Grimper

La Goulandièr­e

BELLE ET SANS ÂGE

-

La Goulandièr­e est l’une des plus belles falaises de couennes du Vercors. Pourtant, c’est un vieux site, où les premières voies datent des années 1990. Il aurait pu mal vieillir, passer de mode, connaître l’usure et le désamour… rien de tout cela. En exclusivit­é pour Grimper, voici les secrets d’une falaise qui dure.

Tout d’abord, l’histoire (la préhistoir­e, en fait) commence sur une très bonne idée de la nature. Un beau jour, on ne sait pas exactement quand mais c’était il y a un bail, une grosse écaille, jusqu’alors accolée à la falaise, a eu l’heureuse initiative de s’écrouler. Il en a résulté deux choses. D’un côté, des éboulis épars en dessous de la falaise. De l’autre, la révélation de ce qui se cachait derrière feu la dalle effondrée : un mur de calcite intérieur soudain mis à jour avec ses réglettes à profusion, ses plats, ses bouts de concrétion­s… Ensuite s’est écoulé un laps de temps d’échelle géologique avant le chapitre suivant, lequel survient dans les années 1990. Simon Destombes compte alors parmi ses bons potes Dan Martinez, grand spéléo devant l’éternel, qui consacre une part conséquent­e de son temps à chercher des trous dans le sol, ce qui l’amène à repérer une grotte dans ce coin-là. Il finit par aller la voir de plus près, et en revient en prévenant Simon qu’il a repéré, au-dessus de la grotte, une falaise sympa. Simon est emballé et équipera, avec Dan Martinez, puis avec l’aide de stagiaires qu’il encadre alors, les quinze premières lignes de la falaise. En 1992, la Goulandièr­e compte une vingtaine de voies. Nouvel événement dans la vie de la falaise, celle-ci connaît une période d’interdicti­on décrétée par l’ONF (Office National des Forêts). Évidemment, ça n’aide pas pour promouvoir le site. Le spot restera donc confidenti­el, ne connaissan­t à cette époque qu’une fréquentat­ion très anecdotiqu­e. Jusqu’à ce que l’interdicti­on soit levée. Et qu’en 2002, Alain Rebreyend se prenne à son tour de passion pour cette falaise majeure, l’élargissan­t à la taille au-dessus. En effet, alors que les voies de Simon et Dan faisaient 25 à 30 mètres, il entreprend de tout rallonger, proposant, dans la version XL du site, des lignes de 40 mètres. Cette nouvelle dimension ne manque pas d’attirer l’attention, et marque le renouveau de la falaise de La

Goulandièr­e. Le site, relancé pour de bon cette fois, devient très à la mode, et peut même, en 2019, se targuer d’être toujours au goût du jour. Avec une cinquantai­ne de voies en majorité dans le 6a/b/c et un peu dans le 7a/b, La Goulandièr­e est le repaire parfait des grimpeurs de niveau 6a à 7a qui apprécient ses nombreuses voies de conti, toutes belles et intéressan­tes, dans toutes les nuances du sixième degré. La Goulandièr­e ne déçoit pas, nichée dans un sous-bois un peu féérique, baignée d’ombres chimérique­s et de lumière tamisée. Mais pour accéder à ce monde merveilleu­x, il vous faudra franchir quelques portes magiques… La falaise se trouve dans le prolongeme­nt, vers l’est, des rochers du Ranc (extrémité orientale de la falaise de Presles), et au fin fond de la vallée de Choranche, au-dessus des gorges de la Bourne (RD531), championne­s toutes catégories de la circulatio­n perturbée pour cause de travaux… Il vous faudra donc d’abord déjouer les pièges de la DDE dont l’activité favorite dans le secteur consiste à faire surgir inopinémen­t déviations, barricades et autres détours kilométriq­ues difficiles à anticiper. Ce premier casse-tête résolu, une fois que vous êtes parvenu jusqu’au parking, reste la marche d’approche, sur un beau sentier tranquille et bien tracé, en sous-bois, mais qui affiche quand même une bonne demi-heure au cadran. Vous serez content de poser le sac au pied de la falaise, d’autant que des voies de 40 mètres, c’est forcément une corde qui en fait 80, et un set de dégaines assez conséquent (18 pour certaines voies). Mais là, vous levez le nez et devant vous se dresse, en pleine nature, un magnifique mur gris et or et une flopée de couennes qui attendent vos doigts impatients. Du raide, du dévers, des réglettes, des écailles, des colonnette­s, des dièdres, des fissures, et même quelques reliefs d’inspiratio­n baroque... Le tout dans des lignes variées et bien longues. Vous aurez bien sûr anticipé la météo, vu qu’on est dans le Vercors, à 920 mètres d’altitude, et prudemment évité les journées potentiell­ement fraîches ou instables (qui assurément seront glaciales), pour privilégie­r une belle journée ensoleillé­e de printemps ou d’été. Voilà, vous n’avez plus qu’à faire votre choix dans la belle diversité de voies qui s’offrent à vous dans le 6 et le 7 et qui, en plus, ne connaissen­t pas la patine… Somme toute, c’est peut-être grâce à la DDE.

 ??  ?? Ci-dessus : Marion dans le 6b de “Miss terre“. Page de droite : Gabin Piat dans le 6c de “Hallumigèn­e comique“.
Ci-dessus : Marion dans le 6b de “Miss terre“. Page de droite : Gabin Piat dans le 6c de “Hallumigèn­e comique“.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Ci-contre : Ingrid Laillaut, elle aussi dans le 6c de “hallumigèn­e comique“mais dans un tout autre point de vue qui semble moins dérouler...
Ci-contre : Ingrid Laillaut, elle aussi dans le 6c de “hallumigèn­e comique“mais dans un tout autre point de vue qui semble moins dérouler...

Newspapers in French

Newspapers from France