Grimper

LES OPPOSITION­S

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En escalade comme ailleurs, l’opposition est garante de l’équilibre, parfois précaire certes, mais c’est toujours mieux que rien. Dièdres et f issures nécessiten­t le plus souvent ce type de contorsion­s. Alors même si vous avez l’esprit de conciliati­on, sachez vous opposer lorsqu’il le faut.

la dernière fois que vous avez fait une opposition, c’était pour le vol de votre chéquier, ce texte est pour vous car à partir du moment où les prises ne sont plus horizontal­es comme le veut le bon usage, vous faites des opposition­s sans le savoir. Mais là où faire des opposition­s prend tout son sens, c’est dès que vous êtes en présence d’une écaille, d’un dièdre, d’une fissure ou de quelconque volume rocheux. En effet, dans ces situations, l’escalade prend une dimension supplément­aire. Vous ne grimpez plus sur un plan mais sur deux. Non, l’exercice n’est pas deux fois plus difficile, au contraire. Avec quelques opposition­s bien placées et un costume de Spiderman, vous allez vous régaler. Oubliez vos placements de dalle et utilisez les ficelles du métier. Avec ces quelques tuyaux, les dièdres seront comme des livres ouverts où chaque prise est un mot, chaque mètre un poème, chaque longueur une ode à votre savoir-faire…

1/ La Dülfer

La Dülfer est la technique polyvalent­e par excellence. Elle peut être utilisée en dièdre, fissure, sur une colo, partout où il y a une série de bonnes prises verticales. Cette technique ancestrale tire son nom de celui de son créateur, un certain Hans Dülfer (prononcez en adoptant une attitude aussi martiale que possible : Duulferrr !), teuton de son état et excellent grimpeur du début du siècle. Ce jeune homme a vécu à l’époque une crise d’adolescenc­e difficile. Il s’opposait par principe à tout ce qui lui résistait et c’est ainsi que, devant une écaille particuliè­rement retorse, il inventa le mouvement d’opposition par excellence, les pieds à côté des mains, la célèbre Dülfer. Cette technique est particuliè­rement efficace dans les dièdres où la fissure est ouverte. Plus les prises de pieds sont nulles, plus il faut se regrouper et monter les pieds près des mains. On tire avec les bras, on pousse avec les pieds, ça tient.

Deux inconvénie­nts tout de même

>> La chose étant particuliè­rement physique et à moins de posséder comme Hans une carrure germanique, vous allez finir au centre de réanimatio­n le plus proche.

>> Si vous arrachez la prise, vous êtes bon pour un départ dos crawlé du plus bel effet mais néanmoins très désagréabl­e.

2/ Les écarts en dièdre

Se retrouver planté au fond d’un dièdre n’a rien d’agréable si l’on ne sait pas utiliser la topographi­e du terrain. En effet, puisque deux faces s’opposent, pourquoi ne pas les utiliser en posant un pied de chaque côté. Cela a plusieurs avantages : d’abord, les deux pieds poussant dans des directions opposées permettent de valoriser en adhérence des prises minuscules. De plus, cet écart vous impose de grimper à l’extérieur du dièdre et laisse donc la possibilit­é de rentrer le bassin pour verrouille­r davantage la position. Les pieds ne doivent pas être trop haut placés mais le minimum syndical s’impose. Pour tenter d’écarter le dièdre avec vos gambettes, il faut quand même placer les pieds à hauteur respectabl­e. Dans certains cas, les mains peuvent servir à vous repousser au fond du dièdre, à plat, la progressio­n ne s’effectuant que grâce aux poussées de jambes.

3/ Les appuis de mains

Dans un dièdre, vous n’êtes plus du tout obligé d’avoir des prises horizontal­es pour grimper. Au contraire, des verticales bien placées peuvent être plus économique­s. Le jeu est de se décoller du fond du dièdre, en écart, et de progresser en poussant vers l’extérieur, d’un côté et de l’autre. Avec l’habitude, on peut se surprendre à utiliser des prises infimes, que le jeu des opposition­s rend utiles. Les appuis de mains peuvent se faire de deux façons :

>> Appui de paume : la paume de la main est appuyée sur la prise, pouce vers le haut. Cette position est utile surtout si la prise est au-dessous du niveau des épaules. À utiliser si les prises ne sont pas crochetant­es. Avec ce placement de main, le corps a tendance à être repoussé en avant, ce qui est agréable si vous le désiriez (par exemple pour monter un pied).

>> Appui index/majeur : la main est tournée dans l’autre sens, pouce vers le bas. Cette position de main, légèrement moins confortabl­e, a néanmoins quelques avantages non négligeabl­es. Tout d’abord, vous pouvez aller gratter derrière une prise crochetant­e, ce qui n’est pas possible avec la paume. Ensuite, lorsque la main est dans cette position, le coude est vers le haut, l’épaule déboîtée, et cela vous permet de vous plaquer au rocher, de vous rapprocher du fond du dièdre, pour engager un déplacemen­t de l’autre main lors d’équilibres précaires.

4/ La renfougne

Tout comme Papy dans toute sa splendeur, vous poussez avec les pieds, vous poussez avec le dos et ça tient ! Ne vous étonnez pas si on vous appelle « le coinceur humain ». Si vous voulez être sûr de ne pas tomber, il vous faut un knickers, des chaussette­s Jacquard et un bonnet rouge et pas une des pâles imitations que faisait circuler le Commandant Cousteau, exigez un label Gaston Rébuffat. Une précision, la position est plus confortabl­e avec un sac à dos bien garni. Enlevez quand même les litrons de rouge si vous ne voulez pas avoir le dos farci de tessons. Cette technique s’utilise exclusivem­ent dans les cheminées ou les grands off-witch américains, disons granitique­s, deux catégories d’endroits que les grimpeurs modernes évitent comme la peste. Disons qu’il s’agit de nostalgie. Ah, le charme des cheminées et des gros sacs, une époque qui avait du bon…

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 ??  ?? Plutôt que d’essayer de rentrer au fond d’une f issure pour y trouver d’hypothétiq­ues prises ou de ramper au fond d’un dièdre, les opposition­s laissent la possibilit­é de grimper en extérieur. La renfougne est un verrou total qui permet presque de placer un relais humain en milieu de longueur de plus en plus rarissime en falaise mais sait-on jamais, au détour d’une vieille classique des folles années… L’écart permet d’être particuliè­rement bien équilibré, ce qui permet d’utiliser tous les reliefs du rocher en tirant et en poussant pour remonter un pied.
Plutôt que d’essayer de rentrer au fond d’une f issure pour y trouver d’hypothétiq­ues prises ou de ramper au fond d’un dièdre, les opposition­s laissent la possibilit­é de grimper en extérieur. La renfougne est un verrou total qui permet presque de placer un relais humain en milieu de longueur de plus en plus rarissime en falaise mais sait-on jamais, au détour d’une vieille classique des folles années… L’écart permet d’être particuliè­rement bien équilibré, ce qui permet d’utiliser tous les reliefs du rocher en tirant et en poussant pour remonter un pied.
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