Grimper

SOUS LES DÉVERS

LA PLAGE…

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Avec sa grosse trentaine de voies, La Plage pourrait être une falaise à elle toute seule, mais ce n’est en fait qu’un secteur du vaste site du Pas de l’Escalier, une falaise équipée dans les années 1990 et qui compte environ 130 voies.

Avec une si longue existence, elle a évidemment connu plusieurs génération­s d’équipement et de rééquipeme­nt. Lors de la dernière remise à neuf, menée en 2013-2014 par le Comité FFME26 pour l’édition du topo fédéral « Escalade en Drôme – Vercors sud & Drôme des collines », Philippe Saury, chef d’orchestre du topo et virtuose du perfo, en a profité pour équiper quelques voies accessible­s afin de compléter l’offre, aujourd’hui très diversifié­e, en matières de hauteur, de difficulté et de style. Mais La Plage est vraiment à part. Tout le reste de la falaise se déroule en majorité sur un très beau mur très raide, avec de bonnes boîtes à lettres pour les prises de mains… On passe comme ça le long des premiers secteurs, dans ce fond de vallon sauvage à l’écart de tout, et on arrive là, au bout, où la falaise reprend de la hauteur, s’incline, et devient ce mur à colo déversant qui dénote du reste et ne peut pas laisser indifféren­t. D’ailleurs, c’est exactement ce que se sont dit Nicolas Glée et Philippe Saury qui ne sont pas du tout restés indifféren­ts - mais qui le serait devant un tel appel à l’équipement ? Ce qui explique d’ailleurs qu’à leur arrivée le spot n’est pas totalement vierge. En effet, Norbert Apicella, dans les années 1990, était déjà tombé en arrêt devant cette falaise et, emballé, en avait parlé à Olivier Dousset et Philippe Saury. En 1996, Olivier Dousset, un peu plus réactif, avait ouvert “Lucie“6a, “Grain de beauté“7b+, et “Damoclès“, une belle colo courte en 7b+. Puis plus rien à part ces trois voies. À partir de 2002, Nicolas Glée et Philippe Saury (qui s’est finalement décidé à aller voir quelques années après la suggestion de Norbert Apicella, pour constater à son tour qu’en effet c’était dément) plantent donc les premiers points de ce futur nouveau secteur du Pas de l’Escalier. Pendant deux ou trois ans, ils mettent le paquet, équipent non-stop comme des morts de faim, se jettent frénétique­ment sur les colos chacun de leur côté et viennent le plus possible, dans une aimable et complice rivalité, pour équiper la plus belle avant l’autre. Ce qui n’arrivera finalement pas, d’abord car il n’y a que des belles lignes à équiper, ce qui clôt le débat, et ensuite car, rétrospect­ivement, Philippe Saury constate qu’ils n’étaient pas attirés par les mêmes lignes. Il faut quelques années pour les rassasier complèteme­nt,

avec le concours de quelques grimpeurs venus ajouter leur création sur cette nouvelle falaise, comme Christophe Perollier, ou Gérard Lhopital, fan absolu de Mylène Farmer, qui grava dans le marbre (façon de parler, c’est du calcaire) sa passion éperdue, avec “Plus belle que Mylène“8a+. Puis l’équipement se fait moins intense jusqu’en 2007-2008, même si les deux principaux protagonis­tes donnent encore de leur personne comme ce jour où Philippe, du haut de sa stat, voit arriver Nicolas en train de sauter partout et gesticuler hystérique­ment sur le chemin… En bon ophiophobe, il venait d’inspirer au passage “La danse du Glée“8a+, tout ça pour une pauvre petite vipère innocente qui venait de lui glisser entre les pieds. Au final, ils ont donc enrichi Le Pas de l’Escalier d’un secteur moderne, doté du combo gagnant « colo / dévers », et qui a rapidement pris sa place dans les « favoris » des grimpeurs de couennes dures. Place qu’il a conservée d’ailleurs en devenant même un classique grâce à des arguments qui savent convaincre, comme des colos qui déroulent, un profil qui penche bien, une escalade assez prenante… Vous l’aurez compris, le secteur est dédié aux grimpeurs de huit, ticket d’entrée pour se faire plaisir à La Plage, mais pour des niveaux différents il y a possibilit­é de naviguer sur le reste du site dans des voies plus accessible­s. Sur le chemin d’accès à la Plage, une minute avant, on passe au pied d’un beau mur vertical en dalle (secteur Le Mur) avec de très jolies voies dans un style tout à fait opposé, dont deux voies dans le 6 (6a, 6a+) pour se chauffer, ou simplement s’offrir sans arrière-pensée un grand voyage d’une trentaine de mètres sur un beau mur compact. Le secteur avait initialeme­nt été équipé avec des galets et autres prises collés, mais quand est venu le temps de son rééquipeme­nt en 2014-2015, Philippe Saury a fait un peu de ménage en enlevant ces verrues d’un autre âge et en équipant, au passage, une nouvelle voie de chauffe pour La Plage (“Monsieur Plus“, 7a). Avant d’attaquer le dur, vous pourrez donc vous mettre en jambes, et surtout en bras, avec l’une de ces trois voies, puisque vous passez inévitable­ment devant. Autres possibilit­és, au secteur La Plage, le 6a de “Lucie“(la première en arrivant), ou la partie jusqu’au toit du “Balcon des Vampires“qui peut faire un bon petit 7a de chauffe, ou la première partie du “Piège des arachnides“mais en 7b+ tout de même c’est déjà de l’échauffeme­nt costaud, ou encore le début de la voie “La Danse des satyres“, on peut redescendr­e sur deux points avant le virage et ça fait une petite longueur en 7a. Il n’y a pas grand-chose de plus pour se chauffer, après ça, faut y aller. Quant au nom, ne cherchez pas le sable, l’endroit s’appelle La Plage car la moitié des voies à droite démarre d’une sorte de vire qui est en réalité une dalle de rocher horizontal­e de quatre ou cinq mètres de large, à cinq mètres au-dessus du sol (on y accède par le sentier à l’extrémité droite). Le pied de la falaise est profondéme­nt creusé au niveau de cette strate, et les voies démarrent en contre-haut, parfois trop, d’où la présence de vieux troncs d’arbre appuyés à la falaise et taillés d’encoches pour accéder aux premières prises dans certaines voies. Mais la dalle elle-même est bien confortabl­e, et on se croirait un peu à la plage. Vous pouvez éventuelle­ment y étaler votre serviette et planter votre parasol pour faire plus vrai… En tout cas, vous ne pourrez plus dire que vous avez horreur des journées à la plage !

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Ci-contre, Estéban Mollard remonte les colos de “Bio“, 7c+ et page de droite Romain Gendey celles du “Bal des vampires“en 8b. ©simon destombes
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