Grimper

L’ADHÉRENCE

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La frontière entre « ça tient » et « ça zippe, bordel de m**** » est souvent bien étroite. La semelle qui colle au mur n’étant toujours pas d’actualité, l’adhérence reste un subtil mélange d’audace, de maîtrise et d’autres paramètres dont le sens de la poussée, la pression exercée, l’équilibre, la précision semblent vite être les plus importants. Voilà ce qu’il faut savoir pour réaliser le dosage parfait.

Noires,

grises, blanches, oranges, rouges, vertes, n o s s e me l l e s s o n t p a s s é e s p a r t o u t e s l e s couleurs avant de s’arrêter sur l’arme actuelle, la gomme résinée. Pourtant, malgré toutes ces recherches, les pas de dalle restent toujours aussi durs. Il suffit de faire un tour à Buoux, Bleau ou encore Mouriès pour se retrouver face à la cruelle évidence : dans les années 70/80, ils avaient peut-être des chaussures moisies mais ils savaient s’en servir.

Vingt ans plus tard, difficile de faire mieux avec des chaussons high-tech. La première option consiste à laisser entendre que le rocher est patiné, que des prises ont cassé. Pourquoi pas, mais en suivant nos investigat­ions dans d’autres voies, le constat serait le même. Il faut donc se rendre à l’évidence, ce n’est pas le chausson qui fait l’adhérence, mais bien le grimpeur. Il ne suffit pas de pousser sur les pieds, encore faut-il trouver la limite au-delà de laquelle il ne faut pas s’aventurer. Imaginez un pilote de F1 à 250 km/h dans une longue courbe. Il lui faut se rapprocher au maximum de l’adhérence optimale sans jamais le dépasser. Pour nous c’est pareil, en moins rapide. Spécialeme­nt pour vous, voilà dans le désordre tous les points à surveiller pour rester serein même sur les pentes les plus frileuses. Attention, comme dans toute recette compliquée, chaque ingrédient participe au goût du plat final. Ne négligez rien, surtout pas les plus petits détails.

Les petits plus >> Les conditions :

les conditions optimales se situent autour de cinq degrés pour obtenir une adhérence parfaite. Ne vous étonnez donc pas si vous ne tenez pas sur un plat au mois d’août alors que vous l’aviez randonné en janvier. Néanmoins, les conditions étant ce qu’elles sont et la météo n’en faisant qu’à sa tête, un piètre coefficien­t de friction ne doit jamais être une excuse. Vous savez ce qu’on dit, il n’y a pas de prises grasses, seulement des grimpeurs gras.

>> Soigner ses chaussons :

une semelle propre avant d’aborder une voie est déjà un atout majeur. Un peu de salive au creux de la main et c’est parti pour faire chauffer la gomme. Elle doit reprendre sa couleur noire d’origine et émettre un couinement caractéris­tique lorsque vous la frottez. Évitez naturellem­ent de remarcher dans la poussière avant d’attaquer. Pour les plus maniaques, un coup de brosse et d’eau de temps en temps vire toutes les impuretés de la semelle pour le bonheur des petits et des grands. Si la gomme part en « bouloches », un coup de papier de verre remet tout ça en ordre.

>> Ancrer ses pieds :

au moment de la pose de pieds, tentez d’incruster immédiatem­ent les reliefs dans votre semelle en y imposant un appui franc ou en la vrillant de quelques degrés.

>> Brosser les prises :

une brosse à dents au fond du sac est toujours utile, non pas en cas de rencontre se terminant au petit-déjeuner mais pour débarrasse­r les prises des résidus de magnésie et autre salissures laissées généreusem­ent par vos prédécesse­urs. Ne riez pas, un peu de ménage suffit parfois à tout changer et précédemme­nt, nous avons convenu de ne négliger aucun détail.

>> Finir ses poussées :

continuez de charger conscienci­eusement vos pieds, même en fin de mouvement. Gardez votre appui jusqu’à ce que vous ayez décidé de le quitter pour de bon sinon il risque de devancer votre décision.

>> Choisir le bon chausson :

un chausson souple, type ballerine, va vous permettre d’utiliser un maximum de surface de semelle et donc, de gagner en adhérence pure. Par contre, il demande davantage d’efforts pour garder les pieds toniques, surtout dans les voies longues. Trouvez un compromis correspond­ant à votre morphologi­e et à votre style d’escalade (bloc, dalle, voie longue…). La meilleure pointure est la plus petite possible avant que ça ne fasse trop mal pour être efficace. Quant aux différents types de gommes, ils se valent pour la plupart et ne changeront probableme­nt rien à votre niveau.

1. La pose des pieds

Premier maillon de la chaîne, la façon de poser le pied sur les prises revêt un caractère primordial. Une fois placé, il ne doit plus bouger. Tourner le talon de quelques degrés peut vous déquiller un appui en pointe. Le talon doit rester bas, de façon à ce que la gomme « morde » le maximum de surface. Exercez une poussée dès que possible pour caler le pied d’entrée et sur tout ne la relâchez sous aucun prétexte. La pose du pied doit être précise (pour être sur la prise exactement) et franche (pour y rester).

Attention à toujours rester bien en appui sur les prises. Non seulement pour rentabilis­er votre travail de pied mais surtout pour éviter toute glissade. Vous devez avoir l’impression d’enfoncer les prises avec les orteils. Le moindre relâchemen­t risque de mal tourner. Pensez de nouveau à notre copain pilote de F1. Que se passe-t-il s’il perd ses ailerons, censés le plaquer au sol ? Il perd tout appui et va s’écraser au fond du bac à gravier. Contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, un pied qui ripe est souvent un pied pas assez chargé.

2. Le sens de la poussée

Selon que la prise est horizontal­e, oblique ou ver ticale, il va falloir une poussée adaptée si vous voulez rester sur le rocher. Pour monter, il est nécessaire de toute façon de pousser vers le bas. Mais si la prise est verticale, par exemple, cela n’est guère possible. Il convient alors d’appuyer en direction de la prise également. Le principe est donc d’appliquer un effort en oblique mais le plus vertical possible tout de même pour délester le maximum de poids. Mais pas trop non plus, sinon, c’est la zippade. Là est toute l a subtili t é, rechercher la limite exacte et la meilleure façon d’utiliser une prise.

3. L’équilibre 4. L’audace

Sur des adhérences précaires, le moindre faux mouvement peut être fatal. Les transferts de masse d’un appui sur l’autre doivent se faire délicateme­nt, sans risquer de faire bouger un orteil. En dalle, le buste doit rester à l’aplomb des pieds, se coucher à plat ventre ne donnerait rien de bon. Vous avez déjà essayé de marcher penché en avant ? Impossible de trouver un équilibre même sur du plat, alors ce n’est pas en dalle que vous réussirez. Un pied complèteme­nt à plat, ça tient bien plus que l’on ne le croit. Le tout est souvent d’oser et parfois de trouver le bon rythme pour se servir de cet appui précaire le moins longtemps possible. Le secret est donc de tenter le coup et surtout d’aller jusqu’au bout sans temps d’arrêt. Lorsque vous ne sentez pas une prise, posez le pied dessus, repérez la suivante (pour l’autre pied) et tel le cabri, placez un appui franc et furtif le temps de monter d’un cran. Chacun a sa technique pour limiter les sueurs froides dues à ce type de mouvement. Certains font trois Ave, deux Pater, d’autres ferment les yeux ou encore appellent maman. À vous de voir.

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