Grimper

LE MOUSQUETON­NAGE

-

Bien grimper, c’est bien. Seulement, est-il bien nécessaire d’être si gracieux sur le rocher si c’est pour patiner lors du mousqueton­nage ? Du reste, cet instant s’avère souvent crucial car il faut admettre l’évidence : pour mousqueton­ner, il faut lâcher une main, donc un point d’appui, tenir un blocage et prendre du mou en essayant de glisser cette maudite corde dans la dégaine. En prime, si l’on peut mousqueton­ner de différente­s manières, il y a un sens à respecter sous peine d’accident. De quoi réfléchir trois minutes sur ce thème…

Bon, vous l’aurez compris, le mousqueton­nage fait partie intégrante de la difficulté d’une voie et si un mousqueton­nage raté est déjà gênant, une erreur systématiq­ue peut transforme­r le niveau d’une voie. Alors, si vous ne voulez pas transpirer pour rien et au contraire éviter quelques sueurs froides, ouvrez vos mirettes et faites un peu de place dans un coin de votre tête pour ce qui va suivre. Non seulement vous allez moins vous fatiguer, éviter les crises de nerfs, mais en plus il peut parfois être nettement plus sûr de ne pas rater le coche car une chute avec le mou tiré dans la main, c’est la méga chute assurée. Certains y ont laissé des dents… Et si vous galérez autour du deuxième ou troisième mousqueton­nage, cela signifie risque majeur de choc genoux-mâchoires avec complicati­ons dues à l’empalement sur la souche de buis judicieuse­ment placée au point d’impact… Je vous vois déjà plus prompt à apprendre. Voilà les méthodes les plus utilisées pour mousqueton­ner. À vo u s d e vo i r l esq u e l l es vo u s conviennen­t le mieux. Il faut en maîtriser plusieurs points pour pouvoir répondre à toutes les situations et bien sûr des deux mains.

1/ Le doigt du mousqueton tourné du côté de la main qui mousqueton­ne

C’est souvent la situation qui paraît la plus naturelle. Vous saisissez la corde qui pend en dessous de vous avec l’index vers le bas. Lorsque vous remontez la corde, elle se trouve posée sur l’index. Il ne vous reste plus alors qu’à poser la corde contre l’ouverture puis à faire rentrer la corde en pinçant avec le pouce derrière le mousqueton. La partie délicate de l’opération étant de ne pas se coincer l’index. Pour cela, retirez votre doigt en faisant passer la corde.

2/ Ouverture du côté opposé à la main qui mousqueton­ne

Les choses se compliquen­t un peu. Allez pincer la corde entre le pouce et l’index en dessous de vous. Mais attention, le mieux est de la pincer entre le bord du bout de l’index et l’articulati­on du pouce. Ainsi, lorsque vous présentez la corde devant l’entrée au mousqueton, vous pouvez immédiatem­ent la rentrer à l’intérieur avec le bout du pouce. À ce moment-là, soit vous pincez encore la corde avec l’index et vous appuyez avec les trois autres doigts sur le dos du mousqueton, soit vous y allez avec les quatre autres doigts.

3/ Le mousqueton qui bouge, difficile à atteindre

Procédure identique à la précédente mais vous passez la première phalange du majeur dans le mousqueton pour le tenir, et tournez dans le bon sens ou l’emmener vers vous. Vous pouvez alors passer la corde dans l’entrée avec l’aide du pouce et de l’index. Un des autres avantages de cette formule est que vous pouvez vous tenir au mousqueton pendant le mousqueton­nage. Certains roublards fort habiles en profitent pour s’en aider au mouvement suivant, mais méfiez-vous, cela n’échappe à personne, surtout si vous mettez de la magnésie main gauche pendant que vous mousqueton­nez main droite. Toutefois, ne passez pas complèteme­nt le doigt dans le mousqueton, il risquerait de se retrouver coincé avec la corde.

4/ Mousqueton­nage à pleine main

Une méthode dissidente, mais efficace. Peu importe le sens du mousqueton, de toute façon vous le saisissez au milieu de la main. La corde est posée au creux de la paume, les doigts passent autour du mousqueton. Vous appuyez et le tour est joué. Ce n’est pas toujours pratique mais ça marche puisque le Suisse Elie Chevieux utilisait systématiq­uement cette méthode. Et à ce jeu, il a quand même réalisé un le premier 8b+ à vue de l’histoire de l’escalade…

5/ Pré-mousqueton­nage au bâton

Très utile lorsque le premier spit est haut, cette méthode permet de mousqueton­ner depuis le sol et donc de grimper jusqu’au premier point en moulinette. Les Anglais appellent cette méthode « le bâton de tricheur » et s’il est vrai qu’elle n’est pas orthodoxe, elle vous permet de conserver le parallélis­me de vos jambes si le point est haut, le départ dur ou le sol chaotique. Il est à noter que certaines falaises, principale­ment à l’étranger, sont équipées en tenant compte de cette méthode. Alors n‘oubliez pas votre strappal et si vous êtes dans le désert, prévoyez des piquets de tente, une canne à pêche ou je ne sais quelle antenne, sauf paraboliqu­e bien sûr…

Le bon usage

Maintenant que vous savez mousqueton­ner sans ramer, encore faut-il le faire dans les règles de l’art, et ce pour votre sécurité. En effet, si vous mousqueton­nez à l’envers, la corde risque en cas de chute d’ouvrir le doigt du mousqueton et de repasser dedans, se libérant de l’emprise de celui-ci. Du coup, vous n’êtes plus assuré par cette dégaine… Au mieux vous prenez une gaufre d’autant plus belle, au pire vous vous collez par terre. Même si ce genre d’accidents n’est pas vraiment courant, le risque est bel et bien réel. Attention, il ne s’agit pas d’une simple hypothèse tirée d’un savant calcul de probabilit­é. La dégaine ne doit jamais vriller et le doigt est généraleme­nt placé du côté opposé au sens de la corde.

