, sachant que ça nous gruge du temps d’escalade ? Outre le fait que le vélo est moins cher que la voiture, moins polluant, moins bruyant, moins dangereux, plus éthique et plus durable (ça, tout le monde le sait), qu’est-ce qui nous motive donc ? Pour nous, les avantages du vélo face aux camions, c’est : >Le plaisir pur et dur de juste pédaler >L’air pur et le vent dans les cheveux ! >Des paysages qui défilent juste à la bonne vitesse >Un super complément à la pratique de l’escalade, pour le cardio, le mental et la résistance à l’effort >Apprendre à vivre avec l’essentiel : deux roues, une tente, une corde, etc. >La joie durable de faire des trucs simples et sains >L’idéal pour un voyage de plusieurs semaines/mois/années >Et enfin, à vélo, le voyage devient épique ! En effet, notre rapport au temps et aux distances est bouleversé. Cela ne prend plus 5 heures de se rendre à tel ou tel site de grimpe. Cela prend une semaine. Nous ne faisons plus simplement de l’escalade, nous vivons une aventure riche en émotions. Notre mode de déplacemen­t favorise les rencontres et les sourires. Et je crois que nous semons du rêve, parfois après deux secondes d’impassibil­ité, dans les yeux des passants, des conducteur­s et des grimpeurs. Depuis notre départ, nous rencontron­s régulièrem­ent des personnes voyageant en camion aménagé ou en voiture. Nous regrettons parfois de ne pas avoir une grosse réserve de gaz pour cuisiner ou de devoir monter notre tente sous la pluie. Nous faisons même parfois du covoiturag­e, par exemple pour aller grimper tout en haut des falaises de Siurana, car les cinq derniers kilomètres de montée très à pic ne nous motivaient guère. Mais à ces détails près, franchemen­t, nous nous répétons quotidienn­ement à quel point notre mode de déplacemen­t nous sied. Nous ne manquons de rien et nous nous sentons légers (sauf dans les côtes au-dessus de 8 %). Bref, pas de quoi en faire un fromage… végétal. Bah oui, parce qu’en plus d’être à vélo, nous sommes véganes, nous mangeons biologique, Isis est diabétique, Yaëlle a eu une chirurgie cardiaque à la naissance, nous utilisons des couches lavables et c’est notre premier voyage à vélo. Ils sont fous ces Québécois ? Oui, peut-être un peu. Mais nous nous sentons heureux et responsabl­es de voyager ainsi, à notre

rythme, en vivant ces expérience­s parfois intenses mais toujours enrichissa­ntes. Je me permets une petite parenthèse pour décrire le mot végane aux personnes qui ont sourcillé en le lisant. Ce terme peu connu encore renvoie au choix éthique de ne pas consommer de produits d'origine animale, et donc de ne pas exploiter les animaux, lorsque ce n'est pas nécessaire. Comme il n'est jamais vraiment nécessaire, au 21e siècle, de manger ou de porter des animaux, nous avons adopté ce mode de vie il y a plusieurs années déjà, sans en souffrir du tout. Si l'idée vous choque ou vous intéresse, un livre pourrait peut-être vous être utile. Il s'agit de Voir son steak comme un animal mort de Martin Gibert, un petit bijou de philosophi­e morale qui nous a énormément inspirés. Bon, alors, assez parlé de nous ! Et vous ? Êtes-vous prêt à laisser votre vieux bazou au garage pour venir à la falaise à vélo, au moins une fois de temps en temps, pour vous changer les idées ? Et à vivre pleinement vos idéaux ? Pour un peu plus d’inspiratio­n à vous lancer dans l’aventure, ou simplement pour savoir où nous nous en sommes, n’hésitez pas à venir visiter notre blog : www.Enjolivelo.com. Au plaisir de vous croiser sur la route ou au pied des falaises !

Des petits points sur une carte

Voir : http://enjolivelo.travelmap.fr/ (avec le kilométrag­e cumulé à droite). Liste des falaises visitées : Etxauri, Chulilla, Margalef, Siurana, Le Thaurac, Tamée, Le Glésy, Céüse.

 ??  ?? Parce qu’il n’y a pas que l’escalade dans la vie, ni le vélo, une petite pause s’impose, direction la playa !
Parce qu’il n’y a pas que l’escalade dans la vie, ni le vélo, une petite pause s’impose, direction la playa !
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 ??  ?? Ça arrive aussi à l’extraterre­stre Adam Ondra de tomber, comme ici à la coupe du monde de Chamonix 2015 avec un joli photo-montage signé Marc Daviet. ©Marc Daviet
Ça arrive aussi à l’extraterre­stre Adam Ondra de tomber, comme ici à la coupe du monde de Chamonix 2015 avec un joli photo-montage signé Marc Daviet. ©Marc Daviet
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Au cours de ce périple à vélo, Clément n’a pas travaillé que les mollets mais aussi son gainage, comme ici dans ce 8a+ de Margalef !

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