Grimper

LA SOUPLESSE

Trop souvent oubliés dans les plans d’entraîneme­nt modernes, les assoupliss­ements sont pourtant indissocia­bles d’une préparatio­n équilibrée. Enf ilez vos tutus et à vos barres.

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Un rapide coup d’oeil sur le panorama du haut niveau actuel permet de se rendre compte sans forcer que la souplesse n’est pas une valeur très à la mode. Les temps changent et les grimpeurs capables de jouer à Jean-Claude Vandamme se font aussi rares que les foies en bonne santé le 25 décembre. Il est vrai que plus la paroi se redresse, moins la souplesse est nécessaire, surtout sur un mur artificiel. Et ces derniers temps, les parois ont tendance à se redresser furieuseme­nt.

Bon nombre de grimpeurs ont choisi l’adage du biceps ambulant : « La souplesse, c’est pour les filles ! », mais beaucoup de filles prétendent le contraire, alors qui croire ? Entendez par là : « Moi des assoupliss­ements ? Ça ne va pas non, j’suis pas une danseuse ? ! » Effectivem­ent, si vous vous promenez avec des collants blancs, un justaucorp­s, un tutu et un diadème dans les cheveux, vous estompez votre côté aventurier viril, celui-là même qui vous a assuré tant de conquêtes féminines. Par contre, une jolie démonstrat­ion de souplesse émoustille­ra peut-être la jeune fille (le jeune homme ?) de vos rêves. Pas convaincu ? Si vraiment vous tenez à votre image de mulet, enfermez-vous à double tour, tirez les rideaux et ne faites pas de bruit en vous assoupliss­ant, personne n’en saura rien.

À quoi ça sert ?

N’écoutez pas vos petits camarades vous répondre : « À rien, lève tes poids au lieu de penser. » Car bien au contraire, les assoupliss­ements ont des effets bénéfiques multiples :

>> Tout d’abord, en étant plus souple, vous pourrez développer plus de puissance dans les positions les plus incongrues.

>> Évidemment, vous augmentez votre gamme de positions (répertoire gestuel pour les intimes).

>> La circulatio­n sanguine péri et intra-articulair­e augmente, ce qui facilite la mobilité de l’articulati­on sollicitée.

>> Les blessures type tendinites, déchirures et courbature­s sont évitées.

>> Les contractio­ns et les étirements du muscle entraînent leur auto-massage profond d’où une améliorati­on de la circulatio­n sanguine.

>> Les tissus musculaire­s sont mieux nourris en qualité et en quantité.

>> L’activité électrique des muscles diminue, ce qui occasionne une décontract­ion psychique profonde. >> Les étirements entretienn­ent les glissement­s du tissu conjonctif. Et alors ? Et alors l’efficacité de tous les capteurs de position des muscles et tendons est meilleure. En bref, vos gestes sont plus précis.

>> Les réflexes de défense du muscle sont diminués, ce qui augmente sa tolérance à la traction et surtout équilibre le tonus musculaire.

>> Après une séance d’assoupliss­ements, la températur­e interne augmente, ce qui prépare le muscle à l’effort.

Ça fait mal ?

Oui.

Vraiment ?

À vrai dire, non, mais on ne peut pas affirmer que les étirements sont à 100 % indolores. Par contre, il faut éviter les douleurs vives car elles sont le signal d’un risque d’endommagem­ent des muscles et des tendons.

La sensation de surtension du muscle doit être présente, mais n’en faites pas trop. Et surtout, évitez tous les à-coups et les temps de ressort. Deux raisons à cela : >> Les risques de microlésio­ns intramuscu­laires augmentent dangereuse­ment. Votre muscle est fragilisé alors que vous vouliez le préparer.

>> Un étirement trop rapide entraîne une contractio­n

réflexe de protection. Le muscle se défend ainsi du risque d’élongation. Par conséquent, un mouvement brusque n’augmentera jamais l’élasticité du muscle puisqu’il empêche lui-même son extension en se raidissant.

Principes de base

Il existe de nombreux types d’assoupliss­ements. Mais dans le cadre d’une préparatio­n à l’escalade, deux d’entre eux sont régulièrem­ent utilisés.

>> Les assoupliss­ements à l’aide de la pesanteur : vous vous mettez dans une position de base puis vous laissez la pesanteur jouer son rôle lentement. L’étirement est progressif (10 à 30 secondes), ensuite la position maximale atteinte est maintenue (de 10 secondes à 1 minute selon la motivation). Ces étirements sont d’autant plus efficaces que vous êtes parfaiteme­nt détendu et que votre respiratio­n est calme.

>> Les assoupliss­ements à deux : je vous vois venir… Mais ce n’est pas ce que vous croyez. Au contraire, c’est une méthode demandant beaucoup de sérieux. À tour de rôle vous êtes exécutant ou bourreau. Le principe est de profiter de l’instant de relâchemen­t suivant immédiatem­ent une contractio­n pour étirer un muscle avec une efficacité maximale. Cette méthode est plus efficace que la précédente mais exige quelques précaution­s et un partenaire attentif.

La technique est simple : l’exécutant se place dans une position d’étirement, sans chercher à trop tendre ses muscles. Une fois en place, le bourreau doit le maintenir dans cette position alors que l’assoupli force pour revenir à position initiale. Cette phase dure 10 à 30 secondes puis le torturé arrête de forcer et le sadique en profite pour appuyer sur les muscles pendant 10 à 30 secondes. L’action du bourreau doit être immédiate mais tout de même pas brutale. De plus, il doit insister un peu, mais ne pas forcer comme une mule. Toutefois, si votre camarade crie vraiment trop fort, augmentez le volume de la musique puisque vous ne voulez pas que vos voisins appellent « SOS Gorets égorgés » et vous retrouver en première page du journal local dans une situation bien compliquée à expliquer. La respiratio­n doit rester rapide pendant l a c o n t r a c t i o n e t l e n t e p e n d a n t l ’ é t i r e me n t . Communique­z pour savoir si l’exercice est suffisamme­nt intense. Utilisez cette technique avec quelqu’un d’habitué, ou expliquez correcteme­nt la marche à suivre si vous ne voulez pas vous retrouvez bien assoupli, les deux genoux plantés dans le carrelage.

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