Clipper au bon moment, un vrai casse-tête

Clipper les dégaines pose souvent problème dans les voies à votre top niveau. Cela casse votre vitesse de grimpe et vous oblige à être en position statique pendant quelques instants.

Parfois, garder une position statique en libérant une main peut être extrêmemen­t difficile, voire dangereux si ces clippages sont proches du sol. Il faut donc élaborer une vraie stratégie par rapport à cela.

La première exigence est de savoir clipper très rapidement, main droite et main gauche avec les techniques disponible­s (à droite, à gauche, en saisissant). La seconde exigence est de savoir libérer un appui, en restant le corps statique, même brièvement dans tous les types de positions.

Pour tout cela, vous pouvez vous entraîner à clipper un brin de corde sur des dégaines factices sur votre pan ou dans votre maison au cours de la journée pour avoir une dextérité parfaite.

Enfin il reste quelques astuces pour lâcher le moins d’énergie possible.

Par exemple en mur, vous pouvez souvent clipper plusieurs dégaines à la fois, sans que cela sorte des règles de sécurité. Pour les plus malins, vous pouvez allonger les sangles de dégaines pour qu’elles soient plus accessible­s lorsque le point est un peu haut.

En règle générale dans le dévers, il faut essayer de clipper dès que c’est possible mais parfois, il faut aussi savoir clipper au niveau de la taille pour être sur une position plus confortabl­e dans des inclinaiso­ns moindres.

Enfin, un clippage peut être fait dans le mouvement sans forcément marquer un temps d'arrêt.

Il existe aussi la fameuse pratique de saut de dégaines lorsqu’elles sont trop difficiles à clipper. Retenez bien que cette pratique dangereuse est à l’origine de nombreux accidents. Un point en falaise n’est pas forcément inarrachab­le, ni même les prises sur lesquelles vous grimpez, donc évitez de le faire même si vous voyez des grimpeurs plus forts que vous le pratiquer.

Nettement moins engagé : la technique du pré-clippage.

Il s’agit de pré-mousqueton­ner les premières dégaines pour éviter un effort difficile et potentiell­ement dangereux en début de voie.

Votre éthique personnell­e vous guidera pour vous dire si vous vous autorisez cet usage. Personnell­ement, je suis intéressé par grimper un passage et les clippages ne m’intéressen­t pas s’ils me font prendre un risque de chute au sol. Selon le niveau de la voie, je m’autorise donc cela, mais c’est un avis très personnel. Dans la Drôme, les grimpeurs parlent de h1, h2, h3 selon s’ils pré-clippent une, deux ou trois dégaines (honte niveau 1, honte niveau 2…).

Au niveau h5, c’est plus proche de la moulinette mais bon, tant que vous grimpez le passage et que vous ne vous faites pas mal en tombant…

L’important est de s’amuser !

 ??  ?? Mousqueton­ner à hauteur de bassin est la bonne méthode pour ne pas se fatiguer outre mesure.
Mousqueton­ner à hauteur de bassin est la bonne méthode pour ne pas se fatiguer outre mesure.
 ??  ?? Mousqueton­ner de manière eff icace n’est pas seulement un gain de temps, donc de performanc­e, mais un véritable souci de sécurité car tomber avec le mou entre les dents, ou à bout de bras, n’est pas la meilleure sensation que l’on puisse avoir en grimpant…
Mousqueton­ner de manière eff icace n’est pas seulement un gain de temps, donc de performanc­e, mais un véritable souci de sécurité car tomber avec le mou entre les dents, ou à bout de bras, n’est pas la meilleure sensation que l’on puisse avoir en grimpant…
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? De même, le doigt est ici tourné contre le rocher, dans le sens de la traversée. Les reliefs de la falaise risquent, lors de la chute, d’ouvrir le doigt quand la dégaine frottera contre, affaibliss­ant considérab­lement la résistance du mousqueton.
De même, le doigt est ici tourné contre le rocher, dans le sens de la traversée. Les reliefs de la falaise risquent, lors de la chute, d’ouvrir le doigt quand la dégaine frottera contre, affaibliss­ant considérab­lement la résistance du mousqueton.
 ??  ?? Le bon et le mauvais exemple : si le grimpeur tombe légèrement sur la droite, la corde appuiera sur le doigt, ce qui risque bien de libérer la corde de l’emprise du mousqueton.
Le bon et le mauvais exemple : si le grimpeur tombe légèrement sur la droite, la corde appuiera sur le doigt, ce qui risque bien de libérer la corde de l’emprise du mousqueton.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Le casse-tête du clippage résumé à merveille par Quentin Chastagnie­r dans
“Le braille“, un projet toujours pas réalisé à la Bastille, à Grenoble.
Le casse-tête du clippage résumé à merveille par Quentin Chastagnie­r dans “Le braille“, un projet toujours pas réalisé à la Bastille, à Grenoble.
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France